Publié le 24 septembre 2021 par : M. Larive, Mme Autain, M. Bernalicis, M. Coquerel, M. Corbière, Mme Fiat, M. Lachaud, M. Mélenchon, Mme Obono, Mme Panot, M. Prud'homme, M. Quatennens, M. Ratenon, Mme Ressiguier, Mme Rubin, M. Ruffin, Mme Taurine.
I. – Après l’article 209 B du code général des impôts, il est inséré un article 209 C ainsi rédigé :
« Art. 209 C. – I. – 1° Aux fins de l’impôt sur les sociétés, un établissement stable est réputé exister dès lors qu’il existe une présence numérique significative par l’intermédiaire de laquelle une entreprise exerce tout ou partie de son activité.
« 2° Le 1 s’ajoute, sans y porter atteinte ni en limiter l’application, à tout autre critère conforme au droit de l’Union ou à la législation nationale permettant de déterminer l’existence d’un établissement stable dans un État membre aux fins de l’impôt sur les sociétés, que ce soit spécifiquement en relation avec la fourniture de services numériques ou autre.
« 3° Une présence numérique significative est réputée exister sur le territoire national au cours d’une période d’imposition si l’activité exercée par son intermédiaire consiste, en tout ou en partie, en la fourniture de services numériques par l’intermédiaire d’une interface numérique, définie comme tout logiciel, y compris un site internet ou une partie de celui-ci, et toute application, y compris les applications mobiles, accessibles par les utilisateurs, et qu’une ou plusieurs des conditions suivantes sont remplies en ce qui concerne la fourniture de ces services par l’entité exerçant cette activité, considérée conjointement avec la fourniture de tels services par l’intermédiaire d’une interface numérique par chacune des entreprises associées de cette entité au niveau consolidé :
« a) La part du total des produits tirés au cours de cette période d’imposition et résultant de la fourniture de ces services numériques à des utilisateurs situés sur le territoire national au cours de cette période d’imposition est supérieure à 7 000 000 € ;
« b) Le nombre d’utilisateurs de l’un ou de plusieurs de ces services numériques qui sont situés sur le territoire national membre au cours de cette période imposable est supérieur à 100 000 ;
« c) Le nombre de contrats commerciaux pour la fourniture de tels services numériques qui sont conclus au cours de cette période d’imposition par des utilisateurs sur le territoire national est supérieur à 3 000.
« 4° En ce qui concerne l’utilisation des services numériques, un utilisateur est réputé être situé sur le territoire national au cours d’une période d’imposition si l’utilisateur utilise un appareil sur le territoire national au cours de cette période d’imposition pour accéder à l’interface numérique par l’intermédiaire de laquelle les services numériques sont fournis. Ces derniers sont définis comme services fournis sur l’internet ou sur un réseau électronique et dont la nature rend la prestation largement automatisée, accompagnée d’une intervention humaine minimale, et impossible à assurer en l’absence de technologie de l’information.
« 5° En ce qui concerne la conclusion de contrats portant sur la fourniture de services numériques :
« a) Un contrat est considéré comme un contrat commercial si l’utilisateur conclut le contrat au cours de l’exercice d’une activité ;
« b) Un utilisateur est réputé être situé sur le territoire national au cours d’une période d’imposition si l’utilisateur est résident aux fins de l’impôt sur les sociétés sur le territoire national au cours de cette période d’imposition ou si l’utilisateur est résident aux fins de l’impôt sur les sociétés dans un pays tiers mais dispose d’un établissement stable sur le territoire national au cours de cette période d’imposition.
« 6° L’État dans lequel l’appareil de l’utilisateur est utilisé est déterminé en fonction de l’adresse IP de l’appareil ou, si elle est plus précise, de toute autre méthode de géolocalisation.
« 7° La part du total des produits mentionnée au a du 3° est déterminée par rapport au nombre de fois où ces appareils sont utilisés au cours de cette période d’imposition par des utilisateurs situés n’importe où dans le monde pour accéder à l’interface numérique par l’intermédiaire de laquelle les services numériques sont fournis.
« II. – 1° Les bénéfices qui sont attribuables à une présence numérique significative ou au regard d’une présence numérique significative sur le territoire national sont imposables dans le cadre fiscal applicable aux entreprises.
« 2° Les bénéfices attribuables à la présence numérique significative ou au regard de la présence numérique significative sont ceux que la présence numérique aurait réalisés s’il s’était agi d’une entreprise distincte et indépendante exerçant des activités identiques ou analogues dans des conditions identiques ou analogues, en particulier dans ses opérations internes avec d’autres parties de l’entreprise, compte tenu des fonctions exercées, des actifs utilisés et des risques assumés, par l’intermédiaire d’une interface numérique.
