Publié le 14 mai 2018 par : Mme Maud Petit.
Après le mot :
« mineurs, »
rédiger ainsi la fin de l'alinéa 4 :
« est imprescriptible. »
Le présent projet de loi propose de passer le délai de prescription des crimes sexuels de 20 à 30 ans à compter de la majorité. Un enfant victime pourrait donc porter plainte jusqu'à ses 48 ans.
Si cela constitue une avancée, ce n'est pas suffisant :
En Californie, suite à l'affaire Bill Cosby - où de nombreuses femmes victimes de l'acteur n'avaient pu recourir à la justice, en raison de la prescription - le gouverneur de Californie a ratifié en 2016 une loi supprimant la prescription pour les crimes sexuels et certaines agressions sexuelles aggravées.
En Angleterre et au Pays de Galle, le principe de la loi est l'imprescriptibilité.
Puisque cela est réalisable, qu'attendons-nous pour l'instituer en France. ?
L'un des arguments les plus fréquents qui s'y oppose, c'est le caractère exceptionnel de l'imprescriptibilité, réservé dans notre pays aux seuls crimes contre l'humanité.
Pourtant, il est indispensable que la législation française puisse adapter sa réponse à la mesure des crimes sexuels commis sur mineurs, qui ont une incidence tout au long de la vie.
Sur plusieurs points, ces crimes se différencient par :
- Leur nombre : En France, 7 millions de personnes sont victimes de crimes sexuels selon les enquêtes de victimation. Ainsi dans leur vie, 16 % des femmes françaises ont subi des viols et des tentatives de viols, et 5 % des hommes. (INED, 2008)
- Leur faible judiciarisation : Seules 10 % des victimes de viols portent plainte, et seuls 1 % de ces crimes font l'objet d'une condamnation. Ce sont les crimes et les délits qui ont le taux de plainte, d'élucidation et de condamnation les plus faibles. (Étude « Impact des violences sexuelles de l'enfance à l'âge adulte », 2015)
- La vulnérabilité des victimes : Les enquêtes montrent que les enfants sont les principales victimes des viols et des tentatives de viols : 59 % des femmes ayant subi des viols des tentatives de viols étaient mineures au moment des faits, ainsi que 67 % des hommes. (INED, 2008)
-La gravité des conséquences sur les victimes : L'OMS reconnait les violences sexuelles comme un problème de santé publique majeur. Les violences sexuelles ont un fort impact sur la santé des victimes, (santé mentale, physique, sexuelle et sur la qualité de vie.) Ainsi, avoir subi des violences sexuelles dans l'enfance peut déterminer la santé, même 50 ans après ( étude Felitti et Anda, 2010) et peut faire perdre jusqu'à 20 ans d'espérance de vie (étude Brown, 2009).
- L'amnésie traumatique : Ce phénomène traumatique lié à des mécanismes de sauvegarde neuro-biologiques est mis en place par le cerveau pour échapper au risque vital du stress intense produit par les violences. 59,3 % des victimes de violences sexuelles dans l'enfance ont des périodes d'amnésie totale ou parcellaire (Brière, 1993). Lorsque ces victimes recouvrent la mémoire, le délai de prescription est parfois dépassé depuis longtemps. Il est donc nécessaire que l'imprescriptibilité s'applique, afin que les victimes soient reconnues comme telles devant la justice.
Cet amendement vise donc à inscrire l'imprescriptibilité des crimes et infractions sexuelles commises sur des mineurs, ce qui exprimerait la volonté du législateur de protéger les plus vulnérables.
En 1959, la déclaration de droits de l'enfant indiquait : « L'humanité se doit de donner à l'enfant le meilleur d'elle-même ». Il est temps de s'y appliquer.
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