Publié le 2 juillet 2021 par : Mme Bagarry, Mme Cariou, M. Chiche, Mme Gaillot, M. Orphelin, M. Taché, M. Villani, M. Nadot.
I. – Avant l’alinéa 1, insérer l’alinéa suivant :
« I A. – À la première phrase du premier alinéa de l’article 375 du code civil, après le mot : « service », sont insérés les mots : « ayant recueilli l’enfant provisoirement ou » ; »
II. – En conséquence, compléter l’alinéa 2 par les mots :
« à compter du premier jour de sa prise en charge, selon les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article L. 223‑2 et saisit sans délai le juge des enfants en vue de l’application du premier alinéa de l’article 375‑5 du code civil. L’accueil provisoire d’urgence se prolonge tant que n’intervient pas une décision du juge compétent. »
III. – En conséquence, substituer aux alinéas 3 à 13 les huit alinéas suivants :
« II. – Au cours des mesures provisoires prises en application du premier alinéa de l’article 375‑5 du code Civil, le juge statue sur la situation de danger et la minorité de la personne mentionnée au I.
« Il prend en compte les documents présentés par la personne en application de l’article 47 du même code.
« Il peut ordonner toute mesure d’information concernant la personnalité et les conditions de vie du mineur et de ses parents, en particulier par le moyen d’une enquête sociale, d’examens médicaux, d’expertises psychiatriques et psychologiques ou d’une mesure d’investigation et d’orientation éducative en application de l’article 1183 du code de procédure civile.
« Il peut ordonner les examens prévus à l’article 388 du code civil selon la procédure définie à cet article.
« Le juge convoque les parties dans un délai qui ne peut excéder quinze jours en application de l’article 1184 du code de procédure civile.
« III. – Si, au terme des mesures provisoires, la personne est reconnue mineure et privée temporairement ou définitivement de la protection de sa famille, le juge prend une mesure d’assistance éducative dans les conditions prévues à l’article 375 du code civil. Le juge demande au ministère de la justice de lui communiquer, pour chaque département, les informations permettant l’orientation du mineur concerné en application du troisième alinéa de l’article 375‑5 du même code.
« Si au terme des mesures provisoires, la personne n’est pas reconnue mineure et privée temporairement ou définitivement de la protection de sa famille, le juge des enfants prend une décision de non-lieu à assistance éducative laquelle met fin à l’ensemble des mesures provisoires décidées antérieurement. L’intéressé peut interjeter appel de cette décision dans les conditions prévues à l’article 1191 du code de procédure civile. »
« IV. – Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État. »
Cet amendement propose une autre écriture afin de replacer le juge des enfants comme acteur central de la procédure d’évaluation chargé de déterminer (avec l’appui des départements et des services de l’état le cas échéant), en même temps que l’existence d’un danger ou d’un risque de danger, si la personne est mineure ou non – conformément aux articles 375 et suivants du Code Civil.
Cet amendement prévoit l’ordonnance de mesures provisoires par le juge des enfants, lorsqu’il est saisi sans délai par le service auprès de qui le mineur se déclarant privé temporairement ou définitivement de la protection de sa famille est présenté, et le maintien de l’accueil provisoire d’urgence tant que la décision du juge n’intervient pas.
En effet, la compétence du parquet de prendre des mesures provisoires (au titre du deuxième alinéa de l’article 375-5 du Code civil) ne peut en principe être exercée qu’en cas d’urgence grave, en dehors du temps de présence au tribunal du juge des enfants. Concernant les mineurs non accompagnés elle est utilisée systématiquement alors qu’en réalité les conditions de son exercice ne sont pas remplies. En conséquence, dans la grande majorité des cas, le département et le parquet sont les seuls à statuer sur la minorité et l’isolement des mineurs isolés qui ne sont pas en capacité d’exercer un recours.
Cet amendement rétablit le rôle central du juge des enfants.
