Publié le 17 novembre 2021 par : Mme Racon-Bouzon, Mme Provendier, M. Testé, Mme Le Feur, M. Gérard, M. Zulesi, Mme Le Peih, M. Daniel, Mme Colboc.
I. – Pour une durée de trois ans à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi, est mise en place, sur l’ensemble du territoire de la République, une expérimentation visant à favoriser le développement d’alliances innovantes permettant une coopération entre des personnes morales de droit privé et de droit public qui, dans une même communauté d’intérêts pour un projet, s’associent par voie de contrat, pour déterminer les modalités par lesquelles elles développent conjointement des méthodes, des produits, des services innovants en réponse à des besoins d’intérêt général, notamment sociaux, économiques, environnementaux non ou mal satisfaits, dans les conditions actuelles du marché ou dans le cadre des politiques publiques.
Chaque alliance innovante remplit les conditions cumulatives suivantes :
1° Sa composition comprend au minimum un organisme d’intérêt général et une entreprise dont les activités ont un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel, ou qui concourt à la mise en valeur du patrimoine artistique, notamment à travers les souscriptions ouvertes pour financer l’achat d’objets ou d’œuvres d’art destinés à rejoindre les collections d’un musée de France accessibles au public, à la défense de l’environnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises ;
2° Une communauté d’intérêts autour d’un projet innovant en réponse à des besoins d’intérêt général ;
3° Une gouvernance paritaire des parties prenantes, indépendamment des contributions de chacune d’elles ;
4° Un partenariat désintéressé défini et organisé par le contrat d’alliance ;
5° Un but autre que la distribution des bénéfices. Les éventuels bénéfices sont exclusivement consacrés à l’objectif de développement de l’alliance.
II. – L’alliance innovante est instituée par un contrat d’alliance qui précise les obligations réciproques des parties et notamment :
1° L’objet, le but, les motifs et la durée du contrat d’alliance, ainsi que les conditions dans lesquelles il peut être prorogé ou modifié ;
2° Les conditions d’adhésion et de retrait des parties ;
3° La protection des connaissances techniques et des savoir‑faire antérieurement acquis ;
4° La répartition des droits de propriété intellectuelle, notamment issus de la phase de recherche et développement ;
5° Les contributions matérielles et financières de chacune des parties.
Le projet de contrat est arrêté par délibérations concordantes adoptées dans les conditions requises par les statuts des personnes morales de droit privé parties au contrat et, le cas échéant, par les personnes morales de droit public.
La validité du contrat est subordonnée à la signature, par les parties au contrat, d’une charte de bonnes pratiques.
Le contrat type d’alliance et la charte de bonnes pratiques sont définis par un arrêté du ministre chargé de la vie associative. Ils peuvent être adaptés aux spécificités des territoires par les comités locaux mentionnés au IV.
III. – L’organisme d’intérêt général mentionné au I du présent article, partie au contrat d’alliance, informe le représentant de l’État dans la région de son siège social de la signature du contrat, de son objet et des parties signataires.
Si plusieurs organismes d’intérêt général coopèrent au sein d’une alliance innovante, l’organisme chargé de cette information est désigné par le contrat mentionné au II du présent article.
IV. – Dans chaque région, est créé un comité local placé auprès du représentant de l’État dans la région, chargé du pilotage de l’expérimentation. Ce comité est notamment responsable :
1° De soutenir l’ingénierie et l’animation de l’alliance dans les territoires ;
2° De promouvoir les alliances dans son ressort territorial ;
3° D’émettre des recommandations visant à déterminer les voies adaptées afin de pérenniser les coopérations sous forme d’alliance ;
4° De l’évaluation de l’expérimentation, notamment de l’effectivité du recours à cette forme de coopération et de son efficience.
