Publié le 6 juin 2018 par : M. Corbière, Mme Autain, M. Bernalicis, M. Coquerel, Mme Fiat, M. Lachaud, M. Larive, M. Mélenchon, Mme Obono, Mme Panot, M. Prud'homme, M. Quatennens, M. Ratenon, Mme Ressiguier, Mme Rubin, M. Ruffin, Mme Taurine.
Titre XX : De nouveaux droits pour les journalistes afin de lutter efficacement contre les fausses informations
Article XX.
I. – Après l'article 6 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, il est inséré un article 6bis ainsi rédigé :
« Art. 6 bis. – I. – Toute entité juridique employant des journalistes professionnels au sens de l'article L. 7111‑3 du code du travail, produisant ou diffusant de l'information peut, à l'initiative d'un seul journaliste, constituer un conseil de rédaction.
« Dans l'hypothèse où l'entité juridique comporte plusieurs titres, il peut être constitué un conseil de rédaction par titre.
« Le conseil de rédaction est composé de tous les journalistes professionnels qui contribuent à la production de contenus journalistiques pour celui-ci, quel que soit le support et la technique utilisés.
« Le conseil de rédaction est doté de la personnalité juridique.
« Le conseil de rédaction élabore un règlement intérieur qui détermine le nombre de ses représentants, leur fonction, la durée de leur mandat et leurs prérogatives. »
« II. – Le Conseil de rédaction :
« - s'assure au quotidien que tous les journalistes de l'entreprise de presse concernée peuvent exercer leur travail en toute indépendance des pouvoirs publics, des pouvoirs économiques, notamment ceux qui constituent l'actionnariat du média auquel ils contribuent ;
« - s'assure que les journalistes qui en sont membres sont à l'abri des pressions ou tentatives de pressions au but d'altérer la pratique indépendante de leur mission d'informer ;
« - s'assure que les journalistes qui en sont membres ne se trouvent pas en situation de conflit d'intérêt ;
« - est consulté sur la désignation, la démission du directeur et de ses adjoints, lorsqu'elle advient du fait du propriétaire du titre ;
« - formule des avis préalables sur l'élaboration et la modification de l'organisation de la rédaction ;
« - assure, de manière indépendante de l'actionnaire et de la régie commerciale, la ligne éditoriale du média qui a été définie au préalable avec les cadres de direction représentant des actionnaires ;
« - se prononce sur la conformité des écrits ou des images publicitaires avec l'orientation éditoriale du titre ;
« - reçoit annuellement des informations sur le montant des aides à la presse touchées par l'entité juridique mentionnée au I, et s'assure de leur utilisation au bénéfice de la qualité de l'information et du pluralisme ;
« Le Conseil de rédaction est également informé et consulté :
« - lors de mouvements capitalistiques importants représentant plus de 5 % du capital de l'entité juridique visée au premier article ;
« - avant le dépôt au greffe d'une demande d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ;
« - lors d'une procédure de sauvegarde, lors d'une procédure de redressement judiciaire et lors d'une procédure de liquidation judiciaire.
« Lorsque le conseil de rédaction a connaissance de faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l'entité juridique mentionnée au I, il peut demander que lui soit fournies des pièces comptables ainsi que des explications, sans pour autant se substituer aux prérogatives des autres instances représentatives existantes au sein de l'entité juridique.
« Les conditions d'exercice de ce droit à information seront fixées par décret.
« Le conseil de rédaction ne se substitue pas à la direction de la rédaction.
« En cas de disparition de l'entité juridique mentionnée au I, le conseil de rédaction conserve sa personnalité juridique pendant douze mois.
« III. – Le conseil de rédaction peut ester en justice pour assurer la défense et le bon déroulement de toutes ses missions mentionnées au II de la présente loi. »
II. – L'article L. 2328‑1 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le fait d'entraver la constitution ou le fonctionnement régulier d'un conseil de rédaction est puni des mêmes peines, assorties d'une suspension partielle ou totale des aides publiques directes et indirectes dont bénéficie l'entité ainsi que l'obligation pour celle-ci de publier les sanctions judiciaires dont elle pourrait faire l'objet au titre de ses manquements. »
Par cet amendement, nous proposons de renforcer les protections statutaires des journalistes à travers la reconnaissance juridique des conseils de rédaction, ce afin de garantir l'élaboration d'une information de qualité seule à même de lutter contre les fausses informations.
A cet effet, nous nous inscrivons dans une lignée transpartisane, puisque ces dispositions sont tirées des propositions de loi de la sénatrice UDI Mme Nathalie Goulet déposée en 2014 sur ce sujet (https ://www.senat.fr/leg/ppl13‑813.html) , ainsi que de celle proposée en 2010 par le député PS M. Patrick Bloche (http ://www.assemblee-nationale.fr/13/propositions/pion2255.asp), elles-même inspirées directement des travaux du Syndicat national des journalistes (SNJ).
En effet, conférer un statut juridique aux rédactions (consacrer la reconnaissance juridique de l'équipe rédactionnelle) permet de protéger les journalistes de pressions qu'ils pourraient subir en leur donnant la possibilité de réagir sur le terrain du droit. L'existence même d'un statut protecteur deviendra ipso facto un frein à d'éventuelles tentatives de pression.
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