Ce dernier est souverain dans son appréciation de la majorité ou de la minorité. Il prend en compte les documents d’état civil présentés par le mineur, et ordonne leur vérification le cas échéant. L'article 1183 du code de procédure civile lui donne de larges pouvoirs afin de prendre les mesures les plus adaptées. Il peut ordonner toute mesure d'information concernant la personnalité et les conditions du mineur et requérir des examens médicaux ainsi que toute mesure d'investigation et d'orientation éducative. Ainsi, il peut prescrire toute mesure de nature informer sa décision, y compris l’évaluation sociale par le président du conseil départemental. En conséquence il supprime la possibilité pour le département de recourir au fichier AEM, et la transmission d’informations à la préfecture. Le juge peut ordonner les examens prévus à l’article 388 du Code Civil selon la procédure définie à cet article.
Cela permet de mettre un terme aux ruptures de protection et la violation des droits fondamentaux des mineurs dont les départements refusent l’admission à l’aide sociale à l’enfance, qui sont reconnus a postériori sur décision du Juge des Enfants après plusieurs mois passés sans protection.
Aujourd’hui, la décision administrative provisoire de refus d’admission à l’ASE exclut les jeunes demandeurs de toute forme de protection, ils ne peuvent accéder ni à un hébergement adapté, ni aux soins, ni à l’éducation, ni à un suivi éducatif ou à la satisfaction de leurs besoins les plus vitaux. Ils se trouvent extrêmement fragilisés sur le plan de la santé psychique et somatique. Ils sont exposés aux formes de traite et d’exploitation (et peuvent être notamment contraints à commettre des délits) et aux dangers de la vie à la rue ou dans des lieux inadaptés.
Or, il n’est pas rare que postérieurement aux décisions de refus d’admission délivrées par les conseils départementaux, la minorité des jeunes demandeurs soit finalement établie à l’aune d’éléments complémentaires (notamment sur la base de la vérification de leurs documents d’état civil ou la production de nouveaux documents) à l’issue d’un recours non suspensif qu’ils ont formé en saisissant le juge des enfants en application de l’article 375 du code civil. C’est le cas d’un jeune sur deux ayant saisi le juge dans certains départements.
Alors que le droit international[1] et la jurisprudence consacrent le principe de présomption de minorité et que l’architecture de la procédure d’évaluation actuelle repose en partie sur le ce dernier, les différentes réformes ne lui ont pas donnée toute sa portée. Cet amendement y remédie en réaffirmant qu’un jeune se présentant comme mineur doit être considéré comme tel jusqu’à ce qu’une décision de justice ayant autorité de chose jugée (donc une décision du juge des enfants) soit rendue. Durant toute la procédure judiciaire, sa prise en charge doit être assurée en protection de l’enfance.
Cela permet de lutter contre les contestations des décisions de justice suite à réorientation nationale en s’assurant que les décisions à l’origine de la réorientation aient donc toujours autorité de la chose jugée.
Cela permet de favoriser la réalisation pleine et entière des droits des MNA dans les meilleurs délais mais également l’accès au séjour et à la nationalité des ex-MNA lorsqu’ils atteignent 18 ans. Aujourd’hui les délais importants avant que les mineurs ne fassent l’objet d’un jugement en assistance éducative ou une mesure de tutelle, obèrent la réalisation de leur droits et le temps du recours ne leur permet pas de justifier avoir été confié à l’ASE avant 15 ou 16 ans, et donc bénéficier d’un titre de séjour Vie Privée et Familiale sécurisant ou même de la nationalité lorsqu’ils atteignent 18 ans, alors qu’ils pourraient y prétendre.
Cet amendement est proposé par UNICEF France.
[1] Le Comité des Droits de l’enfant consacre le principe de présomption de minorité de manière claire dans trois décisions contre l’Espagne en 2019. Il rappelle que qu’ « il est impératif qu’il y ait une procédure équitable pour déterminer l’âge d’une personne, et qu’il y ait la possibilité de contester le résultat obtenu par le biais d’une procédure judiciaire. Pendant que ce processus est en cours, la personne doit se voir accorder le bénéfice du doute et être traitée comme un enfant »
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