Publié le 1er octobre 2021 par : M. Lachaud, Mme Autain, M. Coquerel, M. Bernalicis, M. Corbière, Mme Fiat, M. Mélenchon, Mme Obono, Mme Panot, M. Larive, M. Quatennens, M. Prud'homme, M. Ratenon, Mme Rubin, M. Ruffin, Mme Ressiguier, Mme Taurine.
Après l’alinéa 2, insérer l’alinéa suivant :
« Hors nécessité vitale immédiate, aucun acte médical visant à modifier les caractéristiques sexuelles ne peut être effectué sur une personne mineure tant que l’intéressée n’est pas en mesure d’exprimer par elle-même son consentement libre et après avoir reçu une information adaptée à son âge. »
L'interdiction des thérapies de « conversion » qui est l'objectif de cette proposition de loi vise à garantir à chaque personne le respect de son identité de genre ou de son orientation sexuelle. Il vise à ce que nul ne puisse faire l'objet de pratiques visant, sans son consentement libre et éclairé, à ce qu'on tente de modifier ou de réprimer cette identité ou orientation.
Cet amendement vise à ce que ce droit fondamental soit garanti à toutes et tous, y compris aux personnes mineures qui présentent des variations du développement sexuel. Il prévoit que tout acte médical visant à modifier les caractéristiques sexuelles d'une personne, hors cas d’urgence vitale, soient ainsi différés tant qu'ils ne peuvent être soumis au consentement libre et éclairé de la personne elle-même, personnellement exprimé, après avoir reçu une information adaptée et pu prendre pleine conscience des conséquences d’une telle opération.
En effet, certaines opérations ont pour effet de modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre de la personne. Ainsi, en 2017 on peut dénombrer, en France, au moins 8 opérations de « féminisation » avec vaginoplastie et/ou réduction, enfouissement ou réduction du clitoris qui ont été réalisées sur des enfants d’un an ou moins d’un an, dans des centres de référence. Or, ces opérations sont destinées « à assurer des rapports sexuels pénétrant ». Rien ne permet de supposer que ces enfants auront une identité de genre féminine, ou auront une sexualité hétérosexuelle.
La circulaire du 28 octobre 2011 relative aux règles particulières à divers actes de l’état-civil relatifs à la naissance et à la filiation, précise par ailleurs bien que certaines opérations ont pour but de déterminer le sexe de l’enfant : « Lorsque le sexe d’un nouveau-né est incertain, (…) il y a lieu de conseiller aux parents de se renseigner auprès de leur médecin pour savoir quel est le sexe qui apparaît le plus probable compte tenu, le cas échéant, des résultats prévisibles d’un traitement médical. Ce sexe sera indiqué dans l’acte, l’indication sera, le cas échéant, rectifiée judiciairement par la suite en cas d’erreur. » La circulaire précise même ce qu’il y a lieu de faire en cas d’erreur. Ainsi les textes règlementaires incitent à des opérations qui vont déterminer le genre dans un sens ou un autre, quitte à se tromper. Ces actes modifient l’identité de genre de la personne en l’incitant par des actes y compris chirurgicaux, à se reconnaître dans un genre qu’on a choisi pour lui.
Il s’agit donc bien là de pratiques visant à modifier l’orientation sexuelle d’une personne, et son identité de genre, faites à un âge où la personne n’est en aucun cas en situation de donner son consentement.
Cet amendement a donc pour but d’empêcher toute atteinte à l’intégrité du corps, et à la libre disposition de soi. Le droit de décider pour son propre corps est un droit fondamental, qui n’est pas respecté lors d’interventions précoces, non urgentes, où le consentement de la personne n’est pas recherché.
