Publié le 5 juillet 2018 par : M. Mélenchon, Mme Taurine, M. Ruffin, Mme Rubin, Mme Ressiguier, M. Ratenon, M. Quatennens, M. Prud'homme, Mme Panot, Mme Obono, M. Larive, M. Lachaud, Mme Fiat, M. Corbière, M. Coquerel, M. Bernalicis, Mme Autain.
Supprimer les alinéas 4 et 5.
Par cet amendement nous proposons de supprimer la possibilité pour les collectivités territoriales ou leurs groupements de déroger aux lois ou aux règlements qui régissent l’exercice de leurs compétences.
Le gouvernement a annoncé qu’il ouvrirait un droit à l’expérimentation pour les collectivités qui souhaitent déroger aux lois et aux règlements qui régissent l’exercice de cette compétence. D’abord, nous nous opposons fermement à cette possibilité car elle constitue une rupture d’égalité des citoyens devant la loi. L’argument des spécificités géographiques qui justifieraient un traitement inégal, au demeurant fort contestable puisque ces spécificités peuvent tout à fait être appréhendées au sein de l’actuelle législation, n’a ici aucune valeur puisque cette disposition pourrait tout à fait aboutir à une situation juridique différentes entre deux petites collectivités limitrophes.
Comment imaginer qu’un citoyen français puisse perdre des droits ou en gagner s’il déménage d’un ou deux kilomètres en passant d’un département à un autre ? De plus, partant du principe qu’il s’agit là d’un droit à l’expérimentation, cela voudrait dire que cette inégalité n’aurait potentiellement pas vocation à durer dans le temps, ce qui ajoute encore une dose d’absurdité à la situation que vous nous laissez entrevoir.
Cependant, la présentation de cette disposition en amont du projet de loi n’a pas été tout à fait honnête dans la mesure où elle a été présentée comme un « droit à l’expérimentation » c’est-à-dire comme « un droit nouveau » pour donner une acception positive à la mesure en question. Or, lorsque l’on lit attentivement le dispositif de cet article 15, on voit que l’expérimentation n’est qu’une option, que la dérogation aux lois et règlements pourra « éventuellement [intervenir] après une expérimentation autorisée dans les mêmes conditions. ».
Ainsi, nous sommes bien à la veille d’un retour à l’Ancien régime, voire à l’époque féodale, où les petits seigneurs locaux pourront s’arroger des compétences exorbitantes des prérogatives pour lesquelles ils n’ont pas été élus. Naturellement, la proximité politique avec le gouvernement du moment sera toujours un gage d’obtention de compétences supplémentaire. Les élus seront donc non plus seulement jugés sur leur capacité à exercer correctement les compétences pour lesquelles ils ont été élus, mais également sur leur capacité à obtenir des compétences supplémentaires, ce qui donnera naturellement lieu à une surenchère permanente dans les revendications autonoimistes sur le territoire même de l’hexagone. Tout cela va donc aboutir à des collectivités territoriales hyper compétentes qui, d’ailleurs, ne seront pas nécessairement démocratiquement gérées, puisque le gouvernement entend développer la dynamique de métropolisation qui nie l’autonomie des collectivités, les principes démocratiques les plus élémentaires et éloigne plus encore les citoyens de la décision politique. De plus, si l’élu local est battu aux élections suivantes, notamment pour avoir obtenu des compétences qu’il n’arrive pas à gérer correctement, le nouvel élu devra soit gérer ces compétences alors même que sa collectivité n’est pas l’échelle institutionnelle pertinente, soit effectuer un retour en arrière qui ne pourra qu’accentuer le désordre institutionnel où plus personne ne saura qui est compétent pour tel ou tel dispositif.
En somme, il s’agit là d’un article de désordre, qui non seulement rompt avec les principes essentiels de l’organisation territoriale de la république ainsi qu’avec notre devise qui proclame l’égalité des citoyens, mais qui au-delà va contribuer à mettre en concurrence les territoires les uns contre les autres sans que cela se traduise par une amélioration de la gestion des collectivités territoriales.
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