V. – Ces comités sont composés :
1° De trois représentants de l’État issus des services déconcentrés ;
2° De neuf représentants des collectivités territoriales dont trois représentants des maires des communes et des présidents des établissements publics de coopération intercommunale, trois représentants des départements et de trois représentants des régions ;
3° D’un député et d’un sénateur, élus dans une circonscription de la région ;
4° De personnalités qualifiées issues du monde associatif et économique dont le nombre ne peut être supérieur à huit.
Les membres du comité ne perçoivent pas d’indemnité à ce titre.
Ce comité est présidé par le représentant de l’État dans la région ou son représentant.
Les modalités de désignation de ces membres et la durée de leur mandat sont fixées par arrêté du ministre chargé de la vie associative.
Le comité local peut être saisi pour avis par le représentant de l’État lorsqu’une alliance innovante est confrontée, lors de sa création ou de son développement, à des difficultés dues à l’interprétation des normes. Dans le cas où l’alliance innovante est composée au moins d’une collectivité territoriale, le représentant de l’État saisit simultanément pour avis le comité local et la conférence de dialogue mentionnée à l’article 4 quater de la présente loi.
VI. – Au plus tard trois mois avant le terme de l’expérimentation, le Gouvernement réunit un comité interministériel composé de représentants des ministères chargés de la vie associative, de l’économie et des finances, de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, des solidarités et de la santé, de la transformation de la fonction publique et de personnalités qualifiées issues du monde économique et associatif.
Ce comité interministériel remet au Parlement, sur la base des travaux des comités locaux mentionnés au III du présent article, un rapport dressant le bilan de l’expérimentation menée dans le cadre de la présente loi. Ce rapport porte notamment sur les conditions de son éventuelle généralisation, la création de nouvelles formes de regroupement entre acteurs privés et publics ainsi que sur les processus permettant de mieux intégrer les citoyens à la gouvernance des alliances innovantes et sur l’impact social, économique, environnemental de ces dernières sur les territoires.
La méthodologie de l’évaluation de l’expérimentation et les indicateurs de suivi partagés sont définis par arrêté du ministre chargé de la vie associative mentionné au II.
VII. – Pour les besoins de l’expérimentation :
1° Par dérogation aux dispositions du titre IER du livre II de la troisième partie et du titre II du livre II de la quatrième partie du code général des collectivités territoriales, les conseils départementaux et régionaux peuvent participer à une alliance ne relevant pas des domaines de compétences que la loi leur attribue ;
2° Sans qu’une clause des statuts ne soit nécessaire à cet effet ni ne puisse s’y opposer, les personnes morales de droit privé mentionnées à l’article 1er peuvent conclure un contrat d’alliance mentionné au II de l’article 1er qui ne relève pas directement de leur objet social ;
3° Par dérogation aux dispositions de l’article 42 de la loi n° 84‑16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, les fonctionnaires d’État peuvent être mis à disposition d’un organisme d’intérêt général partie à un contrat d’alliance, pour la réalisation exclusive du projet d’alliance. La mise à disposition est prononcée pour une durée qui ne peut excéder dix-huit mois, renouvelable dans la limite de la durée de l’expérimentation. La mise à disposition ne donne pas lieu à remboursement. Elle constitue une contribution en nature de l’État ;
4° Par dérogation aux dispositions de l’article 61‑1 de la loi n° 84‑53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, les fonctionnaires territoriaux peuvent être mis à disposition d’un organisme d’intérêt général partie prenante à un contrat d’alliance, pour la réalisation exclusive du projet d’alliance. La mise à disposition est prononcée pour une durée qui ne peut excéder dix-huit mois, renouvelable dans la limite de l’expérimentation.
La mise à disposition ne donne pas lieu à remboursement. Elle constitue une contribution en nature de la collectivité territoriale ;
5° Les contributions versées par des personnes morales de droit public à un organisme d’intérêt général pour la mise en œuvre du contrat d’alliance mentionné à l’article 1er sont réputées constituer des subventions au sens de l’article 9‑1 de la loi n° 2000‑321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;
6° Le partenariat issu du contrat d’alliance entre l’organisme d’intérêt général et l’entreprise ne confère aucun avantage concurrentiel à l’entreprise ;
7° Dans le cadre de l’expérimentation mentionnée à l’article 1er, les organismes d’intérêt général peuvent aussi bénéficier de dons et versements affectés à la réalisation du projet d’alliance, mentionnés à l’article 238 bis du code général des impôts, effectués par des entreprises non parties prenantes à l’alliance.
