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Monsieur le président, madame la ministre des solidarités et de la santé, mes chers collègues, le groupe La France insoumise vous propose une loi qui vise à légaliser, sous conditions, l'euthanasie et le suicide assisté. Afin de prévenir les amalgames et les confusions, je tiens d'emblée à préciser que les besoins et les attentes auxquels ce texte entend apporter une réponse ne sont pas du tout de même nature que ceux que la loi dite « Claeys-Leonetti » et la politique de développement des soins palliatifs visent à satisfaire. Je suis en effet de ceux qui refusent d'inscrire dans des logiques contradict...
Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, chers collègues, dans notre pays, la France, où les droits de l'homme ont été proclamés le 26 août 1789, la légalisation de l'euthanasie et du suicide assisté, si nous le décidions, pourraient représenter, je le crois, 229 ans plus tard, une nouvelle étape de l'émancipation humaine, un nouveau droit pour chaque citoyen. Nous pourrions, si nous en décidions, forger le nouveau maillon d'une longue chaîne d'émancipation qui n'est pas achevée. C'est cela que nous vous proposons et dont nous voulons débattre. Un long fil symbolique relie les grands...
Peut-être voudrais-je, au contraire, bénéficier du droit de décider moi-même. Je le répète, c'est d'abord une grande loi de liberté que nous vous proposons. Je le rappelle au pied de cette belle oeuvre qui représente l'École d'Athènes – temple idéal rassemblant tant de philosophes mais où il manque Sénèque – , pour les stoïciens de l'Antiquité, la possibilité du suicide est l'argument ultime qui permet de savoir si l'on est libre, puisqu'on doit toujours garder la liberté de se soustraire aux situations contre lesquelles on ne peut rien. Comme le disait Sénèque : « Méditer la mort, c'est méditer la liberté ; celui qui sait mourir, ne sait plus être esclave. »
...dans la société. Jamais l'abrègement de vies ne saurait constituer une réponse acceptable face au manque de moyens. La mort n'est pas une thérapeutique. Pourtant, des femmes et des hommes, avant même d'être confrontés à la douleur et avant même d'être entrés dans cette phase de fin de vie, manifestent la volonté d'en finir avec la vie et demandent qu'on leur accorde le droit à mourir. Devant le suicide, notre société a évolué. Elle en a fini avec l'opprobre et la condamnation, adoptant une attitude fraternelle qui consiste à ne pas se résoudre à la mort provoquée, à en dissuader si elle le peut. Car vivre est parfois difficile, douloureux. Il faut en affronter, des tempêtes – cent fois tomber et se relever. La question est de savoir si l'on pourrait, dans certaines conditions, imaginer que l'o...
...n tiers des malades qui le devraient peuvent, dans les faits, en bénéficier. D'autres dispositifs précédemment votés sont eux aussi insuffisamment développés. Même amélioré, notre arsenal est-il suffisant ? Apparemment non, d'après un grand nombre de nos collègues ici présents ou d'après des sondages d'opinion qui montrent que 89 % des Français aspirent à une légalisation de l'euthanasie etou du suicide assisté. Il n'y a dans l'esprit de nos concitoyens aucune opposition entre le déploiement de l'aide active à mourir et le renforcement d'un accès généralisé aux soins palliatifs. C'est d'ailleurs chez les malades en soins palliatifs que se pose la question du choix entre euthanasie et agonie. Comme l'exprime Anne Bert, dans de telles circonstances, il ne s'agit pas de donner la mort – c'est la m...
...ition de loi ? L'article 1er dispose : « Toute personne [… ] atteinte d'une affection grave ou incurable, quelle qu'en soit la cause, lui infligeant une souffrance physique ou psychique qu'elle juge insupportable et qui ne peut être apaisée, ou la plaçant dans un état de dépendance qu'elle estime incompatible avec sa dignité, peut demander [… ] à bénéficier d'une euthanasie ou d'une assistance au suicide. » Autrement dit, le fait que la souffrance soit issue d'une maladie et que le pronostic vital soit engagé ne sont plus des conditions nécessaires. La France est donc sommée d'adopter le modèle belge, érigé curieusement en référence, à l'heure où d'importantes dérives se font jour. La loi belge n'exige en effet pas que la personne soit en phase terminale d'une maladie grave et incurable, objecti...
Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, le groupe La France insoumise, avec cette proposition de loi, entend légaliser l'euthanasie et le suicide assisté. Si la question était de savoir si, à titre personnel, je suis favorable à l'euthanasie ou au suicide assisté, je répondrais probablement oui, comme un grand nombre de Français lorsqu'on leur pose cette question, parce que, comme la plupart d'entre nous, je ne veux pas imaginer une mort ou une existence avec des souffrances physiques ou psychologiques insupportables. Mais la question n'...
