Publié le 2 mars 2021 par : M. François-Michel Lambert, Mme De Temmerman, M. Pancher.
En application de l’article 72 de la Constitution, une expérimentation est engagée pour une période de cinq années à compter de la date de promulgation de la présente loi en vue de favoriser une meilleure traduction des stratégies de gestion des eaux pluviales à la source, telle que prévue au titre de l’article L. 2224‑10 du code général des collectivités territoriales dans les demandes d’autorisation d’occupation des sols.
Cette expérimentation est engagée par l’autorité compétente pour l’ensemble des autorisations et actes relatifs à l’occupation ou à l’utilisation du sol. La demande d’expérimentation est transmise au représentant de l’État dans le département concerné avant le 30 juin 2022. Les autorités demandant à participer à l’expérimentation en informent l’agence de l’eau ou, dans les départements d’outre-mer, l’office de l’eau.
Pour la mise en œuvre de l’expérimentation, l’autorité susmentionnée est autorisée à déroger pour les permis d’aménager aux articles R. 441‑1 à R. 441‑8‑3 du code de l’urbanisme, pour les permis de construire aux articles R. 431‑5 à R. 431‑12 du code de l’urbanisme, pour les déclarations préalables aux articles R. 431‑35 à R. 431‑37 du code de l’urbanisme en exigeant une pièce supplémentaire non visée, permettant de vérifier la conformité avec la gestion des eaux pluviales en vigueur sur le territoire en application de l’article L. 2224‑10 du code général des collectivités territoriales.
Un organisme, créé par décret, est chargé du suivi et de l’évaluation de l’expérimentation. Il remet au Gouvernement, avant la fin de l’année 2027, un rapport décrivant les actions engagées dans le cadre de l’expérimentation et, avant la fin de l’année 2028, un rapport d’évaluation et de propositions.
Ces rapports sont transmis aux autorités qui ont participé à l’expérimentation pour observations. L’agence de l’eau et, dans les départements d’outre-mer, l’office de l’eau peuvent apporter des aides aux études de définition et de suivi de l’expérimentation, dans la limite de 80 % des dépenses.
Les collectivités doivent définir leur stratégie de gestion des eaux pluviales dont le principal outil d’application est leur zonage pluvial. Ce document s’impose notamment aux tiers qui déposent des demandes d’urbanisme (permis de construire, permis d’aménager…). Pourtant, la loi n° 2006‑872 du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement (loi ENL) et le décret d’application associé (décret 2007‑18 du 5 janvier 2007) définissant la liste des pièces exigibles au titre des procédures d’urbanisme n’ont pas inclut de pièces relatives à la gestion des eaux des parcelles : aucune preuve du bon respect des règles de gestion des eaux pluviales n’est, et ne peut être, demandée.
Pourtant, ces zonages pluviaux et comme de nombreux autres documents (règlements de service d’assainissement, etc.) intègrent de plus en plus des prescriptions pour une gestion à la parcelle des eaux pluviales privilégiant l’infiltration à la source voire le « Zéro rejet » à l’extérieur de la parcelle. Ainsi, le service public administratif sur lequel doit s’appuyer la compétence « gestion des eaux pluviales urbaines » n’a pas et ne peut créer les pièces nécessaires pour assurer l’administration de ce service. Faute de preuve, l’effectivité de l’application des stratégies de gestion des eaux pluviales est limitée.
Pour respecter les règles de gestion des eaux pluviales fixées par les collectivités, il existe de nombreuses solutions techniques (noues, puits d’infiltration, toitures réservoirs…) qui s’adaptent à toutes les situations pour autant qu’elles soient pensées suffisamment tôt dans la réflexion d’urbanisation, idéalement dès l’élaboration du plan masse.
A contrario, si une mauvaise gestion des eaux pluviales est détectée trop tard, il est souvent difficile d’adapter le projet pour atteindre les objectifs fixés par les collectivités. Ce n’est souvent qu’après la réalisation des travaux d’urbanisation, par exemple au moment d’une demande de raccordement au réseau pluvial ou suite à des dysfonctionnements lors d’un orage (inondation du voisin, inondation de la chaussée publique…) que la collectivité territoriale peut réagir sur la gestion des eaux pluviales. Il est alors souvent très onéreux et complexe de faire les modifications pour respecter les règles du zonage et les collectivités territoriales sont souvent dans une impasse. Cette situation est la même que celle des « erreurs de branchements ».
Il semble donc évident qu’il manque un outil aux collectivités pour faire respecter leur stratégie de gestion des eaux pluviales par les pétitionnaires et que cet outil doit permettre d’intervenir suffisamment en amont pour simplifier la gestion des eaux pluviales par les pétitionnaires comme pour les services de la collectivité, au bénéfice des deux mais aussi des habitants.
Le présent amendement vise donc à permettre aux collectivités en charge de l’urbanisme qui le souhaitent, en coordination avec la collectivité en charge de la compétence de la gestion des eaux pluviales urbaines, d’expérimenter différentes solutions pour simplifier et systématiser ces procédures au service de l’eau et de l’équité de traitement entre les porteurs de projet.
Enfin, cette modification concourrait à de nombreux autres objectifs majeurs de la gestion de l’eau et reliés à l’atténuation et l’adaptation au changement climatique des territoires cohérents avec la loi climat et résilience : réduction des pollutions, assainissement, inondations, économie et protection des ressources en eau, biodiversité, lutte contre l’imperméabilisation et artificialisation des sols voire leur renaturation, les îlots de chaleur, sobriété énergétique et matérielle, solutions fondées sur la nature, rusticité, résilience et durabilité tels que portés par la Stratégie bas carbone de la France ou les objectifs de développement durable de l’organisation des nations unies (ONU) et notamment son objectif 11 : « Faire en sorte que les villes et les établissements humains soient ouverts à tous, sûrs, résilients et durables ».
Elle rationaliserait aussi les finances publiques dont 2,5 milliards d’euros sont aujourd’hui toujours financés par les budgets assainissement alors qu’ils ne sont pas dotés pour (rapport « Gestion des eaux pluviales : dix ans pour relever le défi » du Conseil général de l’environnement et du développement durable, CGEDD) mais également en lien avec le secteur assurantiel et les fonds publics de la gestion du risque (fond Barnier, etc.) et les dispositifs de catastrophe naturelle. A cet égard, elle saurait même être source d’emplois locaux non-délocalisables.
Elle appuierait également le portage des mesures et orientations fixées dans les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) et Stratégies d’adaptation au changement climatique des six grands bassins versants français dans lesquels la gestion à la source des eaux pluviales est promue mais peine à se concrétiser faute d’application locale.
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