Publié le 2 juillet 2021 par : Mme Bagarry, Mme Cariou, M. Chiche, Mme Gaillot, M. Julien-Laferrière, M. Orphelin, M. Taché, M. Villani, M. Nadot.
I. – Après l’alinéa 3, insérer les six alinéas suivants :
« La présentation par la personne mentionnée au I d’un document d’état civil non formellement contesté rend inutile toute investigation complémentaire, en application de l’article 47 du code civil.
« Si une légalisation du document est nécessaire, le président du conseil départemental assiste le mineur dans ses démarches auprès des autorités consulaires, sous réserve de s’être assuré qu’il n’est pas susceptible de déposer une demande d’asile.
« En cas de doute sur l’authenticité des documents détenus par la personne et uniquement dans ce cas, le président du conseil départemental peut solliciter le concours du représentant de l’État dans le département pour vérifier l’authenticité des documents détenus par la personne. Cette vérification ne peut revêtir un caractère systématique.
« La possession de documents falsifiés ou appartenant à un tiers n’est pas en elle-même la preuve de la majorité de l’intéressé.
« Lorsque la personne mentionnée au I ne présente aucun document d’état civil, ou lorsque le ou les documents présentés ont été formellement contestés sans que cela permettre de conclure à la majorité de l’intéressé, le président du conseil départemental assiste la personne dans ses démarches auprès des autorités de son pays d’origine et leurs représentations consulaires afin de reconstituer son état civil.
« Si à l’occasion des démarches entreprises auprès des autorités du pays d’origine, il s’avère qu’aucun acte d’état civil n’a été établi dans leur pays d’origine ou que l’intéressé ne peut les y faire établir, une requête est introduite devant le tribunal de grande instance en vue d’obtenir un jugement déclaratif de naissance ou un jugement supplétif d’acte de naissance en application de l’article 46 du code civil. »
II. – En conséquence, supprimer l’alinéa 6.
III. – En conséquence, à l’alinéa 8, après le mot :
« s’appuyant »,
insérer les mots :
« sur les documents présentés par la personne, »
Cet amendement vise à garantir le droit à l’identité (article 8 de la CIDE) en prévoyant la reconnaissance des documents d’état civil présentés par les mineurs, leur vérification et leur reconstitution le cas échéant.
Dans la grande majorité des situations, même lorsque les jeunes demandeurs présentent un document d’état civil dont l’authenticité n’a pas été contestée, ils sont soumis aux autres méthodes d’évaluation : des entretiens d’évaluation sociale sont réalisés, voire des examens médicaux de détermination de l’âge sont ordonnés sur réquisition du parquet. La présomption de validité des actes d’état civil établis à l’étranger codifiée à l’article 47 du Code civil s’applique pourtant en principe sans qu’il y ait lieu d’exiger que l’authenticité de ces pièces soit corroborée par des indices supplémentaires.
Le Comité des droits de l’enfant l’affirme également en rappelant que « les documents qui sont disponibles devraient être considérés comme authentiques, sauf preuve du contraire »[1]
En pratique, il est courant que les autorités administratives ou judiciaires disqualifient les documents présentés par les jeunes demandeurs au motif qu’ils ne comportent pas de photographie et donc qu’il est impossible de confirmer l’appartenance de l’acte au jeune. Par ailleurs, les conseils départementaux se contentent parfois du simple examen rapide des documents présentés réalisé lors de l’entretien d’évaluation sociale par des professionnels non formés à l’expertise documentaire. Pourtant, la possibilité de contredire la présomption d’authenticité des actes d’état civil doit s’opérer à travers la mise en œuvre d’une procédure légale de vérification avec garanties.
C’est ce que rappelle le Comité qui observe que « bien que l’auteur ait présenté aux autorités espagnoles une copie de son acte de naissance, l’État partie n’a pas respecté son identité car il a refusé d’accorder toute valeur probante à ce document, sans avoir fait examiner au préalable les informations figurant sur l’acte par les autorités compétentes, et sans avoir cherché à vérifier ces informations auprès des autorités du pays d’origine de l’auteur. »
Enfin, il est très régulier que la seule possession de documents falsifiés ou appartenant à un tiers soit considérée par les autorités en elle-même comme la preuve de la majorité des jeunes demandeurs. Pourtant la possession de documents falsifiés ou appartenant à un tiers n’est pas en elle-même la preuve de la majorité de l’intéressé.
Les conséquences sont parfois désastreuses sur l’exercice des droits des jeunes dont la minorité est contestée. Dans certains cas, ils peuvent faire l’objet de poursuites pénales pour faux et usage de faux, aboutissant à des condamnations à des incarcérations, le remboursement des dépenses engagées pour leur prise en charge à l’ASE (jusqu’à 200 000 euros dans certaines situations) et des interdictions de territoire français (jusqu’à cinq ans).
Enfin, il est extrêmement rare qu’au stade de l’évaluation, les services en charge accompagnent les intéressés dans la reconstitution de leur état civil lorsque celui-ci est absent. L’article 8 de la CIDE dispose pourtant que « Si un enfant est illégalement privé des éléments constitutifs de son identité ou de certains d’entre eux, les États parties doivent lui accorder une assistance et une protection appropriées, pour que son identité soit rétablie aussi rapidement que possible ». Le Comité a rappelé à ce titre que « la charge de la preuve n’incombe pas exclusivement à l’auteur de la communication, d’autant plus que l’auteur et l’Etat partie n’ont pas toujours un accès égal aux éléments de preuve et que, très souvent, seul l’Etat partie dispose des informations pertinentes. En l’espèce, le Comité note que l’auteur fait valoir que s’il avait des doutes quant à la validité de son acte de naissance, l’Etat partie aurait dû s’adresser aux autorités consulaires du Mali pour vérifier son identité, ce qu’il n’a pas fait. »
Le présent amendement rappelle ces principes, définit les conditions dans lesquelles la présomption d’authenticité des documents d’état civil peut être renversée ainsi que la façon dont le département peut assister le mineur dans la reconstitution de son état civil, en complément des autres méthodes d’évaluation.
Cet amendement est proposé et travaillé avec UNICEF France.
[1] Observation générale conjointe n°4 du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et n°23 du Comité des droits de l’enfant (2017)
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