Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, pour nous, le destin de l'Europe, notre destin, est une affaire non pas de symboles, mais de contenu. Le problème n'est pas tant de savoir où planter un drapeau, mais ce qu'il dit, ce qu'il représente. Quel sens symbolique et politique revêt-il pour les peuples européens ?
Nous croyons dans la force des symboles dès lors que ceux-ci portent une réalité commune, comme c'est le cas pour notre hymne, la Marseillaise, notre effigie, Marianne, et notre devise, « liberté, égalité, fraternité », qui nous rappelle constamment que sans égalité ni fraternité, il n'y a pas de liberté généralisée. Ces symboles, auxquels on peut ajouter le drapeau tricolore, placent notre régime républicain dans le sillon de la Révolution de 1789.
Nous, députés communistes, assumons pleinement cet héritage politique et sommes fiers de ces symboles, qui sont la métaphore de notre identité commune dans la ligne des idéaux révolutionnaires, et de notre projet politique fondé sur la République et la démocratie.
L'identité et le projet politique : voilà ce que les symboles sous-tendent. Et voilà le véritable débat qui s'ouvre. Nous nous sentons européens et nous n'avons pas de leçon d'Europe à recevoir, surtout lorsque celle-ci a la faiblesse de vouloir s'enseigner à partir d'un drapeau.
Nous sommes les enfants d'une famille politique qui s'est opposée aux deux guerres mondiales qui ont saigné à blanc les peuples et les nations du continent pendant que les barons de l'argent prospéraient. Nous sommes d'une famille qui n'a cessé de construire des ponts entre les cultures, les savoirs, les peuples et les nations, une famille qui considère qu'en raison de son histoire, de sa culture, de ses valeurs, mais aussi de l'intérêt de ses populations, l'Europe sera sociale ou ne sera pas. Nous sommes d'une famille qui considère que l'idée d'Europe doit et devra perdurer, mais pas sous le joug des intérêts privés.
Le problème de l'Europe porte donc bien sur son projet politique. Pour emprunter cette formule à un célèbre dialogue prémonitoire de Michel Audiard, déclamé ici même, à cette tribune : « Je ne vous demanderai pas d'oublier ce que vous êtes, en repoussant cette Europe des maîtres de forges et des compagnies pétrolières, cette Europe de la fortune contre celle du travail, de l'industrie lourde contre celle de la paix. Je me contenterai de vous exposer en quoi le cap que vous suivez se situe à contre-courant de l'intérêt des populations. » Vous avez reconnu le texte déclamé par Jean Gabin dans Le Président.
Des siècles d'une histoire mouvementée, souvent dramatique, quelquefois exaltante, ont forgé des nations à partir de la volonté des peuples présents sur ce même continent. Tous se sont sentis européens et tous ont exprimé une pensée européenne. Pourtant, et malgré de nombreuses tentatives funestes, ce ne sont ni les rois ni les empereurs qui sont parvenus à jeter les bases d'une Europe politique. Ce sont les peuples.
L'Europe est démocratique. Tous ses États sont démocratiques, parce que ses nations ont conquis la démocratie. Le drapeau de l'Union symbolise donc à la fois l'identité européenne, que nous embrassons, et son projet politique, c'est-à-dire celui d'une Europe néolibérale et technocratique qui s'apparente plus à une « Union des marchés européens » qu'à une union des peuples.
Cette Europe des marchés, nous la rejetons. C'est une Europe dont les peuples se sont détachés parce qu'elle s'est détachée d'eux. Pourtant, que l'idée d'Europe est belle ! Cette position, notre position, s'est déjà exprimée avec force lors du référendum de 2005 sur la Constitution européenne, un texte qui consacrait ces fameux symboles de l'Union en leur donnant un sens que le peuple français a rejeté.