VIII. – La perte de recettes pour l’État est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
IX. – La charge pour l’État est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
X. – La charge pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Cet amendement vise à transposer les articles 1 et 2 de la proposition de loi relative au développement de l’engagement collectif et des alliances innovantes au service de l’intérêt général sur les territoires pour une société durable déposée en février par le groupe LaREM et présentée par Madame Cathy RACON-BOUZON, députée des Bouches-du-Rhône, suite à la mission relative au développement des alliances stratégiques qui lui a été confiée en octobre 2019 par le Gouvernement (le Secrétaire d’État chargé de la vie associative, Monsieur Gabriel ATTAL) ainsi qu’à Monsieur Charles-Benoît HEIDSIECK, Président-Fondateur du RAMEAU.
Cette mission a permis d’étudier les multiples initiatives de co-construction qui ont émergé depuis une dizaine d’années dans de nombreux territoires français.
Inégalités, éducation, santé, droits des femmes, dérèglement climatique, alimentation, logement ... Autant de défis sociaux et environnementaux, accentués par la crise, qu’il nous faut relever pour parvenir à̀ un avenir meilleur, plus durable et souhaitable pour tous.
Adoptés à l’ONU par 193 pays en 2015 dans le cadre du Programme de développement durable à l’horizon 2030, les Objectifs de Développement Durable nous donnent la marche à suivre pour résoudre ces besoins, qui s’imposent à nous sur nos territoires, dans notre vie quotidienne, ou à l’échelle internationale. Déjà en 2015, il se disait à l’ONU que « les partenariats multipartites seront essentiels pour tirer parti des connexions entre ODD » : l’ODD17 pour résoudre les 16 autres.
Les résultats du sondage Urgence-Covid-Citoyens1 sont éloquents. 81% des Français déclarent que pour sortir de la crise du Covid 19, il est utile de « jouer collectif » entre associations, entreprises, pouvoirs publics et citoyens...Les Français confirment le « devoir d’alliance » pour construire une société durable. (1Sondage Opinion Way pour l’Observatoire des partenariats, mai 2020)
Si les travaux de la mission ont démontré la nécessité d’accélérer les alliances innovantes au service de l’intérêt général pour répondre efficacement à un besoin du territoire par des solutions concrètes, ils ont aussi mis en évidence les carences de la législation qui rend difficile la collaboration entre acteurs privés, et publics, soumis à des législations et réglementations différentes, pour innover ensemble.
Le dispositif présenté ici- qui fait écho aux contrats de cohésion territoriale (articles 47 de la présente proposition de loi, supprimé par le Sénat) - permettra d’expérimenter un droit de l’alliance innovante et de créer les conditions permettant son développement partout sur les territoires pour favoriser la coopération au service du bien commun.
En effet, depuis une décennie, de nouvelles formes de partenariats entre personnes morales de droits public et privé se développent. Elles se distinguent du fait que leur objectif n’est pas prioritairement de répondre aux besoins des acteurs impliqués, mais d’agir ensemble au service de l’intérêt général.
Associant acteurs économiques, structures d’intérêt général et acteurs publics, elles sont confrontées à des difficultés pour s’unir. Si certaines formes de partenariats sont aujourd’hui clairement définies (mécénat, sponsoring, prestations de service, délégation de service public…), ces nouvelles alliances n’ont, à ce jour, pas de cadre juridique adapté.
Lorsque les relations entre les parties sont suffisamment avancées, et ont pu faire la preuve de leur utilité, ces derniers peuvent créer ensemble une entité commune ; qu’elle soit d’intérêt général (association, fondation) ou économique (joint‑venture sociale, SCIC, …).
