Publié le 5 juillet 2018 par : M. Coquerel, M. Lachaud, Mme Autain, M. Bernalicis, M. Corbière, Mme Fiat, M. Larive, M. Mélenchon, Mme Obono, Mme Panot, M. Prud'homme, M. Quatennens, M. Ratenon, Mme Ressiguier, Mme Rubin, M. Ruffin, Mme Taurine.
Après le titre X de la Constitution, il est inséré un titre X bis ainsi rédigé :
« Titre X bis
« Des services publics
« Art. 68‑4. – Les services publics sont garants de l’unité et de l’indivisibilité de la République. Ils composent l’ensemble des organismes destinés à satisfaire un besoin d’intérêt général et à la gestion des biens communs.
« Art. 68‑5. – L’État veille à ce que les services publics soient administrés dans le respect des principes suivants :
« 1° La continuité, en cohérence avec le respect du droit de grève ;
« 2° L’égalité d’accès sur le plan social et territorial ;
« 3° La neutralité et le respect de la laïcité.
« Une loi organique précise les conditions d’application du présent article.
« Art. 68‑6. – Le statut de fonctionnaire participe de la qualité des services publics. Le concours est le mode de recrutement ordinaire de leurs agents. Le statut garantit la neutralité des services publics. Les fonctionnaires occupant des postes stratégiques et décisionnels ne peuvent partir travailler dans le secteur privé lucratif sous peine de perdre leur droit au retour.
« Art. 68‑7. – Les services publics ne peuvent être privatisés dans la mesure où ils constituent une ressource nécessaire à l’unité de la République. La gestion des biens communs ne peut être confiée à des acteurs privés dans la mesure où ils constituent le patrimoine de l’ensemble des citoyens. »
Par cet amendement, nous proposons de consacrer au niveau constitutionnel les grands principes qui doivent régir les services publics.
En effet, contrairement à ce qu’a fallacieusement soutenu le rapporteur général en Commission des Lois, les principes fondamentaux du service public (continuité, égalité d’accès - notamment sur le plan social et territorial -, neutralité, laïcité) ne sont pas consacrés ni par la Constitution, ni par la jurisprudence du Conseil constitutionnel. En outre, cet amendement prévoit notamment l’impossibilité de privatiser des services publics qui représentent un bien commun et constituent donc le patrimoine de l’ensemble des citoyens et des citoyennes.
L’accès aux services publics est de moins en moins égalitaire en France, tandis que nos biens communs sont de plus en plus nombreux à avoir été bradés au privé. Ce sont ces deux constats qui motivent la rédaction de cet amendement, destiné à ramener en la matière justice et raison.
Dans le logement, l’éducation et la santé les disparités territoriales ont augmenté : c’est le constat que l’on fait au quotidien dans ce pays, corroboré par les rapports du Défenseur des droits et nombre de sources officielles.
S’agissant de la santé, le phénomène de concentration de l’activité hospitalière et la répartition inégale des équipements les plus coûteux (imagerie médicale par exemple), conduisent à une perte de proximité et des délais de prise en charge plus importants selon les territoires.
En matière de logement, malgré la loi SRU posant des obligations pour les communes, le déficit en logements sociaux perdure. Le non-respect de la loi par certaines communes demeure problématique car il conduit de fait à une concentration des populations défavorisées sur le territoire des communes respectueuses de la loi. Les récentes évolutions législatives, notamment la loi ELAN, vont conduire à une aggravation de ce phénomène.
Du côté de l’éducation, l’assouplissement de la carte scolaire a conduit à renforcer les ségrégations scolaires entre établissements (rapport d’information du Sénat n° 617). Par ailleurs, la restructuration de l’offre scolaire a eu pour effet d’éloigner le service public de l’éducation nationale de certaines zones rurales, ce qui s’est traduit par un allongement des temps de trajet pour les élèves.
Ces disparités territoriales se doublent de d’inégalités sociales : elles progressent dans les domaines de l’éducation, la santé ou le logement et aucune politique volontaire n’est venue l’endiguer.
Ensuite, les biens communs que sont la santé, les transports, l’énergie et le vivant se sont vus récemment vendus au secteur privé. Après le gaz, l’électricité, les autoroutes, ce sont désormais les aéroports et la SNCF qui vont vers une privatisation totale ou partielle. Or, les acteurs privés n’ont ni la volonté ni la possibilité de garantir l’égal accès à ces ressources par une juste répartition des services et des politiques tarifaires justes. L’exemple des autoroutes montre que quand c’est le taux de rémunération des actionnaires qui prime, les usagers sont les premières victimes.
Pour ces deux grandes raisons, cet amendement prévoit de constitutionnaliser une définition du service public comme « l’ensemble des organismes destinés à satisfaire un besoin d’intérêt général et à la gestion des biens communs. » Cela s’accompagne de plusieurs garanties destinées à promouvoir une concrétisation réelle de cette définition, notamment l’impossibilité de privatiser ces services ou le maintien et la promotion du statut de fonctionnaire pour leurs agents. Il n’est pas tolérable que des contractuels moins bien formés et plus précaires remplacent des personnes recrutées sur des critères justes et stabilisés face à leur emploi.
Cet amendement contient aussi un certain nombre de principes comme la laïcité, la continuité et l’égalité d’accès. Ce dernier point en particulier devra faire l’objet d’une loi organique, qui se basera sur des indicateurs de distance maximale entre le domicile des citoyens et les services publics, en particulier de santé, et des limites de coût, pour concrétiser ce principe d’égalité.
Quand le service public recule, la République se dissout et les barons voleurs prospèrent. Il faut mettre un terme à cette insupportable dérive.
Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cet amendement.