... de l'exprimer ou a laissé des directives claires en ce sens et lorsqu'il n'y a plus d'espoir de rémission. J'émets d'ailleurs à ce titre une réserve concernant la proposition de loi que vous défendez, madame la rapporteure. Vous évoquez à l'article 1er la possibilité donnée au patient atteint d'une « affection grave ou incurable » de demander à bénéficier d'une euthanasie ou d'une assistance au suicide. Ce faisant, vous élargissez grandement le champ d'application et ouvrez la porte à de possibles dérives : comment définir en effet le champ des maladies graves permettant de bénéficier d'une euthanasie ? Monsieur Touraine le faisait justement remarquer, en commission des affaires sociales et ce soir encore : un cancer est une maladie grave dont il est heureusement possible de guérir. Il s'agit l...
...t bien vivre. La possibilité de recevoir, mais aussi de refuser des soins palliatifs, c'est la possibilité d'un exercice complet par le malade de ses droits et de sa liberté de choisir. Lier euthanasie et soins palliatifs, c'est aussi évacuer l'argument consistant à réduire l'euthanasie à un contournement des soins palliatifs. Par ailleurs, la nécessité de légiférer en matière d'euthanasie et de suicide assisté doit également être examinée au regard des pratiques existant dans notre pays. D'après une étude de l'Institut national d'études démographiques – l'INED – de 2012, entre 2 000 et 4 000 personnes en phase terminale reçoivent une aide active à mourir chaque année en France. Vous indiquez, madame la rapporteure, que « Jean-Luc Romero a rappelé, lors de son audition, qu'on estime aujourd'hui ...
Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, le débat sur une proposition de loi visant à légaliser l'euthanasie et l'assistance au suicide pour les personnes atteintes de maladies graves ou incurables nous oblige, en tant que législateurs, à nous interroger sur la nécessité de légiférer et sur les contours et les conséquences d'un tel texte. L'offre proposée par notre système de santé en matière de soins palliatifs a considérablement évolué au cours des dernières années. L'objectif des soins palliatifs est de soulager les douleurs ...
...adé que nous souhaitons tous un débat apaisé et serein, qui respecte chaque parcours ; je crois que c'est le cas ce soir. Le sujet fait aussi appel à nos convictions et à notre manière de concevoir la vie en société et la vie de chaque personne. Le débat de ce soir permet à nos collègues de La France insoumise d'afficher avec clarté leur objectif de voir notre pays reconnaître l'euthanasie et le suicide assisté. À l'image de Mme la rapporteure, Caroline Fiat, ils défendent leurs convictions avec détermination et cohérence. C'est avec la même détermination et la même cohérence que ceux qui, comme moi, sont opposés à l'euthanasie et au suicide assisté interviennent dans ce débat pour exprimer et motiver leur opposition. Nous aimerions d'ailleurs que la majorité parlementaire fasse preuve de la mê...
...– est-ce pour soi ou pour ses proches – et de quelle façon ? Toutes ces questions doivent être débattues si nous voulons parvenir à un texte apaisé et consensuel. S'il est un sujet présentant une dimension profondément humaniste susceptible de faire consensus dans notre République, c'est bien celui-là. Une société éclairée peut-elle accepter de prendre le risque d'une forme de marchandisation du suicide ? La sédation profonde et continue est-elle une réponse satisfaisante à toutes les situations de grande souffrance ? La loi qui l'autorise, finalement très récente, est-elle suffisamment connue ? A-t-elle fait l'objet d'une évaluation sérieuse ? N'ignorons pas non plus les malades souffrant d'une maladie incurable à un stade avancé, bloqués dans une sorte d'impasse thérapeutique et parfois contra...
Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, l'objet de la proposition de loi qui nous réunit ce soir est grave. Vous nous proposez, chers collègues du groupe de La France insoumise, de légiférer sur la vie et la mort. Légaliser l'euthanasie et le suicide assisté soulève une question de société essentielle, qui a concerné, concerne ou concernera chacun d'entre nous et ressortit à notre conception même de la liberté – en l'espèce, celle de mourir dans la dignité et d'abréger nos souffrances physiques et psychiques ou celles d'un membre de notre entourage. Le sujet mérite d'être examiné, car la législation actuelle ne permet pas de traiter de nombr...