En revanche, lorsqu’il s’agit d’expérimenter ensemble de nouvelles solutions, les personnes morales issues de statuts différents n’ont pas de cadre juridique pour contractualiser sans mettre en risque l’une ou l’autre des parties, voire rendre fragile l’alliance qu’ils ont créée. Ils prennent alors le risque de voir requalifier leurs relations, voire leur statut pour les structures d’intérêt général. Plus encore, il ne leur est pas possible d’assurer une réelle protection juridique du « commun » qu’ils constituent ensemble.
Il appartient donc au législateur de créer un cadre législatif permettant à la fois de sécuriser juridiquement l’action des acteurs et de promouvoir ces coopérations essentielles au développement d’une société durable.
Ainsi cet amendement définit l’alliance innovante au service de l’intérêt général.
Il précise quels sont les éléments constitutifs d’une alliance, les parties qui la composent, les conditions de son existence et de sa reconnaissance, notamment son objet au service de l’intérêt général et son mode de gouvernance démocratique et désintéressée, ainsi que le cadre contractuel (contrat nommé) dans lequel les parties de l’alliance s’inscrivent.
Il détermine également le cadre de l’expérimentation, sa durée, son périmètre et les modalités d’évaluation. Il définit les modalités de pilotage de cette expérimentation par des comités paritaires locaux chargés de son suivi. Ces comités ont pour mission de soutenir l’ingénierie et l’animation de l’alliance dans les territoires, d’encourager ce mode de partenariat, d’émettre des avis sur toutes les questions relatives aux alliances, et de formuler des propositions permettant d’améliorer leur bon fonctionnement. Ils ont en charge l’évaluation de l’expérimentation sur chaque territoire ; leurs travaux auront pour objectif d’alimenter le bilan global de l’expérimentation qui fera l’objet d’un rapport remis au Parlement par un comité interministériel.
La conférence de dialogue, instituée par l’article 4 quater du présent projet de loi, permettra de compléter le dispositif des comités locaux.
En effet, cette instance pourra émettre un avis dans le cas où une alliance innovante, composée d’une collectivité territoriale, rencontre des difficultés dues à l’interprétation de la législation ou de la réglementation lors de sa création ou de son développement. Ceci permettra de mieux sécuriser cette nouvelle forme de partenariat au service de l’intérêt général.
Ce dispositif précise ensuite les dérogations provisoires nécessaires pour sécuriser juridiquement la coopération entre les différents acteurs dans le cadre de l’expérimentation ; il permet notamment :
– d’autoriser les Collectivités territoriales à faire partie d’une alliance, même si l’objet de cette dernière ne relève pas de leur domaine de compétences ;
– d’autoriser l’État ou les Collectivités territoriales à mettre des agents de la fonction publique à disposition d’un organisme d’intérêt général participant à l’alliance ;
– de sécuriser, dans le cadre d’une alliance, les subventions accordées par les Collectivités territoriales aux organismes d’intérêt général ;
– de sécuriser les dons et versements au titre du mécénat
– de protéger les entreprises et les associations en considérant que leur relation ne confère pas d’avantage concurrentiel à l’entreprise.
Cet amendement vise donc à expérimenter un droit de l’alliance innovante et à créer les conditions permettant son développement partout sur les territoires pour favoriser la coopération au service du bien commun.
Le plan « Marseille en Grand » annoncé le 2 septembre dernier à Marseille par le Président de la République est, par exemple, une invitation à agir, sur lesquelles se posent deux exigences : celle de faire de manière coconstruite entre institutions, avec les habitants et les acteurs du territoire, et celle d’innover dans les réponses. Le Président de la République l’énonce clairement : “Je souhaite qu'on puisse donc, d'ici à la fin d'année, construire autour de nos grands acteurs publics et avec la myriade d'acteurs privés et d'initiatives quelques grands projets, mais qui doivent partir du terrain, être ainsi construits, ….”
Il s’agit ici de sécuriser ces dynamiques collectives.
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