Confiance dans l'institution judiciaire — Texte n° 4091

Amendement N° CL215 (Irrecevable)

Publié le 1er mai 2021 par : M. Raphan.

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I. – L’article 706‑5 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« À peine de forclusion, la demande d’indemnité fondée sur une décision du groupe de travail sur la détention arbitraire, du comité des droits de l’homme, du comité contre la torture ou du comité des disparitions forcées des Nations unies, doit être présentée dans le délai d’un an à compter de la date à laquelle cet avis ou ces constatations ont été rendus. Toutefois, la commission relève le requérant de la forclusion lorsque le requérant n’a pas été en mesure de faire valoir ses droits dans les délais requis ou lorsqu’il a subi une aggravation de son préjudice ou pour tout autre motif légitime. »

II. – La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Exposé sommaire :

L'amendement proposé vise simplement à adapter le délai de forclusion pour la présentation d’une demande fondée sur cette nouvelle possibilité́.

Cette nouvelle hypothèse d’indemnisation a toute sa place au sein des articles 706‑3, 706‑5 et suivants du code de procédure pénale dans la mesure où elle concerne des préjudices découlant de faits qui peuvent s’apparenter à une infraction en droit français : l’infraction de torture et actes de barbarie est ainsi prévue et réprimée par l’article 222‑1 du code pénal ; celle de détention arbitraire est, elle, assimilable à une séquestration, prévue et réprimée par l’article 224‑1 du code pénal.

Principes et contexte

Dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, l’article 7 stipule que « Nul homme ne peut être accusé, arrêté ni détenu que dans les cas déterminés par la Loi, et selon les formes qu’elle a prescrites. Ceux qui sollicitent, expédient, exécutent ou font exécuter des ordres arbitraires, doivent être punis »

Notre Constitution dispose en sa première ligne que « le peuple français proclame solennellement son attachement aux Droits de l’homme ». Si cet attachement aux droits fondamentaux est intrinsèquement lié à notre histoire, il demeure particulièrement fort aujourd’hui([1]) au regard du contexte géopolitique incertain ainsi qu’à la volonté de la France de s’inscrire dans l’atteinte des Objectifs de Développement Durable dont le numéro 16 vise à promouvoir l’avènement de sociétés pacifiques et inclusives.

Ainsi que l’indique le projet de candidature de la France au Conseil des droits de l’homme des Nations unies pour le mandat 2021‑2023, « la France a activement contribué à la création de l’édifice multilatéral bâti depuis la Seconde Guerre mondiale pour la promotion des droits humains en particulier du Conseil des droits de l’Homme fondé en 2006 ».

Le système des Nations unies pour la protection des droits de l’homme englobe plusieurs organes, dont quatre intéressent particulièrement cette proposition de loi :

1. Le Comité́ des droits de l’homme ;

2. Le Comité́ contre la torture ;

3. Le Comité́ des disparitions forcées ;

Ce sont des organes conventionnels chargés de protéger les droits garantis par les traités dont ils sont issus. Il s’agit de formations d’experts qui enquêtent sur des cas individuels de violation des droits fondamentaux qui, à la suite d’une procédure contradictoire, adoptent des décisions et peuvent formuler des recommandations.

4. Le Groupe de travail sur la détention arbitraire, que la France avait activement contribué à créer en 1991, est une procédure spéciale dépendant du Conseil des droits de l’homme. Il est composé d’experts indépendants. Ce groupe peut être saisi de cas individuels de détention partout à travers le monde. À la suite d’une procédure contradictoire([2]), il adopte des avis quant au caractère arbitraire de la privation de liberté́ en cause.

Aussi, ces quatre organes jouent un rôle fondamental dans la protection des droits humains dès lors qu’ils peuvent être saisis par toute personne ayant connaissance d’un cas individuel de violation d’un droit. Toutefois, leurs décisions ne sont pas juridiquement contraignantes.

C’est pourquoi, la présente proposition de loi est l’occasion de donner une portée pratique à ces instruments, reconnus et parfois même suscités par la France. En effet, la France a été avec le Pérou et les États‑Unis, l’initiateur de cette procédure spéciale et un Français, le magistrat Louis JOINET.

Aujourd’hui, toute personne de nationalité́ française ayant subi un préjudice résultant de faits, commis en France ou à l’étranger, présentant le caractère matériel d’une infraction, peut saisir la Commission d’indemnisation des victimes d’infractions et obtenir la réparation de son préjudice lorsque ces faits, soit ont entrainé́ la mort, une incapacité́ permanente ou une incapacité́ totale de travail égale ou supérieure à un mois, soit constituent l’une des infractions listées à l’article 706‑3 du code de procédure pénale encadrant ce dispositif d’indemnisation.

Objectifs

Plus largement, cette proposition de loi touche directement les 2,5 millions de Français établis à l’étranger, et indirectement les 67 millions de français et binationaux étant susceptibles de se rendre à l’étranger, dont des journalistes, des chercheurs, des étudiants, souvent menacés dans le cadre de leur travail. Selon le dernier rapport du gouvernement sur la situation des Français établis hors de France, environ 1 200 Français sont incarcérés à l’étranger chaque année, dont près de la moitié pour des causes inconnues.

La situation de Michel‑Thierry ATANGANA, comme celle de tous les Français injustement incarcérés à l’étranger, n’est pas acceptable et créée une rupture d’égalité́ avec, par exemple, un citoyen français qui s’estimerait victime d’une violation de l’un de ses droits fondamentaux par un État membre du Conseil de l’Europe, espace dans lequel il pourrait saisir la Cour européenne des droits de l’homme qui peut ordonner à l’État condamné de verser au requérant une « satisfaction équitable ».

Cette proposition toucherait également les journalistes français, détenus arbitrairement à l’étranger puis libérés : c’est par exemple le cas de Loup BUREAU, qui a été détenu pendant 51 jours en Turquie, ou de Mathias DEPARDON, également détenu en Turquie pendant 30 jours.

La France n’a en principe pas à prendre en charge l’indemnisation d’un préjudice imputable à un autre État. Le mécanisme d’indemnisation proposé est pourtant le seul susceptible de pallier cette rupture d’égalité́ et d’offrir une portée pratique aux décisions des organes de protection des droits de l’homme des Nations unies auxquels la France se déclare attachée.

Dès lors, le mécanisme introduit par cette proposition de loi supposerait donc que l’État français se substitue à l’état étranger pour assurer l’indemnisation de l’un de ses ressortissants. Cela va sans préjudice de la faculté́ pour l’État français de solliciter, par la voie diplomatique, auprès de l’état étranger, le remboursement du montant des réparations octroyées.

Aussi, si cette proposition de loi est particulièrement orientée vers un impératif d’indemnisation, elle vise plus largement à consolider la protection des droits de l’homme en prenant appui sur les instruments des Nations unies.

En effet, la France se doit de continuer à jouer un rôle prédominant et moteur dans la promotion des droits fondamentaux au sein de la communauté́ internationale.

Cela suppose d’une part, un système national de protection des droits de l’homme exemplaire et une pleine coopération avec les différents organes des Nations unies. D’autre part, cela implique que la France intervienne auprès d’autres États, ceux notamment avec lesquels elle entretient des liens étroits, afin de faciliter la prévention et la réparation des atteintes aux droits fondamentaux.

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