Protection des enfants — Texte n° 4264

Amendement N° AS176 (Irrecevable)

Publié le 25 juin 2021 par : Mme Sanquer, Mme Six.

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Après le premier alinéa de l’article 373‑2‑9 du code civil, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« À défaut d’accord entre les parents sur le mode de résidence de l’enfant, le juge fixe prioritairement l’hébergement de l’enfant de manière équilibrée entre ses deux parents, dans l’intérêt supérieur de celui-ci en application de l’article 371‑1. Lorsque le juge estime que la modalité de cette alternance doit être adaptée dans le temps, en particulier du fait du très bas âge de l’enfant, il le précise sous forme de décision provisoire, ou prévoit une autre modalité à échéance définie.
« Lorsque l’enfant ne peut bénéficier de ces dispositions, le juge motive spécialement sa décision et privilégie la solution qui préserve l’environnement habituel de l’enfant. »

Exposé sommaire :

En France, le recours à la résidence alternée est de plus en plus fréquent. Selon une étude de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) de janvier 2019 : « La proportion d’enfants de moins de 18 ans en résidence alternée a doublé entre 2010 et 2016, et atteint 2,7 % en 2016. Ainsi, 400 000 enfants vivent la moitié du temps chez chacun de leurs parents séparés » (1).

Selon cette même étude, cette évolution est d’autant plus flagrante d’une génération à une autre : « Au fil des générations, de plus en plus d’enfants d’un âge donné alternent entre les résidences de leurs parents. Par exemple, à 10 ans, 2 % des enfants nés en 2000 étaient alternants. À cet âge, 2,5 % des enfants nés en 2002 étaient alternants, et c’est le cas de 3,7 % des enfants nés en 2006 » (2).

Toutefois, le recours à la résidence alternée est hétérogène, selon les revenus du ménage et les territoires. En effet, plus les revenus d’un ménage sont modestes, plus la proportion d’enfants alternants est faible : « En 2016, en dessous du troisième décile de niveau de vie, moins de 2 % des enfants sont alternants. La proportion d’enfants alternants augmente ensuite avec le niveau de vie. Elle est la plus élevée entre le cinquième et le sixième décile (3,7%) » (3).

S’agissant de la disparité territoriale, le recours à la résidence alternée est plus fréquent dans les départements dépourvus de grandes agglomérations. Par exemple, le département des Hautes-Alpes compte 4,43 % d’enfant alternants comme celui de l’Ariège avec 4,01 % contre 0,4 % à Mayotte ou 1,16 % en Seine-Saint-Denis.

S’il est indiscutable que la résidence alternée concerne de plus en plus de familles, la garde exclusive est encore octroyée dans une large majorité aux mères. Selon une autre étude de l’INSEE : « En 2009, 160 000 enfants mineurs ont vécu le divorce de leurs parents (ou rupture de pacte civil de solidarité (PACS)). Selon les déclarations fiscales, un an après l’évènement,76 % d’entre eux sont gardés principalement par leur mère et 9 % principalement par leur père » (4).

Or nos concitoyens aspirent à l’émergence d’un nouveau modèle de parentalité permettant aux deux parents d’entretenir des liens forts, réguliers et équilibrés avec leur enfant afin qu’il reçoive les soins, l’éducation, l’instruction et l’assistance morale de chacun d’eux. Il paraît évident, et comme les études le confirment, qu’il est dans l’intérêt supérieur de l’enfant d’entretenir de tels liens avec ses deux parents.

Au niveau international, de nombreux traités consacrent un droit pour l’enfant à entretenir des contacts réguliers avec ses deux parents. En atteste l’article 9 de la Convention internationale des droits de l’enfant (5) et l’alinéa 3 de l’article 24 de la Charte européenne des droits fondamentaux (6).

La résolution 2079 votée par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, le 2 octobre 2015 et intitulée « Égalité et coresponsabilité : le rôle des pères » énonce un certain nombre d’objectifs tels que l’égalité parentale, l’égale implication des parents dans l’éducation de leur enfant, la reconnaissance et la valorisation du rôle des pères auprès de leurs enfants. D’ailleurs la réflexion de ce texte repose sur la recommandation 5.5 dans laquelle l’Assemblée appelle les États « à introduire dans leur législation le principe de résidence alternée des enfants après une séparation, tout en limitant les exceptions aux cas d’abus ou de négligence d’un enfant, ou de violence domestique, et en aménageant le temps de résidence en fonction des besoins et de l’intérêt des enfants ». Autrement dit, il s’agit de faire de la résidence alternée un principe de mode de résidence de l’enfant des parents séparés tout en respectant les limites déjà dégagées par la jurisprudence.

Notre société, loin de favoriser la coparentalité, semble privilégier la garde exclusive. Dès lors que la mère demande la garde exclusive, il est plus aisé pour le père d’obtenir la garde exclusive de l’enfant que d’obtenir la résidence alternée : « Lorsque chacun des parents demande la résidence chez lui, le juge prononce la résidence chez la mère pour 62 % des enfants, chez le père pour 36% d’entre eux. Lorsque le père demande une résidence alternée et la mère une résidence chez elle, le juge prononce une résidence alternée pour 25 % des enfants et la résidence chez la mère pour 75 % d’entre eux » (7). Inversement, selon la même source ministérielle, quand la mère y consent, la résidence alternée est toujours prononcée par le juge, y compris pour les enfants en bas âges, preuve s’il en est que la thèse d’une nocivité intrinsèque de cette modalité n’a pas de fondement.

