Publié le 5 juillet 2018 par : M. Mélenchon, Mme Autain, M. Bernalicis, M. Coquerel, M. Corbière, Mme Fiat, M. Lachaud, M. Larive, Mme Obono, Mme Panot, M. Prud'homme, M. Quatennens, M. Ratenon, Mme Ressiguier, Mme Rubin, M. Ruffin, Mme Taurine.
Supprimer cet article.
Par cet amendement nous proposons de supprimer cet article 15 qui propose d’une part que la loi puisse donner à une collectivité territoriale particulière des compétences différentes de celles des autres et d’autre part qu’une collectivité puisse déroger à la loi ou à un règlement.
Cet article constitue un danger considérable dans la mesure où il rompt avec l’un des principes constitutifs de la République française, l’égalité des citoyens devant la loi, qui découle lui même d’un principe essentiel de l’humanisme des Lumières, l’universalité de la condition humaine. Malheureusement, à cette tragédie sur le plan théorique viennent s’ajouter des aberrations très concrètes, puisque dès lors, deux citoyens français, selon qu’ils habitent dans telle ou telle collectivité, n’auront pas les mêmes droits et ne seront donc plus égaux devant la loi.
Ainsi, la possibilité pour le législateur d’attribuer une compétence supplémentaire à une collectivité particulière constitue une rupture avec la conception française de l’organisation territoriale de la République, la jacobinisme. Contrairement à ce qu’affirment certains, par mauvaise foi ou par ignorance, le jacobinisme ne consiste pas à ce que “Paris décide pour toute la France”, puisque 561 des 577 députés sont élus dans une circonscription extérieure à la capitale (sans oublier l’autonomie des collectivités territoriales). La déconnexion entre les décisions prises et la réalité vécue provient donc de la nature présidentielle du régime et de l’origine sociale, de l’orientation idéologique et de l’incompétence des dirigeants successifs et non pas de la localisation géographique de l’Assemblée nationale. Mais au delà de cette rupture théorique, cette disposition va donner lieu à des situations ubuesques où les parlementaires procéderont à des marchandages au sein même des couloirs de l’Assemblée nationale afin d’obtenir tel ou tel avantage pour leur fief local.
Par ailleurs, la possibilité pour une collectivité de s’attribuer une compétence exorbitante des dispositions législatives et réglementaires constitue également un risque de voir apparaître un lobbying territorial où les parlementaires passeront plus de temps à satisfaire les revendications des élus locaux afin d’obtenir leur soutien aux prochaines élections plutôt qu’à s’occuper de voter des lois pour tous les citoyens français, contrôler l’action du gouvernement ou évaluer les politiques publiques. De plus, cela aboutira à une mise en concurrence des territoires ainsi qu’à une surenchère constante dans la demande de nouvelles compétences, et les élus locaux seront évalués non pas à l’aune de leur capacité à bien mettre en œuvre les compétences dont ils disposent mais dans leur capacité à en obtenir de nouvelles.
Ces dispositions constituent donc un recul majeur de plus de deux siècles en arrière ainsi qu’une rupture avec l’identité républicaine de notre pays puisqu’elles videront de son sens notre devise Liberté, Egalité, Fraternité. L’amour d’Emmanuel Macron pour l’Ancien régime et pour la mise en concurrence de chacun avec tous ne doit pas l’amener à détruire la République française. Il n’a pas été élu pour cela.
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