Publié le 13 octobre 2020 par : M. Ratenon, Mme Autain, M. Bernalicis, M. Coquerel, M. Corbière, Mme Fiat, M. Lachaud, M. Larive, M. Mélenchon, Mme Obono, Mme Panot, M. Prud'homme, M. Quatennens, Mme Ressiguier, Mme Rubin, M. Ruffin, Mme Taurine.
Cet amendement a été déclaré irrecevable après diffusion en application de l'article 98 du règlement de l'Assemblée nationale.
Le chlordécone est un scandale d’état. l’usage du chlordécone en Guadeloupe et en Martinique de 1972 à 1993 est le « fruit d’un aveuglement collectif », dans lequel l’État doit « prendre sa part de responsabilité », avait dit Emmanuel Macron lors d’un déplacement en septembre 2018 aux Antilles. La prise en charge par la collectivité publique des conséquences de l’usage pendant plus de vingt ans, dans les bananeraies des Antilles françaises, du chlordécone, un insecticide particulièrement toxique est un enjeu écologique fondamental pour ces territoires.
Au-delà des écosystèmes, la quasi-totalité des Antillais sont eux-aussi contaminés, soit 95 % des 800 000 habitants de la Guadeloupe (95 %) et de la Martinique (92 %), comme le révèle une étude menée pour la première fois à grande échelle par Santé publique France. Ce perturbateur endocrinien très puissant altère la fertilité et entrave le développement neurologique des nourrissons. Au vu de la persistance du Chlordécone dans les écosystèmes et du degré de contamination des populations locales, des mesures concrètes et urgente de dépollution et de protection doivent être prises. Près de trente ans après l’interdiction du Chlordécone, les populations antillaises ont droit aujourd’hui à la reconnaissance des préjudices subis et de leur statut de victime par l’État et la société.
La création d’un fonds d’indemnisation est aujourd’hui essentiel, comme le soulignait Mathilde Panot dans sa proposition de résolution n° 1267 : « A la suite d’un rapport parlementaire de 2005 demandant des mesures urgentes, un premier plan national d’action a été mis en place en 2008, suivi d’un deuxième. Un troisième court jusqu’en 2020. En 2013, un changement dans la réglementation européenne a provoqué une hausse mécanique des seuils autorisés des résidus du produit dans certaines viandes. Dans un rapport controversé de décembre 2017, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) affirmait que les nouvelles limites maximales étaient suffisamment protectrices et qu’il n’était pas utile de les abaisser. Pourtant, le Gouvernement actuel parle d’un objectif zéro chlordécone et la politique de prévention affichée par les autorités vise à réduire l’exposition de la population à ce pesticide.
Un rapport de l’Institut national de la recherche agronomique, publié en 2010 et retraçant l’historique du chlordécone aux Antilles, s’est étonné du fait que la France ait renouvelé l’homologation du pesticide en décembre 1981. En 2014, la Cour des comptes dénonçait dans un rapport (La santé dans les Outre‑mer, une responsabilité de la République, 2014) les « atermoiements des administrations centrales » entre la proposition d’interdiction de 1986 et la publication de cette interdiction en 1990. Des associations et la Confédération paysanne ont déposé une plainte contre X en 2006 pour « mise en danger d’autrui et administration de substances nuisibles ».
Les conclusions des enquêteurs sont claires : « Les décisions prises à l’époque ont privilégié l’aspect économique et social à l’aspect environnemental et à la santé publique ». Un procès‑verbal de synthèse rendu en 2016 par les enquêteurs de l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique révèle que l’entreprise Laguarigue a reconstitué un stock conséquent de chlordécone alors que le retrait d’homologation du produit lui avait déjà été notifié. Or les services de l’État ont été informés de cette importation puisque les 1 560 tonnes ont été enregistrées par les douanes à leur arrivée aux Antilles en 1990 et 1991. Dans le même temps, le chlordécone obtient un sursis de deux ans, réclamé par un député‑maire des Antilles, Guy Lordinot et accordé par Henri Nallet, ministre de l’Agriculture de l’époque. En 1992, Yves Hayot, président de la Sicabam, un groupe de producteurs de bananes, et également dirigeant de l’entreprise importatrice Laguarigue, exige, directement auprès du ministre, une dérogation d’un an supplémentaire qui est accordée. Devant les gendarmes, Yves Hayot a reconnu qu’il avait « pratiqué personnellement un lobbying auprès de Jean‑Pierre Soisson, qu’il connaissait, pour que des dérogations d’emploi soient accordées ».
Dans ce cadre, de nombreux points d’ombre demeurent. Pourquoi la France a‑t‑elle attendu 1990 pour interdire un pesticide qui avait été classé « cancérogène probable » en 1979 et banni aux États‑Unis dès 1976 ? Pourquoi le chlordécone a‑t‑il bénéficié de dérogations pendant trois ans aux Antilles après son interdiction en métropole ? Pourquoi la cartographie des zones polluées réalisée par l’État en 2010 est‑elle restée confidentielle jusqu’en 2018 ? Quelle est la véritable ampleur des dégâts tant sur le plan sanitaire qu’environnemental ? Au vu de la persistance du chlordécone dans les écosystèmes et du degré de contamination des populations locales, des mesures concrètes et urgente de dépollution et de protection doivent être prises. Près de trente ans après l’interdiction du chlordécone, les populations antillaises ont droit aujourd’hui à la reconnaissance des préjudices subis et de leur statut de victime par l’État et la société. »
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