L’émergence d’un modèle de coparentalité dans l’intérêt supérieur de l’enfant commande l’établissement d’une présomption légale de résidence alternée. Cette présomption présente deux bénéfices : la détermination de la charge de la preuve et la réduction des contentieux.

Le premier bénéfice est la fixation de la charge de la preuve. En créant une présomption légale de résidence alternée, il appartiendra au parent qui refuse la résidence alternée de prouver que ce mode de résidence de l’enfant est contraire à l’intérêt de l’enfant. L’établissement d’une telle présomption fait de la résidence alternée le principe en cas de litige sur le mode de résidence de l’enfant dès lors qu’un des deux parents la demande.

En outre, les pays qui ont opéré cette réforme notent un accroissement de la demande spontanée des parents vers une résidence alternée. Dès lors que le législateur consacre une présomption légale de résidence alternée, alors celle-ci agit comme un repère dans la société et les parents qui se séparent optent plus facilement d’eux-mêmes pour ce mode de résidence de l’enfant et par conséquent, réduisent le nombre de contentieux. En même temps, l’usuel climat de compétition entre les parents, si perturbateur pour les enfants, s’estompera.

Bien que la résidence alternée soit le mode de résidence idéal de l’enfant dès lors que les parents se séparent, il existe autant de situation qu’il existe d’êtres humains. C’est pourquoi le juge doit conserver une marge de manœuvre dans l’appréciation de ces situations. Une jurisprudence constante s’est développée sur les limites au prononcé de la résidence alternée. Il est évident que des violences avérées ou un éloignement géographique trop important, notamment, sont autant d’éléments prouvant qu’en l’espèce la résidence alternée n’est pas un mode de résidence adapté pour l’enfant.

Cette proposition de loi tient à mettre l’accent sur la responsabilisation des parents, parfaitement illustré par un arrêt de la cour d’appel de Paris du 20 septembre 2012 dans lequel le juge indique qu’il appartient aux parents « séparément mais aussi en concertation, de faire en sorte que cette résidence alternée ne fasse pas émerger de nouveaux problèmes au détriment des enfants : ils doivent viser à réduire et en tout cas laisser les enfants à l’égard de leurs propres conflits ; ils doivent rechercher, d’un commun accord, le ou les établissements scolaires les plus appropriés au regard de leurs adresses respectives mais également de leurs contraintes horaires de travail ; chacun doit être très attentif au respect des droits de l’autre parent, mais aussi à ne pas détériorer l’image de l’autre parent, voire (...) des grands-parents, vis-à-vis des enfants ». Privilégier la résidence alternée c’est porter une responsabilité sur les parents qui doivent œuvrer pour que ce mode de résidence de l’enfant se passe dans les meilleures conditions et ce, dans l’intérêt de l’enfant.

Le conflit entre les parents n’est pas un argument de nature à faire obstacle à la résidence alternée : « considérant que le conflit qui oppose les parents ne peut servir utilement à faire échec à la demande de résidence alternée sauf à ce qu’il ne soit jamais fait droit à une telle demande et à nier tout droit à la mise en place d’une telle résidence, dans la mesure où, portée devant le juge, cette demande résulte nécessairement de l’existence d’un conflit » (8).

Enfin, selon une étude de la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance publiée en2012 et examinant les liens entre monoparentalité et réussite scolaire, les enfants de familles monoparentales sont plus exposées que les autres à l’échec scolaire. Par contraste : « Les élèves vivant en garde alternée chez leurs deux parents connaissent en revanche une meilleure réussite que les autres » (9).

Cet amendement n'est pas dépourvu de lien avec le présent texte car un certain nombre de placements sont prononcés sur la base du conflit qui déchire les parents. La résidence alternée peut être un moyen de pacifier les relations de l'enfant avec chacun de ses parents et d'entretenir un lien régulier avec eux. Bien évidemment, la résidence alternée, d'une jurisprudence constante, est totalement exclue en cas de violence sur celui-ci.

Cet amendement établit une présomption légale de résidence alternée permettant au juge d’évaluer prioritairement la possibilité de prononcer une résidence alternée lors d’un litige sur le mode de résidence de l’enfant et à la demande d’un des deux parents.

(1) Élisabeth Algava, Sandrine Prenant et Leslie Yankan, « En 2016, 400 000 enfants alternent entre les deux domiciles de leurs parents séparés », Insee Première, n°1728, janvier 2019.
(2) Ibid.
(3) Ibid.

(4) Carole Bonnet, Bertrand Garbinti, Anne Solaz, « Les conditions des vie des enfants après le divorce », Insee première, n°1536, février 2015.
(5) « Les États parties respectent le droit de l’enfant séparé de ses deux parents ou de l’un d’eux d’entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents, sauf si cela est contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant ».

(6) « Tout enfant a le droit d’entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents, sauf si cela est contraire à son intérêt ».

(7) Direction des affaires civiles et du sceau, direction générale de la cohésion sociale, rapport intitulé : « Comment assurer le respect de la coparentalité entre parents séparés », janvier 2014.

(8) Paris, pôle 3 ch. 3, 31 mai 2012, RG n° 10/04248.
(9) Laurette Cretin, « Les familles monoparentales et l’ école : un plus grand risque d’ échec au
collège ? », Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance, Bureau des études statistiques sur les élèves, Éducation & formations, n°82, 2012.

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