Publié le 14 mai 2018 par : Mme De Temmerman, M. Thiébaut, Mme Ali, M. Gouttefarde.
Après l'article L. 226‑2 du code pénal, il est inséré un article L. 226-2-1 A ainsi rédigé :
« Art. 226-2-1-A – Sont exceptés des dispositions mentionnées aux articles L. 226‑1 et L. 226‑2 les enregistrements apportant la preuve d'un harcèlement moral ou sexuel. »
Nous vivons actuellement un mouvement d'ampleur de libération de la parole dans le cadre des harcèlements sexuels. Mais concernant le sujet du harcèlement moral dans le milieu professionnel, les victimes rencontrent parfois les mêmes difficultés à dénoncer ce qu'elles ont pu subir.
Afin de prouver les actes qu'elles ont endurés, les victimes sont dans l'obligation d'amener des preuves matérielles des faits. Or dans le cadre d'un harcèlement moral on sait que les preuves sont particulièrement difficiles à matérialiser, car la plupart des harceleurs s'avèrent stratèges dans leur manière d'amener lentement, insidieusement et graduellement les faits portant atteinte à l'état psychologique des victimes. Les rares bases matérielles sont souvent difficiles à mettre en relation lorsqu'elles sont sorties de leur contexte et détachées des violences verbales et non-verbales qui les accompagnent. Pour attester de ces faits les victimes doivent recueillir les témoignages de collègues qui peuvent eux-mêmes prendre peur. Dans la plupart des cas ces témoignages sont très difficiles à recueillir.
Aujourd'hui la plupart des victimes n'osent donc pas porter plainte ou déposer une requête auprès des prud'hommes ou des tribunaux administratifs en raison de leurs craintes de ne pas être crues. Elles se retrouvent donc face à un dilemme : ne pas dénoncer et se taire en se limitant au fait d'avoir été victime une fois, ou faire le choix de dénoncer au risque de ne pas réussir à prouver les faits et de se retrouver victime une deuxième fois par le classement de leur dossier.
Si notre volonté est réellement de lutter contre ce fléau qu'est le harcèlement moral, et si nous voulons libérer la parole, il faut pouvoir autoriser les victimes à déposer des éléments de preuve tels que les enregistrements audios, actuellement réputés « déloyaux » car obtenus sans consentement. Considérés comme non recevables, ils éclaireraient pourtant le dossier, qui n'est souvent jugé que sur une seule partie des faits matériels recueillis. Un tel enregistrement permettrait au juge ou à l'enquêteur d'entendre clairement les menaces, les humiliations, les brimades ou les aveux d'un isolement volontaire dans la structure professionnelle.
A contrario un enregistrement déloyal qui serait produit de manière abusive pourrait être puni par la justice.
Aujourd'hui les dépressions d'origines professionnelles en réaction à un harcèlement moral sont courantes, paradoxalement leurs dénonciations et les démarches judicaires sont proportionnellement faibles.
On ne peut pas combattre un délit sans pouvoir donner les moyens aux victimes de prouver les faits. C'est pourquoi dans l'ensemble des instances judiciaires devraient être recevables les enregistrements audios recueillis sans consentement comme preuve dans les cas particuliers du harcèlement moral.
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