Publié le 15 février 2021 par : M. Saulignac, M. Vallaud.
Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de deux ans à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport examinant l’opportunité de faire évoluer :
– d’une part, le montant de la dotation tremplin mentionné à l’article L. 5151‑13 du code du travail au regard des effets potentiels sur le niveau de vie de ses bénéficiaires ainsi que des coûts des actions financées ;
– d’autre part, les usages autorisés de la dotation tremplin sur le compte personnel d’activité, mentionnés à l’article L. 5151‑14 du code du travail, au regard de l’ensemble des actions ou moyens qui peuvent être mobilisés pour se former, rechercher un emploi ou créer une activité entrepreneuriale et associative.
Depuis plusieurs années, le Parlement dans son ensemble et des parlementaires en particulier ont engagé des expérimentations visant à ouvrir la procédure législative à la participation citoyenne.
Rappelons par exemple que bien que peu promu et donc très faiblement utilisé, l’article 83 de notre règlement prévoit que les études d’impact sont ouvertes, après leur dépôt, aux commentaires et analyses des citoyennes et citoyens. C’est une des raisons qui a poussé, en vain, le groupe socialiste à proposer lors de la réforme du règlement le renforcement du rôle du rapporteur d’application en précisant non pas qu’il pouvait mais qu’il devrait réaliser en première lecture un rapport sur l’étude d’impact, en tenant compte de ces avis citoyens.
Depuis plusieurs années le groupe socialiste est également porteur d’une réflexion sur la notion « d’amendement citoyen ». Nous pouvons faire référence à la note d’Olivier FAURE et de Vito MARINESE d’avril 2015 à ce sujet : https://jean-jaures.org/nos-productions/le-droit-d-amendement-citoyen-naissance-d-une-democratie-collaborative
Rappelons l’esprit de cette proposition en reproduisant ici un extrait de cette note :
« Alors que faire ? Innover ! Comment ? Par la création d’une procédure inédite dans le monde : un droit d’amendement citoyen, dès lors que son auteur réunit un nombre suffisant de co-signatures sur le web. À l’issue du vote, tous les citoyens co-signataires recevraient par mail le compte-rendu des débats.
L’idée est aussi simple que ses effets révolutionnaires. L’exercice de ce droit nouveau interdirait toute constitution de « bulle » politique et médiatique. Aucun débat, aucune position dès lors qu’elle rencontre un écho dans l’opinion ne pourraient plus être esquivés. Ce droit permettrait une interaction permanente entre élus et citoyens entre deux scrutins tout en respectant les prérogatives et la légitimité de chaque acteur dans la vie démocratique : aux citoyens, à leurs associations, leurs ONG, leurs syndicats, aux organisations professionnelles, la possibilité de proposer ou de contester sur la base de projets présentés par le gouvernement ; aux parlementaires, seuls dépositaires du suffrage universel, de décider. Ce droit consacrerait la naissance d’une démocratie collaborative qui ne nierait pas la démocratie représentative, mais la complèterait.
Le débat gagnerait en interactivité, en créativité, mais aussi en crédibilité puisque toutes les sensibilités y compris non représentées au Parlement pourraient s’y exprimer. La transparence sortirait renforcée puisque les organisations ou les lobbies auraient la possibilité de porter directement leurs amendements sans se cacher derrière tel ou tel parlementaire.
On objectera sans doute que cela permettrait aussi l’expression de points de vue démagogiques ou populistes. Mais si ces points de vue existent, que vaut-il mieux ? Qu’ils s’expriment et que la représentation nationale y réponde de façon argumentée ou qu’ils se développent sans rencontrer la moindre contradiction ? Et pourquoi ne pas redouter surtout de passer à côté de solutions concrètes, inédites, d’objections de bon sens qui peuvent permettre de gagner un temps précieux en évitant des dispositions inapplicables ou contre-productives ?
Certains verront peut-être un danger dans l’affirmation de rapports de force croisés qui se manifesteraient autour du nombre de signataires des amendements. Mais que craint on ? Que la société française se mobilise, que les Français s’engagent, qu’ils reprennent goût au débat démocratique ? Ce qui doit nous préoccuper, c’est leur indifférence, leur défiance ou leur rejet de la politique.
D’autres encore croiront déceler un affaiblissement de la fonction parlementaire puisque les élus partageraient avec leurs concitoyens leur droit d’amendement. En réalité, c’est tout l’inverse qui se produirait. En s’échappant du triangle gouvernement/majorité/opposition où a disparu l’intérêt populaire, en ouvrant la discussion aux Français, le Parlement reconquerrait sa centralité en redevenant le lieu de la confrontation et de la décision.
S’agissant de la mise en place technique d’un tel droit, des questions devraient être tranchées in fine : à quel niveau placer le nombre des pétitions pour que cet instrument vivifie le débat sans le paralyser ? Comment et dans quel délai ces pétitions devraient-elles être collectées ? Faudrait-il instaurer des filtres afin de s’assurer du respect de la Constitution et notamment son article 40 ? Faudrait-il imaginer d’autres verrous afin d’éviter des abus ? Afin d’ouvrir un débat qui seul permettrait de trouver les plus justes solutions, voici quelques pistes de réponse aux questions ainsi posées.
Le seuil, le délai et les modalités de la collecte sont trois facteurs qui ne peuvent être pensés isolément mais doivent au contraire être paramétrés de concert en fonction des objectifs recherchés.
