Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 — Texte n° 269

Amendement N° 50 (Non soutenu)

Publié le 23 octobre 2017 par : M. Christophe.

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Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° L'article L. 142‑1 du code de la sécurité sociale, est complété par trois alinéas ainsi rédigés :

« Les membres des commissions des recours suivent une formation initiale à l'exercice de leurs fonctions et une formation continue, prise en charge par les organismes de sécurité sociale et suivant des modalités fixées par décret ;
« En cas de litige portant sur des cotisations de sécurité sociale, des majorations de retard ou encore sur la contribution sociale généralisée, le cotisant est invité à se faire entendre, s'il en émet le souhait, devant la commission des recours, suivant des modalités fixées par décret.
« En cas de litige portant sur des cotisations de sécurité sociale, des majorations de retard ou encore sur la contribution sociale généralisée, la commission des recours a la faculté de faire appel, afin de l'éclairer dans ses décisions, à des personnes extérieures choisies pour leurs compétences dans le domaine concerné et suivant des modalités fixées par décret. » ;

2° Après la première phrase de l'alinéa 2 de l'article L. 151‑1 est insérée une phrase ainsi rédigée :

« Dès lors qu'un assuré ou un cotisant est concerné par lesdites décisions, il est dûment et précisément informé des raisons ayant motivé ce refus. » ;

3° Après l'article L. 243‑7‑1 est inséré un article L. 243‑7‑1‑1 ainsi rédigé :

« Art. L. 243‑7‑1‑1. – En cas de saisine de la commission des recours, le cours des majorations de retard est suspendu jusqu'au moment où la commission a statué sur la réclamation du cotisant » ;

4° L'article L. 244‑9 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La contestation de la mise en demeure, prévue à l'article L. 244‑2 dans le cadre du contentieux général de la sécurité sociale, suspend toute procédure en recouvrement des cotisations. »

Exposé sommaire :

La Commission de recours amiable constitue la première étape obligatoire du contentieux général de la sécurité sociale (V. CSS, art R 142‑1). Comme l'a considéré le rapport Fouquet, « les commissions de recours amiables constituent un élément essentiel du dispositif des prélèvements obligatoires sociaux et les entreprises » (cotisations sociales : stabiliser la norme, sécuriser les relations avec les URSSAF et prévenir les abus. Rapport d'Olivier Fouquet. Juillet 2008. p.37). Sans doute, n'est-il pas sans intérêt de rappeler l'état d'esprit du législateur lors de la création de cette commission. La lecture de l'exposé des motifs de la loi du 24 octobre 1946 est, à cet égard, particulièrement intéressant : « il est apparu utile que les réclamations soient, avant l'intervention de toute juridiction, portées devant le Conseil d'administration de l'organisme compétent, de manière que le cas soit examiné, non pas seulement par un employé irresponsable de la Caisse, mais par les administrateurs eux-mêmes, c'est à dire en fait par les représentants des intéressés » (V. A. de Cambourg. Dr. soc. 1954, p 639). Le législateur avait donc considéré cette commission, émanation du Conseil d'administration de chaque Caisse, comme un filtre chargé de procéder à un nouvel examen des dossiers avant la phase judiciaire. Toutefois, et bien à tort, le législateur avait donné, à cette commission, l'appellation de « commission de recours gracieux ». Le moins que l'on puisse dire, c'est que ce « label » créait une regrettable confusion avec le recours gracieux dans le domaine administratif. Il fallut attendre le décret n° 86‑58 du 18 mars 1986 pour voir donner à cette institution une autre appellation plus juste au niveau juridique : commission de recours amiable.

L'appréciation portée sur ces commissions est différente suivant le type d'organismes concerné (CPAM - CARSAT - CAF). En effet, dans ces dernières entités, les commissions de recours amiable jouent un rôle social et humain qu'il ne faudrait pas sous-estimer. Notre propos ne vise donc pas ces institutions.

En revanche, le rôle de ces commissions semble beaucoup plus contesté dès lors qu'une contestation apparaît sur le fond d'un dossier et qu'un enjeu financier est en cause. Le rapport Fouquet précité le relevait en notant que « la procédure suivie est imparfaite et respecte peu les exigences du contradictoire » (rapport précité p.37) . On notera, en effet, que la procédure est uniquement écrite et qu'il sera statué sur le dossier en l'absence du cotisant (contrairement à ce qui existe en matière fiscale où le contribuable est convoqué (V. liv. proc. fisc, art R 60‑1 pour la Commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires - liv. proc. fisc, art R 59 B-1 pour la Commission départementale de conciliation). La cour de cassation a rappelé que la CRA n'était pas une juridiction mais une émanation du conseil d'administration de l'organisme de sécurité sociale concerné, et n'était pas, de ce fait, soumise aux dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme (Cass civ.2°.8 novembre 2006.pourvoi n° 05‑14075). On mentionnera cependant que dans le cadre de pénalité prononcée par le directeur de l'organisme chargé de la gestion des prestations familiales ou des prestations d'assurance vieillesse, au titre de toute prestation servie par l'organisme concerné (C sec soc art L 114‑17), la commission rend un avis motivé « après avoir entendu la personne en cause, si celle-ci le souhaite » (C sec soc art R 114‑11). Pourquoi ce qui est applicable s'agissant des fraudes aux prestations ne pourrait-il être applicable en cas de fraude aux cotisations ?