... favorable sur de nombreux amendements reprenant certaines dispositions de la proposition de loi, présentée par plusieurs membres du groupe Les Républicains, visant à faire des soins palliatifs une grande cause nationale. S'agissant de l'euthanasie arbitraire résultant de l'abandon de critères de recevabilité, je note que la loi luxembourgeoise du 16 mars 2009 sur l'euthanasie et l'assistance au suicide ne comporte pas le terme « incurable ». Pour autant, le nombre d'euthanasies et de suicides assistés n'a pas explosé au Luxembourg ; au contraire, il se maintient à une proportion stable et marginale de 0,2 % du nombre total de décès. Quant à l'argument selon lequel il est nécessaire d'attendre la publication de divers rapports et les conclusions des états généraux, je constate qu'il est avancé ...
Monsieur le président, madame le ministre, madame le rapporteur, mes chers collègues, après quelques mois passés à écouter dans cet hémicycle nos collègues de La France insoumise défendre « une autre vision de la société », j'ai été surpris de les voir défendre une proposition de loi destinée à légaliser l'euthanasie et le suicide assisté. Comprenez mon étonnement : alors même que je vous croyais encore attachés à l'idée que tout, dans une société, ne pouvait être contrôlé par le marché, mesuré par l'utilité sociale et trié en fonction de la rentabilité économique, je découvre cette proposition de loi. Je la respecte, mais elle bat en brèche cette vision des choses. Qu'elle est loin, l'époque où l'idée du don et du contr...
Chers collègues, je suis député du Nord et je regarde souvent la Belgique, qui nous offre parfois de tristes exemples ; c'est notamment le cas de sa politique d'euthanasie et de suicide assisté, mise en place il y maintenant plusieurs années. Il se trouve que l'arsenal législatif que vous souhaitez voir adopté par notre assemblée est relativement similaire à celui de notre voisine. Or le bilan de cette politique est certes bon, voire excellent économiquement, mais il est éthiquement et sociétalement catastrophique. À titre d'exemple, j'aimerais vous faire part de l'histoire de...
... notamment révélé que 27 % des euthanasies pratiquées en Flandre et 42 % de celles réalisées en Wallonie sont pratiquées sans aucune déclaration aux autorités. Cette même étude précise que, souvent, un second médecin n'est pas même consulté pour autoriser la pratique de l'euthanasie, quand bien même cela est normalement obligatoire selon la loi belge. L'ouverture de ce droit à l'euthanasie et au suicide assisté ouvre une véritable boîte de Pandore. On commence par proposer le strict minimum, mais peu à peu on prend des mesures toujours plus difficiles à encadrer, avec des conséquences toujours plus importantes – et bien plus graves que les auteurs de ces propositions ne l'imaginent eux-mêmes. C'est exactement ce qui s'est produit en Belgique : alors que la loi sur l'euthanasie et le suicide assi...
... respectable. La représentation nationale a déjà adopté la loi Leonetti II qui, pourtant, ouvrait une première brèche. En effet, la sédation profonde servait non plus à soulager les patients dans la douleur, mais à donner la mort. Il s'agissait d'une euthanasie déguisée, et la loi ne prévoyait aucune clause de conscience pour les médecins. C'est cette loi qui nous amène aujourd'hui à débattre du suicide assisté. Il faut du courage pour refuser ces dérives ; il faut des législateurs mobilisés pour défendre un message de vie, pour proclamer la dignité des personnes, quels que soient leur situation et leur âge. Je ne vois pas en quoi il est digne d'abandonner une personne en la poussant vers une demande d'euthanasie. La dignité de l'homme, c'est avant tout s'occuper des plus faibles d'entre nous,...
... de rejet préalable car ce texte est non seulement inopportun mais probablement dangereux pour notre société, pour la vision de l'homme qu'il défend. Nous ne devons pas faire l'économie de toutes les solutions d'accompagnement que j'ai évoquées. Oui, il y a des choses à faire pour aider les plus fragiles d'entre nous à franchir le plus paisiblement possible l'étape de la mort. L'euthanasie et le suicide assisté ne sont pas des solutions, sauf si votre vision de la société se résume à des contingences économiques. « Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu'elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde se défasse », disait Albert Camus. Pour que le monde des hommes ne se défasse pas au prof...
...poser nos pauvres raisonnements à l'énigme absolue et constante de l'identité humaine, qui veut qu'un jour la vie s'arrête. En réponse à cette détermination, se présentent tous les principes philosophiques dont nous nous réclamons les uns et les autres. Je regrette que l'auteur de la motion de rejet préalable se soit senti obligé de faire une telle caricature. Ceux qui parlent d'euthanasie ou de suicide assisté n'ont naturellement jamais souhaité imposer une telle option à qui que ce soit. Au demeurant, la liberté individuelle s'est toujours présentée comme un refus de la nature. Pour refuser aux femmes le droit de disposer de leur corps, on arguait soit de la nature soit de ce que leurs enfants appartenaient aussi à leur époux ou à leur famille, jusqu'à ce que s'impose l'idée qu'elles s'appart...