Publié le 26 mars 2018 par : M. Larive, Mme Autain, M. Bernalicis, M. Coquerel, M. Corbière, Mme Fiat, M. Lachaud, M. Mélenchon, Mme Obono, Mme Panot, M. Prud'homme, M. Quatennens, M. Ratenon, Mme Ressiguier, Mme Rubin, M. Ruffin, Mme Taurine.
I. – Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport sur les conséquences économiques de la fermeture de tous les établissements publics hors contrat.
II. – Le rapport évalue notamment les enjeux économiques, financiers et sociaux que représenterait la suppression du financement public de l'enseignement hors contrat pour les collectivités territoriales, ainsi que les investissements que l'État devrait fournir pour assurer la scolarisation dans les écoles du service public des enfants issus des établissements hors contrat.
En 1922, dans son Éducation et sociologie, Durkheim faisait le constat que l'éducation d'une classe d'âge était essentielle pour perpétuer et renforcer une homogénéité entre les individus d'une même société, créant entre chacun.e de ses membres les conditions nécessaires et suffisantes à la paix sociale. Il soulignait que l'éducation doit assurer entre les citoyen.ne.s un élément essentiel à sa socialisation : le partage d'une communauté d'idées et de sentiments sans lesquels toute société est impossible.
Dans le même ouvrage, il développe l'idée selon laquelle l'État a des devoirs envers les enfants de la République, pour pouvoir permettre l'existence de la cohésion sociale :
“Cette définition de l'éducation permet de résoudre aisément la question, si controversée, des devoirs et des droits de l'État en matière d'éducation.
On leur oppose les droits de la famille. L'enfant, dit-on, est d'abord à ses parents : c'est à eux qu'il appartient de diriger, comme ils l'entendent, son développement intellectuel et moral. L'éducation est conçue comme une chose essentiellement privée et domestique. (...)
Mais si comme nous avons essayé de l'établir, l'éducation a, avant tout, une fonction collective, si elle a pour objet d'adapter l'enfant au milieu social où il est destiné à vivre, il est impossible que la société se désintéresse d'une telle opération. (...) Si (la société) n'était pas toujours présente et vigilante pour obliger l'action pédagogique à s'exercer dans un sens social, celui-ci se mettrait nécessairement au service de croyances particulières, et la grande âme de la patrie se diviserait et se résoudrait en une multitude incohérente de petites âmes fragmentaires en conflit les unes avec les autres.”
C'est aussi le constat que semble faire le président de la République, qui prévoit d'instaurer le service national universel pour instaurer de la mixité dans les classes d'âge, créer la rencontre entre des personnes qui n'auraient jamais été amenées à se côtoyer afin de battre en retraite les préjugés et de fonder une société plus harmonieuse.
Malheureusement, ce ne sont pas quelques semaines de camping en « diversité » qui pourront venir réparer des années d'éducations différentes, divergentes, parfois opposées, en certaines occasions contraires aux intérêts républicains.
Pour recréer ce lien social que nous appelons tou.te.s de nos vœux, il est essentiel que les enfants puissent se rencontrer durant toute leur scolarité.
Or, les écoles privées hors contrat enferment des enfants de la même origine sociale, culturelle, religieuse, enfants qu'il convient, par cette disposition, de protéger.
Le foisonnement des écoles hors contrat et la simplification de leur création par la présente proposition de loi nous donne un signal politique ambivalent au moment où le service public de l'éducation est lui-même démantelé. Et si, après tout, cette proposition de loi n'avait pas vocation à encourager la création de tels établissements (qui comptent aujourd'hui 73 475 élèves), qui déchargent l'autorité publique de la prise en charge financière totale de ces élèves ? Cette hypothèse n'est pas absurde, dans le sens où tous les services publics sont en ce moment démantelés au profit d'un secteur privé auquel on accorde (de façon imaginaire) des pouvoirs d'autorégulation quasi-magiques.
La technique parlementaire - qui limite de façon drastique notre droit d'amender un texte - ne nous permet pas de déposer un amendement pour demander la suppression de tels établissements. Cette demande de rapport est donc un amendement de repli.
Ainsi sommes-nous vigilant.e.s à ce que cette proposition de loi ne soit pas le symbole de la désertion de l'action publique du champ social et de l'avènement de l'école des marchands.
Pour cette raison, nous souhaiterions que le Gouvernement remette un rapport permettant d'envisager la fermeture des établissements privés hors contrat, qui doivent retourner sous le giron de l'État.
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