Publié le 20 janvier 2020 par : M. Saulignac.
Rédiger ainsi cet article :
I. – Le 7 du I de l’article 6 de la loi n° 2004‑575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique est ainsi modifié :
1° Au troisième alinéa, les mots : « ou identité sexuelle » sont remplacés par les mots : « sexuelle, de leur identité de genre » et, après la référence : « article 24 », sont insérées les références : « , à l’article 24bis et aux troisième et quatrième alinéas de l’article 33 ».
2° Après le même troisième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« À ce titre, après notification par une ou plusieurs personnes, tout contenu dont il apparaît qu’il contrevient manifestement aux infractions mentionnées au troisième alinéa du présent 7 doit faire l’objet dans les vingt-quatre heure d’un retrait ou doit être rendu inaccessible à titre provisoire. Ce retrait reste en vigueur jusqu’à sa validation par le tribunal de grande instance statuant en référé saisi par les personnes mentionnées au 1 et 2. Le juge des référés se prononce dans un délai inférieur à 48 heures à compter de la saisine. En cas d’appel, la cour se prononce dans un délai inférieur à 48 heures à compter de la saisine.
« Le fait de ne pas respecter l’obligation définie à l’alinéa précédent est puni des peines prévues au I du VI. » ;
3° Au début du quatrième alinéa, les mots : « À ce titre, elles doivent » sont remplacés par les mots : « Les personnes mentionnées aux 1 et 2 doivent également » ;
4° Après le quatrième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Lorsqu’un contenu mentionné au troisième alinéa du présent 7 a fait l’objet d’un retrait, les personnes mentionnées au 2 substituent à celui-ci un message indiquant qu’il a été retiré.
« Les contenus illicites retirés peuvent être conservés pendant une durée maximale d’un an pour les besoins de la recherche, de la constatation et de la poursuite des infractions pénales, à la seule fin de mettre ces informations à la disposition de l’autorité judiciaire. »
II. – Au dernier alinéa du 7 du I et au 1 du VI de l’article 6 de la loi n° 2004‑575 du 21 juin 2004 précitée, le mot : « quatrième » est remplacé par le mot : « sixième » et la référence : « cinquième » est remplacée par la référence : « antépénultième ».
Le présent amendement nous vient de nos collègues sénateurs socialistes et propose d’instaurer une obligation de retrait ou de blocage en 24 heures, à titre provisoire, d’un contenu haineux notifié qui serait manifestement illicite sous peine de sanctions pénales, jusqu’à sa validation par le tribunal de grande instance statuant en référé.
Il reprend les avancées introduites par les rapporteurs de la commission des lois, de la culture et des affaires économiques du Sénat pour renforcer le rôle de régulateur du CSA afin de superviser et garantir l’application de la LCEN, pour faciliter les procédures de signalement par les utilisateurs, pour améliorer le partage d’informations entre opérateurs et pour favoriser la transparence des procédures en cas de retrait ou d’absence de retrait ou de déréférencement.
Mais il compense les mesures contraignantes visant à lutter contre la haine en ligne qui figurent à l’article 1er de la proposition de loi par la présentation de solutions concrètes permettant de faire évoluer le droit en vigueur unanimement considéré comme inadapté.
Le Sénat s’est contenté de faire reposer la lutte contre les contenus haineux en ligne essentiellement sur le volontarisme des plateformes. Or, nous savons que la principale motivation qui les anime consiste à protéger leur réputation et consolider leur modèle économique.
Nonobstant les efforts et les bénéfices des démarches d’autorégulation accomplies par les opérateurs les plus importants (mise en quarantaine, décélération, rappel au règlement de la communauté, action pédagogique…), le manque de transparence de leur fonctionnement ainsi que l’insuffisance de leur mécanisme de modération justifient une intervention proactive des pouvoirs publics à leur encontre.
Un dispositif de blocage dans le délai de 24 heures s’appuyant sur les fournisseurs d’accès à internet a été mis en place à l’article 6‑1 de la LCEN depuis 2014 pour les contenus terroristes ou pédopornographiques. En outre, il ressort du code de bonne conduite visant à lutter contre les discours haineux illégaux élaboré conjointement par la Commission européenne et les grandes entreprises de l’internet en juin 2016, que les opérateurs de plateforme qui y adhèrent appliquent déjà ce délai en moins de 24 heures. Enfin une proposition de règlement relatif à la prévention de la diffusion de contenus à caractère terroriste en ligne formulée par la Commission européenne en septembre 2018 envisage une obligation de retrait du contenu en une heure à compter de la réception d’une injonction administrative. Ainsi qu’on peut le constater, le délai de 24 heures sur lequel serait adossé l’obligation de retrait d’un contenu illicite après signalement ne constitue pas en soi un motif légitime de rejet.
En revanche, imposer aux opérateurs de plateforme une obligation de retrait de contenus illicites notifiés sous 24 heures et prévoir une sanction en cas de non-respect, sans aucun garde-fou risquerait de porter atteinte à la liberté d’expression.
En effet, si un doute subsiste sur la nature du contenu, les opérateurs préféreront le retirer plutôt que de risquer le paiement automatique d’une amende. Pareil dispositif reviendrait à conférer à des entreprises dominantes dans ce secteur une responsabilité exorbitante, s’apparentant à une compétence régalienne.
C’est la raison pour laquelle, tout en veillant à respecter le principe de prompt délai exigé par la directive européenne, il convient de réserver à l’autorité judiciaire, gardienne des libertés individuelles et de la liberté d’expression la place qui lui revient dans le dispositif de contrôle lui permettant d’assurer l’analyse du contexte du retrait dans un délai raisonnable et éviter un risque de sur-censure.
La régulation de l’activité des plateformes ne sera pas satisfaisante si elle ne s’accompagne pas du renforcement des obligations de retrait des contenus haineux, sous le contrôle du juge judiciaire.
Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cet amendement.