Le Conseil d'État le rappelle d’ailleurs dans son rapport sur la révision de la loi de bioéthique remis au Premier ministre en 2018 : des professionnels de santé réalisent des actes médicaux tendant à conformer les caractéristiques sexuelles primaires ou secondaires des personnes présentant des variations du développement sexuel, en dehors du cadre légal de l’article 16-3 du code civil. Celui-ci précise que ces opérations doivent avoir lieu seulement en cas de nécessité médicale pour la personne, ou recueil préalable d’un consentement libre et éclairé, exprimé par les personnes concernées elles-mêmes. Le Conseil d’État ajoute que seules sont envisageables les interventions « qui s’imposent afin d’éviter de mettre en jeu le pronostic vital de la personne ou les souffrances physiques associées à ces variations. »
En principe, le dispositif existant devrait permettre de contrôler l’appréciation de nécessité médicale opérée par le médecin. En effet, l'application du principe de proportionnalité (article L.1110-5 du code de la santé publique), combinée à l'obligation du médecin de ne pratiquer « aucune intervention mutilante [...] sans motif médical très sérieux et, sauf urgence ou impossibilité, sans information de l'intéressé et sans son consentement. » (article R.4127-41 du même code), devraient suffire à interdire de telles opérations.
Force est de constater qu’il n’en est rien.
En 2017, le Défenseur des droits et la délégation aux droits des femmes du Sénat ont déjà montré la nécessité de changer la prise en charge des personnes intersexes. De nombreuses institutions se sont prononcées pour appeler à cesser ces pratiques. Toutes s’accordent sur le principe de précaution et la nécessité de ne pas intervenir sur le corps de la personne concernée sans urgence vitale et sans son consentement libre et éclairé, personnellement exprimé.
L’État français a été rappelé à l’ordre par trois comités de l'ONU : en janvier 2016, par le Comité des Droits de l’Enfant puis en mai 2016, par le Comité contre la torture, et enfin, en juillet 2016, par le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes).
La loi du 4 mars 2002 a permis de renforcer les droits du mineur en introduisant à l'article L.1111-4 (actuel alinéa 7) du code de la santé publique l'obligation pour le médecin de « rechercher » son consentement, l'exercice de ses droits n'en reste pas moins dévolu à ses représentants légaux. Ainsi, la recherche de discernement, qui conférerait une capacité d'exercice à consentir au mineur est écartée, de sorte qu'il n'est question que de consentement consultatif. En l’espèce, ces opérations ont souvent lieu sur des nourrissons, qui ne sont évidemment pas en état de consentir à quoi que ce soit. Pourtant, ce sont elles et eux qui devront vivre toute leur vie, dans un corps avec des caractéristiques sexuelles qui ont été modifiées, sans même avoir pu donner leur avis, alors qu’il n’y avait aucune urgence à intervenir. Parfois, ces personnes sont tenues dans l’ignorance d’opérations qu’ils ont subies très jeunes, et n’apprennent la vérité que tardivement.
A contrario, l'article L. 1111-5 du code de la santé publique démontre que le consentement libre et éclairé du mineur peut être recueilli sans l'aval de ses représentants légaux. Celui-ci prévoit un droit d'exercice à consentir au mineur lorsque ce dernier refuse que ses représentants légaux soient consultés sur les décisions médicales intéressant la sauvegarde de sa santé.
La loi de bioéthique du 2 août 2021 a précisé dans son article 30 que pour les enfants présentant une variation du développement génital, la « concertation [d’une équipe pluridisciplinaire] établit le diagnostic ainsi que les propositions thérapeutiques possibles, y compris d'abstention thérapeutique », mais ne pose pas l’interdiction des actes visant à modifier les caractéristiques sexuelles d’une personne mineure, hors cas d’urgence vitale, sans l’expression de son consentement libre et éclairé, personnellement exprimé. Il est bien mentionné que son consentement doit être « systématiquement recherché s'il est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision », mais qu’en l’absence de celui-ci, si par exemple l’opération est prévue à un âge où l’enfant ne peut encore parler, les opérations peuvent avoir lieu. Les actes qui visent à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, en l’absence de consentement de la personne, ne sont donc pas interdits par la loi de bioéthique. Tel est donc le sens de cet amendement.
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