« 3° Aux fins du 2° du présent II, la détermination des bénéfices attribuables à la présence numérique significative ou au regard de la présence numérique significative repose sur une analyse fonctionnelle. Afin de déterminer les fonctions de la présence numérique significative et de lui attribuer la propriété économique des actifs et les risques, les activités économiquement significatives exercées par cette présence par l’intermédiaire d’une interface numérique sont prises en considération. Pour ce faire, les activités réalisées par l’entreprise par l’intermédiaire d’une interface numérique en relation avec des données ou des utilisateurs sont considérées comme des activités économiquement significatives de la présence numérique significative qui attribuent les risques et la propriété économique des actifs à cette présence.
« 4° Lors de la détermination des bénéfices attribuables conformément au 2° , il est dûment tenu compte des activités économiquement significatives exercées par la présence numérique significative qui sont pertinentes pour le développement, l’amélioration, la maintenance, la protection et l’exploitation des actifs incorporels de l’entreprise.
« 5° Les activités économiquement significatives exercées par la présence numérique significative par l’intermédiaire d’une interface numérique comprennent, entre autres, les activités suivantes :
« a) La collecte, le stockage, le traitement, l’analyse, le déploiement et la vente de données au niveau de l’utilisateur ;
« b) La collecte, le stockage, le traitement et l’affichage du contenu généré par l’utilisateur ;
« c) La vente d’espaces publicitaires en ligne ;
« d) La mise à disposition de contenu créé par des tiers sur un marché numérique ;
« e) La fourniture de tout service numérique non énuméré aux a à d. Un décret en Conseil d’État peut compléter cette liste.
« 6° Pour déterminer les bénéfices attribuables au titre des 1 à 4, le contribuable utilise la méthode de partage des bénéfices, à moins que le contribuable ne prouve qu’une autre méthode fondée sur des principes acceptés au niveau international est plus adéquate eu égard aux résultats de l’analyse fonctionnelle. Les facteurs de partage peuvent inclure les dépenses engagées pour la recherche, le développement et la commercialisation, ainsi que le nombre d’utilisateurs et les données recueillies par État membre.
« III. – Les données qui peuvent être recueillies auprès des utilisateurs aux fins de l’application du présent article sont limitées aux données indiquant l’État dans lequel se trouvent les utilisateurs, sans permettre l’identification de l’utilisateur. »
II. – Lorsque le Gouvernement négocie un traité comprenant des stipulations relatives à la double imposition, il informe la Commission européenne des mesures prises afin de se conformer à la recommandation de la Commission du 21 mars 2018 relative à l’imposition des sociétés ayant une présence numérique significative.
Cet amendement vise à créer la notion d’établissement stable pour les entreprises ayant une présence numérique significative en France. Ces entreprises devront dès lors payer l’impôt sur les sociétés français, au même titre que les entreprises physiquement implantées en France.
L’auteure de cette proposition de loi indique dans l’exposé des motifs que « si les mesures de soutien immédiat ont leur utilité, il n’en demeure pas moins qu’elles maintiennent artificiellement et temporairement hors d’eau les structures les plus fragiles sans traiter à la racine les causes de leurs difficultés ».
Nous proposons ici un outil efficace pour lutter contre la concurrence déloyale d’Amazon vis-à-vis des librairies indépendantes. Nous pensons que la « taxe GAFA » est une solution minimaliste qui ne résoudra en rien le problème. Nous proposons donc au Gouvernement de contrecarrer les schémas d’évasion fiscale pratiqués par les multinationales du numérique comme les géants Google-Apple-Facebook-Amazon, par une solution ambitieuse et de long terme.
Dans le détail, cet amendement propose de renforcer le contrôle sur les entreprises non-résidentes ayant une activité économique numérique importante sur le territoire national. Le principe est simple : si une entreprise numérique a une activité suffisamment importante en France (plus de 100 000 utilisateurs français et plus de 3 000 contrats conclus avec des acteurs français) alors ses revenus tirés de son activité française doivent être déclarés au fisc français. Dès lors, elle devra payer l’impôt sur les sociétés sur ces revenus, au même titre que les autres entreprises exerçant sur le territoire national. En effet, ces entreprises ne doivent pas s’acquitter d’une taxe assimilable à un droit de frauder, mais payer leur juste part d’impôt sur les sociétés, au même titre que n’importe quelle entreprise implantée sur le territoire national !
Nous avions déjà proposé un amendement de ce type lors de la première lecture du projet de loi de finances pour 2019. Le Sénat, par le biais d’une proposition de Marie-Noëlle Lienemann, a même voté à une très large majorité un amendement très similaire. C’est une mesure transpartisane et c’est donc cet amendement du Sénat que nous avons décidé de vous reproposer.
Selon la Commission européenne, les GAFA paient moitié moins d’impôts que les autres entreprises traditionnelles. En tête de liste des revendications pour une fiscalité plus juste du mouvement des Gilets Jaunes, la taxation des GAFA permettrait de résorber la déliquescence du consentement à l’impôt chez nos concitoyens. Cette mesure de bon sens ne peut donc pas être revue à la baisse, car on ne marchande pas avec la justice fiscale, de surcroît quand la cohésion sociale est à ce point malmenée. Nous n’avons pas le luxe d’attendre. Les géants doivent contribuer à pas de géant.
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