Publié le 29 mai 2018 par : M. Larive, Mme Autain, M. Bernalicis, M. Coquerel, M. Corbière, Mme Fiat, M. Lachaud, M. Mélenchon, Mme Obono, Mme Panot, M. Prud'homme, M. Quatennens, M. Ratenon, Mme Ressiguier, Mme Rubin, M. Ruffin, Mme Taurine.
Titre IIIbis
De nouveaux droits pour les journalistes afin de lutter efficacement contre les fausses informations
Article XX
Après l'article 2bisde la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse, il est inséré un article 2terainsi rédigé :
« Art. 2 ter. – I. – Le droit à l'information, à la libre expression et à la critique est une des libertés fondamentales de tout être humain. De ce droit du public de connaître les faits et les opinions procède l'ensemble des devoirs et des droits des journalistes.
La responsabilité des journalistes vis-à-vis du public prime toute autre responsabilité, en particulier à l'égard de leurs employeurs, des entreprises et des pouvoirs publics.
II. – Cette mission d'information comporte nécessairement des limites que les journalistes eux-mêmes s'imposent spontanément :
« 1° Rechercher la vérité et la dire, quelles qu'en puissent être les conséquences pour lui-même, et ce, en raison du droit du public à l'information ;
« 2° Défendre la liberté de l'information, du commentaire et de la critique ;
« 3° Publier seulement les informations dont l'origine est connue ou les accompagner, si c'est nécessaire, des réserves qui s'imposent ; ne pas supprimer les informations essentielles et ne pas altérer les textes et les documents ;
« 4° Ne pas user de méthodes déloyales pour obtenir des informations, des photographies et des documents ;
« 5° S'obliger à respecter la vie privée des personnes et la présomption d'innocence ;
« 6° Rectifier toute information publiée qui se révèle inexacte ;
« 7° Garder le secret professionnel et ne pas divulguer la source des informations obtenues confidentiellement ;
« 8° S'interdire le plagiat, la calomnie, la diffamation, les accusations sans fondement ainsi que de recevoir un quelconque avantage en raison de la publication ou de la suppression d'une information ;
« 9° Ne jamais confondre le métier de journaliste avec celui du publicitaire, du propagandiste, du policier ou du juge ; n'accepter aucune consigne, directe ou indirecte, des annonceurs ;
« 10° Refuser et combattre, comme contraire à son éthique professionnelle, toute confusion entre journalisme et communication ;
« 11° Refuser toute pression et n'accepter de directives rédactionnelles que des responsables de la rédaction. Tout journaliste digne de ce nom se fait un devoir d'observer strictement les principes énoncés ci-dessus ; reconnaissant le droit en vigueur dans chaque pays, le journaliste n'accepte, en matière d'honneur professionnel, que la juridiction de ses pairs, à l'exclusion de toute ingérence gouvernementale ou autre.
« III. – Ces devoirs des journalistes s'accompagnent de droits qui permettent à ceux-ci d'effectuer leur métier dans les meilleures conditions possibles :
« 1° Les journalistes revendiquent le libre accès à toutes les sources d'information et le droit d'enquêter librement sur tous les faits qui conditionnent la vie publique. Le secret des affaires publiques ou privées ne peut en ce cas être opposé au journaliste que par exception en vertu de motifs clairement exprimés ;
« 2° Le journaliste a le droit de refuser toute subordination qui serait contraire à la ligne générale de son entreprise, telle qu'elle est déterminée par écrit dans son contrat d'engagement, de même que toute subordination qui ne serait pas clairement impliquée par cette ligne générale ;
« 3° Le journaliste ne peut être contraint à accomplir un acte professionnel ou à exprimer une opinion qui serait contraire à sa conviction ou sa conscience ;
« 4° L'équipe rédactionnelle doit être obligatoirement informée de toute décision importante de nature à affecter la vie de l'entreprise. Elle doit être au moins consultée, avant décision définitive, sur toute mesure intéressant la composition de la rédaction : embauche, licenciement, mutation et promotion de journaliste.
« 5° En considération de sa fonction et de ses responsabilités, le journaliste a droit non seulement au bénéfice des conventions collectives, mais aussi à un contrat personnel assurant sa sécurité matérielle et morale ainsi qu'une rémunération correspondant au rôle social qui est le sien et suffisante pour garantir son indépendance économique
« IV. – Le respect de ces règles déontologiques est assuré par le Conseil national de la déontologie. »
Le droit à l'information des citoyen×ne·s doit être garanti dans notre pays. L'unique moyen est de faire en sorte qu'une charte de déontologie, inspirée de la charte de Munich et des préconisations du SNJ, soit enfin adoptée.
Par cet amendement d'appel, nous en proposons une rédaction, qui pourra évidemment faire l'objet de discussions, et nous l'espérons, d'éventuels sous-amendements avant son adoption.
C'est en effet le moyen le plus certain de lutter contre les fausses informations, parfois, voire souvent, produites par les journalistes eux-mêmes. Il nous semble en effet très dangereux que la loi actuelle repose sur « une intention délibérée de nuire », selon les recommandations du Conseil d'État. En effet, cette intention délibérée vise à exclure du contrôle du juge des référés les travaux des journalistes, alors même que les fausses informations qu'ils peuvent parfois diffuser ont, sur l'opinion, des conséquences qui sont tout aussi dangereuses, voire plus, du fait de l'autorité morale qu'ils tirent de la possession d'une carte de presse.
Par exemple, quand la totalité des médias français relaient en janvier la fausse information sur Abderazak Besseghir, le bagagiste de Roissy soupçonné à tort d'être un terroriste en janvier 2003, ils détruisent la vie de cet individu. Que ce mensonge ait été commis sans intention et que les médias aient ensuite reconnu leur erreur n'y change rien. De la même manière, les mensonges colportés par le New York Times, Le Washington Post et le Wall Street Journal en 2003 sur les armes de destruction massive en Irak la même année ont produit leur effet sur l'opinion et ont eu des conséquences graves sur la vie de millions de personnes.
Il est donc fondamental que les journalistes soient aussi soumis à des règles fondamentales de déontologie, ce que nous proposons par cette charte.
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