Publié le 1er mars 2021 par : Mme De Temmerman, M. François-Michel Lambert, M. Pancher.
Le code forestier est ainsi modifié :
1° La section 2 du chapitre IV du titre II du livre Ier est complétée par un article L. 124‑5-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 124‑5-1. – I. – Les coupes rases, définies comme les coupes d’un seul tenant de la totalité des arbres d’une parcelle sans régénération acquise, d’une surface supérieure à deux hectares sont interdites sauf autorisation délivrée par le représentant de l’État dans le département et pour les bois et forêts des particuliers après avis du Centre national de la propriété forestière mentionné à l’article L. 321‑1. L’autorisation est délivrée à condition que la coupe soit justifiée par une situation d’impasse sanitaire définie par un état de santé des arbres fortement compromis et par une absence de régénération naturelle de qualité suffisante. Le calcul des surfaces tient compte des coupes rases cumulées au cours des cinq dernières années sur des parcelles contigües appartenant à un même propriétaire.
« II. – Un décret en Conseil d’État détermine les conditions dans lesquelles est délivrée l’autorisation mentionnée au I du présent article.
« III. – Les documents d’aménagement mentionnés à l’article L. 212‐1 peuvent exceptionnellement autoriser des coupes rases selon les critères établis au I du présent article, auquel cas l’autorisation prévue n’est pas requise. » ;
2° Au premier alinéa de l’article L. 124‐6, les mots : « d’une surface supérieure à un seuil arrêté par la même autorité dans les mêmes conditions » sont remplacés par les mots : « encadrée selon les modalités prévues par l’article L. 124‑5-1 » ;
3° Le deuxième alinéa de l’article L. 312‑5 est complété par les mots suivants : « sans préjudice des dispositions de l’article L. 124‑5-1 » ;
4° Au dernier alinéa de l’article L. 312‑11 , après la référence : « L. 124‑5 », il est inséré la référence : « , L. 124‑5-1 ».
Le présent amendement vise à interdire les coupes rases des bois et forêts définies comme les coupes coupe d’un seul tenant de la totalité des arbres d’une parcelle sans régénération acquise.
Les coupes rases sont majoritairement utilisées dans le but d’extraire un maximum de bois le plus rapidement possible, sans tenir compte de l’écosystème forestier, ni même de l’âge de maturité des arbres. De plus, cette pratique se répand dans des forêts dites « de feuillus », diversifiées, avec plusieurs essences, des arbres d’âges différents, et donc plus résilientes au changement climatique, dans le but de les convertir en plantations monospécifiques de résineux. Celles-ci correspondent à des champs d’arbres, coupés souvent à 40 ou 60 ans afin que le diamètre des arbres soit optimal pour les machines d’exploitation et de sciage industriel. Par exemple, dans le massif du Morvan, 50 % de forêts de feuillus ont été remplacées par des forêts monospécifiques de résineux, dans une logique purement financière.
D’après un récent rapport des associations Fern et Canopée, la comparaison des données de l’Inventaire forestier montre que les coupes rases s’étendent sur le territoire, précédant l’installation de plantations, qui concernent 14 % de la surface forestière française en 2016. Une étude publiée, en juin 2020, par la commission européenne fait état d’une augmentation récente et brutale de la superficie forestière et de la biomasse récoltée dans l’Union européenne. La superficie de forêts récoltées par coupe rase en Europe a augmenté de 49 % sur la période 2016‑2018 par rapport à la période 2011‑2015. Cette tendance est liée à une intensification de la gestion puisque les coupes de récupération après les incendies de forêt et les tempêtes de vent sont exclues de l’analyse.
De nombreuses études scientifiques font état de l’incidence négative des coupes rases sur le stock de carbone contenu dans les sols forestiers. D’après l’Inventaire national forestier, les forêts stockent plus de la moitié du carbone des terres émergées. Elles jouent donc un rôle déterminant dans la régulation du CO2 du niveau atmosphérique. Plus de la moitié du carbone stocké en forêt l’est dans le sol. Or, la coupe rase libère dans l’atmosphère une partie du carbone stocké dans le sol. Après la coupe rase, il s’ensuit généralement un arrachage des souches, une mise en andains et un travail du sol qui amplifient encore la libération du carbone du sol et ce pendant plusieurs décennies. La mise à nu des sols amplifie sa dégradation. Or, afin de lutter contre le dérèglement climatique, nous devons renforcer le rôle des forêts comme puits de carbone. Enfin, les forêts plantées après coupes rases sont moins résilientes aux événements extrêmes comme les tempêtes, les incendies et les proliférations d’insectes.
Dans la législation actuelle, la pratique des coupes rases n’est pas suffisamment encadrée : aucun seuil de surface maximal de coupes rases n’est défini dans la loi. Les préfets de départements fixent un seuil, au delà duquel il suffit pour les propriétaires de demander une autorisation à la préfecture pour réaliser une coupe. Dans le cas des forêts publiques, c’est l’Office national des forêts qui élabore les documents de gestion en référence au schéma national d’aménagement, mais là encore, il n’y a pas de contrainte claire s’agissant des coupes rases.
Cet amendement vise à interdire les coupes rases sur une surface comprise entre 0,5 et 2 hectares sauf autorisation spéciale délivrée par le représentant de l’État dans le département. Il est issu de discussions avec les Amis de la Terre.
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