S’agissant des modalités, seule la solution « Internet » apparaît raisonnable sauf à imaginer des bureaux de vote permanents au sein des collectivités territoriales avec l’organisation matérielle et humaine que cela suppose. La collecte se ferait donc par voie électronique sur la base d’un système informatique naturellement sécurisé, accessible depuis le domicile et des bornes installées dans les mairies et fonctionnant sur la base des numéros de cartes électorales couplés à des identifiants secrets. Internet ouvre aujourd’hui de nouvelles perspectives dont la démocratie n’a aucune raison d’être privée. Toute cette infrastructure est au demeurant déjà en place afin de permettre l’application du référendum d’initiative partagée.
S’agissant des délais, il apparaît délicat d’imposer au gouvernement de ralentir le rythme de la procédure législative, ni même – hélas – de lui imposer le respect systématique de l’article 42 de la Constitution qui impose un délai de six semaines entre le dépôt d’un texte et son examen par la première assemblée saisie… La solution la plus réaliste, c’est-à-dire la plus acceptable politiquement, consiste donc à ne pas contraindre le rythme parlementaire tout en aménageant un régime dérogatoire pour le dépôt et l’examen des amendements d’initiative populaire. À cette fin, les pétitions pourraient être collectées dès le dépôt du texte sur le bureau de l’une des assemblées jusqu’à la veille du vote sur l’ensemble du texte ; ce qui ramène dans le pire des cas – celui d’une lecture unique en procédure accélérée – le délai de collecte à environ deux semaines. Le ou les amendements d’initiative populaire seraient enfin présentés par le rapporteur, débattus et votés dans les mêmes conditions que les amendements parlementaires.
S’agissant du seuil, il constitue la seule des trois variables sur laquelle le constituant disposerait d’une totale liberté. Il doit être pensé au regard des deux autres paramètres, c’est-à-dire un délai restreint et une collecte peu contraignante sur Internet. Il convient alors de s’interroger sur l’effet escompté par un tel dispositif : s’agit-il de réserver ce dispositif aux organisations politiques très puissantes(partis, groupes de pression importants), transformant ainsi ce droit d’initiative en instrument de pouvoir réservé aux groupes et organisations les plus importants ? Ou s’agit-il de l’ouvrir plus largement à des réseaux de citoyens qui pourraient s’improviser selon les questions soulevées par les textes de loi concernés ? Au vu de ces différents paramètres, le seuil pourrait donc être choisi autour de 1/1000ème du corps électoral, soit 45 000 signatures.
Ces amendements devraient être traités – exception faite des délais de dépôt – comme tout amendement parlementaire et ainsi respecter les règles de recevabilité posées par les articles 40 et 41 de la Constitution.
À la réflexion ne demeure qu’un obstacle à la mise en œuvre de ce droit : c’est la naissance d’une obstruction qui paralyserait nos institutions. Ce qui supposerait donc que les amendements de pure flibuste soient filtrés et proscrits.
Dans cette période trouble où le lien s’est distendu entre le peuple et ses élus, l’ouverture d’un droit d’amendement citoyen apporterait tout à la fois de l’oxygène démocratique à nos institutions tout en rendant sa vocation au Parlement, celle de la maison commune, de l’agora, du forum où se croisent toutes les opinions et où se prennent les grandes décisions, celles que l’on prend au nom du peuple français. »
Afin d’enrichir la réflexion politique autour de la présente proposition de loi, ses auteurs ont souhaité mettre en place une consultation citoyenne relative aux dispositifs proposés. Cette consultation, réalisée grâce au précieux concours de l’association Parlement & citoyens, a réuni 2 209 contributions et 6 608 votes, de la part de 1 976 participants différents.
Le groupe socialiste s'est engagé, dans l’esprit de cette réflexion autour de la notion « d’amendement citoyen », à soumettre des amendements issus de la consultation lors de la discussion de la proposition de loi en séance.
Bien évidemment, non seulement dans le cadre de notre procédure actuelle mais même à l’avenir dans le cadre d’une éventuelle procédure intégrant de plein droit de tels « amendements citoyens », ceux-ci sont et seraient soumis à des règles de recevabilité.
Les suggestions fortement soulignées lors de cette consultation, pour être soumises telles quelles à la délibération de notre assemblée, auraient supposé des amendements qui se seraient vu opposer l’article 40 de la Constitution quant à leur recevabilité financière. C’est la raison pour laquelle vos rapporteurs ont fait le choix, par défaut, de les traduire en propositions de rapports.
Bien qu’envisagée par défaut, cette démarche n’en présente pas moins, elle aussi, une piste de réflexion intéressante pour l’avenir, en cherchant à articuler cette demande de rapport au Gouvernement issue de réflexions citoyennes sur un projet ou une proposition de loi, avec le travail d’évaluation législative que doit faire le Parlement sur toute loi, trois ans après son adoption (article 145-7 alinéa 3 du Règlement de l’Assemblée nationale).
Le présent amendement soulève ainsi la question du montant de la dotation universelle proposée par la présente proposition de loi, ainsi que de ses usages limitativement énumérés dans la proposition de loi.
La consultation citoyenne a démontré l’intérêt porté par les citoyens pour la question du montant de cette dotation. Les rapporteurs étant conscients que ce dernier pourrait être réévalué afin de mieux prendre en compte les besoins des jeunes dans leur parcours d’insertion, mais aussi de son efficacité économique en termes de formation, d’emploi et d’activité.
La consultation a également posé la question d’un caractère trop limitatif des actions qui peuvent être financées, ce qui suppose assez naturellement de réévaluer régulièrement la pertinence de la liste proposée, de l’élargir significativement voire de l’ouvrir à tout ce qui semblerait pertinent à ses bénéficiaires.
Ces deux enjeux pourraient ainsi être réexaminés sous l'angle d'un rapport remis par le Gouvernement au Parlement, après quelques mois de mise en œuvre concrète.
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