On comprend, dans ces conditions, que la doctrine ait émis des propos parfois sévères sur cette institution. Ainsi, pour H.G. Bascou, « le législateur devrait abandonner cette phase qui n'a, comme seul intérêt, de permettre aux URSSAF, compte tenu de la lenteur des décisions, de demander aux cotisants, en cas de résultats défavorables, de plus importantes majorations de retard » (Droit et Patrimoine. Avril 1999, n° 70, p 33 s). De même, pour le conseiller à la Cour de Cassation, J. Favard, « la Commission de recours amiable a été créée dans le but d'éviter les contentieux. Pour cela, elle doit trancher les situations qui se présentent à elle de manière impartiale. Si elle ne remplit pas cette condition, elle ne pourra qu'être abandonnée » (V. Contrôle URSSAF : vers une charte du cotisant vérifié. colloque. Ass. Nat. 10 mars 1999, p 14).

Est-il besoin de préciser que, depuis 1946, date de création des Commissions de recours gracieux, les temps ont bien changé ? A la fin de la deuxième guerre mondiale, les cotisations sociales étaient peu élevées et la législation de la sécurité sociale simple et peu sujette à contestation. Les redressements ne concernaient que les « mauvais payeurs » à l'égard desquels des poursuites devaient être engagées dans les délais les plus brefs. Toutefois, les données ne sont plus les mêmes aujourd'hui : les entreprises subissent, de plein fouet, la crise économique. Qui plus est, dans un pays où la loi « change à chaque saison » (V. Rapport du Conseil d'État de 1992), les textes sont de plus en plus sujets à interprétation. Dans ces conditions, le rôle de la Commission de recours amiable doit être revu.

Les propositions sont les suivantes :

- Autant les termes « commission de recours gracieux » ne convenaient pas avant 1986, autant le terme « amiable » est inadapté. En effet, la définition du dictionnaire Larousse pour ce terme est : qui a lieu par voie de conciliation, par opposition à la voie contentieuse ; qui est fait de gré à gré, directement avec la personne concernée. Or, justement, nous sommes ici dans une voie contentieuse, sans que le cotisant ne soit présent lorsque son dossier est étudié. Nous proposons donc les termes plus neutres de « commission des recours » ;

- Il parait indispensable que le cotisant, non seulement, puisse présenter des observations, mais qu'il puisse s'exprimer, s'il le souhaite. La commission Fouquet avait d'ailleurs formulé une proposition en ce sens en privilégiant l'explication orale lorsque les problèmes sont complexes (rapport p.38). A cette fin, il pourrait être ajouté un alinéa 3 à l'article L 142‑1 du Code de la sécurité sociale suivant lequel en cas de litige portant sur des cotisations de sécurité sociale, des majorations de retard, ou encore sur la contribution sociale généralisée, le cotisant est invité à se faire entendre devant la Commission de recours amiable, suivant des modalités fixées par décret. Une telle solution permettait de revaloriser le rôle de ces Commissions et de renforcer la procédure contradictoire. Gageons, en outre, que le dossier étant bien expliqué et bien débattu, il aboutirait ainsi à une solution rapide permettant, aux URSSAF, des procédures longues et inutiles ;

- Il semble nécessaire d'introduire au sein de ces commissions, des personnes qualifiées eu égard à leur connaissance de la matière (experts comptables, avocats spécialisés en droit de la sécurité sociale, responsables sociaux d'entreprise…). Cela permettrait d'éviter un véritable dialogue au sein de ces entités.

--> Il est souhaitable que, durant cette phase, le cours des majorations de retard cesse de courir. En effet, il ne paraît pas logique, qu'un organisme de recouvrement, puisse pratiquement profiter de son propre retard à statuer.

--> Il convient d'améliorer la procédure d'annulation des décisions de la commission par l'autorité de tutelle (la mission nationale de contrôle et d'audit des organismes de sécurité sociale (MNC) en exigeant que la décision d'annulation de l'autorité de tutelle soit déjà dûment motivée (C sec soc art L 151‑1 et R 151‑1)

--> Enfin, il serait souhaitable de mettre fin à un imbroglio juridique en matière de recouvrement des cotisations. En effet, une URSSAF, dans le but d'accélérer la procédure, est-elle en droit de décerner une contrainte (contentieux du recouvrement) en cas de saisine préalable de la Commission de recours amiable par le débiteur (contentieux général) ? La réponse paraissait négative. En effet, il semble logique que la contestation du débiteur devant la Commission (première étape du contentieux général) paralyse la procédure de recouvrement. En plus, mettre en œuvre la procédure de contrainte alors que la CRA a été saisie, ne revient-il pas pour l'URSSAF a se renier elle-même. Toutefois, faute de texte, la Cour de cassation a décidé l'inverse (Cass. soc. 31 mai 2001 pourvoi n° 99‑14622 – Cass civ 2° 3 avril 2014. pourvoi n° 13‑15136), obligeant ainsi le débiteur à mener deux actions de front. Il convient donc de mettre fin à cette étrangeté en ajoutant à l'article L 244‑9 du Code de la sécurité sociale un alinéa suivant lequel la contestation de la mise en demeure, prévue à l'article L 244‑2 dans le cadre du contentieux général de la sécurité sociale, suspend toute procédure en recouvrement des cotisations.

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