Confiance dans l'institution judiciaire — Texte n° 4146

Amendement N° 581 (Rejeté)

(1 amendement identique : 849 )

Publié le 14 mai 2021 par : M. Taché, Mme Bagarry, Mme Cariou, Mme Forteza, Mme Gaillot, M. Julien-Laferrière, M. François-Michel Lambert.

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Texte de loi N° 4146

Après l'article 8 (consulter les débats)

L’article 689‑11 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Art. 689‑11. – Hors les cas prévus au sous-titre Ier du titre Ier du livre IV pour l’application de la convention portant statut de la Cour pénale internationale, ouverte à la signature à Rome le 18 juillet 1998, peut être poursuivie et jugée par les juridictions françaises, si elle se trouve en France, toute personne soupçonnée d’avoir commis à l’étranger l’une des infractions suivantes :

« 1° Le crime de génocide défini au chapitre Ier du sous-titre Ier du titre Ier du livre II du code pénal ;

« 2° Les autres crimes contre l’humanité définis au chapitre II du même sous-titre Ier ;

« 3° Les crimes et les délits de guerre définis aux articles 461‑1 à 461‑31 du même code.
« Lorsque, en application de l’article 40‑3 du présent code, le procureur général près la cour d’appel de Paris est saisi d’un recours contre une décision de classement sans suite prise par le procureur de la République antiterroriste, il entend la personne qui a dénoncé les faits si celle-ci en fait la demande. S’il estime le recours infondé, il en informe l’intéressé par une décision écrite motivée. »

Exposé sommaire :

Cet amendement a pour objet de modifier l’article 689-11 du code de procédure pénale qui élargit la compétence territoriale des tribunaux français et permet ainsi la poursuite et le jugement des auteurs de génocide, crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis à l’étranger.
Ce mécanisme de compétence extraterritoriale, fondamental dans la lutte contre l’impunité, a cependant été vidé de sa substance par la mise en place de plusieurs conditions cumulatives excessivement restrictives. Ces conditions constituent autant de verrous qui rendent pratiquement impossible la mise en œuvre de cette disposition.
Si la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a permis d’obtenir de timides avancées en permettant de supprimer l’inversion du principe de complémentarité entre les juridictions nationales et la Cour pénale internationale et de supprimer la double incrimination pour le génocide, il reste cependant des verrous majeurs à l’application du mécanisme de compétence extraterritoriale.
Ainsi, la condition de résidence habituelle sur le territoire français constitue toujours une limitation par rapport aux autres dispositions du code de procédure pénale relatives à la compétence des tribunaux français en matière de répression des crimes internationaux, alors que pour tous les autres crimes internationaux sa simple présence suffit (voir art. 689-1 à 689-10 du CPP). La nécessité de prouver la « résidence habituelle » en France d’un suspect mettra à l’abri des poursuites tous les auteurs et complices de génocide, crimes contre l’humanité, crimes de guerre qui éviteront d’installer en France le centre de leurs attaches professionnelles et familiales et se contenteront d’y effectuer des séjours plus ou moins longs, en toute impunité. Elle va par ailleurs plus loin que les exigences de plusieurs traités internationaux organisant la répression des crimes internationaux comme la Convention contre la torture de la Convention sur les disparitions forcées créant ainsi une rupture du principe d’égalité entre les victimes.
Par ailleurs, si la condition de double incrimination a été supprimée pour le génocide, ce n’est pas le cas pour les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre. Or, cette condition de double incrimination n’est jamais invoquée dans le cadre du mandat d’arrêt européen pour les infractions les plus graves (terrorisme, trafic d’armes et traite des êtres humains, par exemple). De plus, cette condition n’est exigée dans aucune autre des dispositions relatives à la compétence extraterritoriale des tribunaux français. De plus, cette condition manifeste également un recul de notre droit pénal qui n’exige la double incrimination que pour les simples délits (article 113-6) et non pour les crimes. Par définition, les crimes internationaux constituent la violation de valeurs universelles reconnues par la communauté internationale. Instaurer la condition de double incrimination reviendrait à remettre en cause cette universalité et conduirait à conférer l’immunité, par exemple, aux auteurs de génocide si le génocide n’était pas pénalement incriminé dans leur propre pays (cas de la Syrie).
Enfin, la suppression du monopole des poursuites au parquet est nécessaire afin de permettre aux victimes des crimes relevant du statut de la CPI de se constituer partie civile. Cette disposition a été dénoncée dans son avis par la Commission nationale consultative des droits de l’homme, qui y voyait « une atteinte grave aux droits des victimes à un recours effectif » et une anomalie au regard des efforts de la France qui « s’est activement engagée à la reconnaissance des droits des victimes tout au long des négociations pour l’établissement de la CPI » (avis du 15 mai 2003). Il est incohérent de ne pas donner aux victimes des crimes les plus graves le même accès au juge pénal que les victimes d’actes de torture par exemple ou encore de droit commun. Le monopole du parquet apparait d’autant plus inutile qu’il est contournable par les victimes qui peuvent demander l’ouverture d’une instruction pour torture, quitte à requérir ultérieurement une requalification en crimes contre l’humanité. Il s’agit d’une atteinte au principe d’égalité non justifiée par les « raisons d’intérêt général » qu’exige la jurisprudence constitutionnelle.
Le présent amendement vise donc à supprimer ces trois derniers verrous afin que le juge français puisse enfin exercer pleinement sa compétence extraterritoriale.

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