Publié le 15 mai 2018 par : M. Ratenon, Mme Autain, M. Bernalicis, M. Coquerel, M. Corbière, Mme Fiat, M. Lachaud, M. Larive, M. Mélenchon, Mme Obono, Mme Panot, M. Prud'homme, M. Quatennens, Mme Ressiguier, Mme Rubin, M. Ruffin, Mme Taurine.
I. – Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport d'information ayant pour objectif de chiffrer l'établissement d'un pôle public du médicament, qui consiste en la reprise par l'État, en relation avec les États étrangers, de l'activité de recherche biomédicale et de production de médicaments. Il étudie et compare plusieurs scénarios, de la reprise intégrale de la recherche et de la production pharmaceutique à la simple évaluation biomédicale en passant par la recherche et la production des traitements sensibles.
II. – Le rapport évalue le coût quantitatif et qualitatif que représente ce pôle public du médicament comparativement à la production privée de médicament.
En avril dernier, la presse financière britannique diffusait des extraits d'une note d'un analyste de Goldman Sachs consacrée au défi économique que représentait pour le secteur pharmaceutique les nombreux progrès enregistrés sur l'effectivité des thérapies géniques : « La possibilité de délivrer des cures uniques est l'un des aspects les plus attrayants de la thérapie génique, de la thérapie cellulaire génétiquement modifiée et de l'édition génétique, mais ces traitements offrent des perspectives très différentes en termes de revenus récurrents par rapport aux thérapies chroniques (…) Bien que cette innovation ait une valeur énorme pour les patients et la société, elle pourrait représenter un défi pour les développeurs de médicaments génomiques cherchant des flux de trésorerie soutenus. ». Pour finalement se demander : « Est-ce que guérir des patients est un modèle économique soutenable ? »
Voilà ce qui peut arriver quand on confie la santé des citoyens à un secteur qui a pris depuis plusieurs décennies l'habitude de rémunérer ses actionnaires à hauteur de 15 à 20 % par an. : Ce secteur en vient à se questionner sur l'intérêt économique qui existe à guérir les gens. Cet exemple éclatant, grossier par certains aspects, et surtout profondément cynique, nous amène à nous demander très clairement : est-il raisonnable, sur les plans sanitaire, politique et humain, de confier la recherche et la production de médicaments à des entreprises privées à hautes exigences de profitabilité ?
Par cet amendement, nous demandons donc que le gouvernement examine l'opportunité sanitaire de la reprise par la puissance publique de la recherche biomédicale et de la production de médicament.
Actuellement premier marché mondial, le secteur pharmaceutique est entre les mains de plusieurs grandes groupes privés, dont la puissance est telle qu'ils parviennent régulièrement à influencer la décision publique et à berner les organismes étatiques de contrôle. Les scandales sanitaires à répétition, du Vioxx au Levothyrox en passant par la Dépakine et le Médiator, ont mis en lumière ce que la quête de profitabilité peut faire à la santé publique.
Pour les finances sociales, l'activisme promotionnel des laboratoires pharmaceutiques a un coût : cCelui de la multiplication de médicaments, de la réintroduction incessante de nouveaux produits, sans que l'amélioration du service médical rendu ne soit significative.
Pour la santé publique, la transformation progressive des industries pharmaceutiques en puissance marketing influençant les professionnels de santé dès les facultés de médecine présente des risques de plus en plus importants. Le recours abusif à des traitements lourds comme dans le cas des antidépresseurs, la multiplication de traitements dangereux disponibles sans ordonnance et dont l'UFC Que Choisir a dressé en février dernier la liste noire, fragilisent la santé des Français.
Mais ce qui requiert de façon encore plus urgente la nationalisation de la recherche et de la production de médicaments, c'est le défi immense que représente la résistance bactérienne aux antibiotiques, dont l'Organisation Mondiale de la Santé estime qu'elle tue 700 000 personnes par an dans le monde. L'OMS demande aux États de relever ce défi. Or, la découverte d'un antibiotique est exceptionnelle aujourd'hui, et son développement prend plus d'une décennies. Les États pPourront-ils faire face à ce défi en continuant de confier la production et la recherche de médicament à des entreprises qui veulent continuer à explosere les scores de rémunération des actionnaires ? Le pourront-ils en comptant sur des gens auprès de qui des analystes financiers s'interrogent sur la « soutenabilité économique de la guérison » ? Y arriveront-ils face à des sociétés privées dont les moyens financiers et politiques ont permis de faire fermer les yeux aux instances étatiques de régulation sur leurs pratiques dangereuses ?
Nous estimons que face aux défis du XXIe siècle, la puissance publique est bien mieux placée pour assurer la production de médicaments, en coopération avec les autres pays du monde, afin de concevoir une stratégie planifiée, rationnelle, attentive au temps long, et qui n'est plus parasitée par la recherche de profit à court terme.
Plusieurs scénarios seront étudiés par ce rapport : Tout d'abord, la reprise intégrale de l'activité de recherche et de production de médicament. Ensuite, la seule reprise des traitements essentiels, portant sur les pathologies les plus répandues et dangereuses par la population. Enfin, la dernière hypothèse étudiée consistera en la possibilité pour le Pôle Public de mener sa propre expertise à même d'éclairer de façon autonome l'opportunité et le bénéfice/risque de la mise sur le marché d'un nouveau produit.
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