Le projet de loi qui nous anime aujourd'hui, et pour encore quelques jours, a une histoire. La loi se devait d'être belle, de réconcilier les Français avec leurs représentants et avec une certaine idée de la politique, et de combler les aspirations légitimes des Français en matière sociale, environnementale et démocratique. Le chemin fut pourtant semé d'embûches : né dans le tumulte de la crise des gilets jaunes, ce texte est l'aboutissement d'un processus démocratique certes innovant, mais inabouti, allant du grand débat national à la restitution des propositions de la Convention citoyenne pour le climat – composée de 150 citoyens tirés au sort – jusqu'à ce texte. Inabouti, car les cahiers de doléances du grand débat national n'ont jamais été restitués, empêchant la représentation nationale de connaître dans le détail les volontés des citoyens. Inabouti encore, car le Gouvernement avait annoncé reprendre 146 des 149 propositions de la Convention citoyenne, pour finalement proposer un projet de loi timoré, en s'octroyant bien plus que les trois jokers annoncés initialement. Inabouti enfin, car si le grand débat national et le passage par la démocratie délibérative devaient constituer les fondements d'un débat démocratique d'ampleur, l'aboutissement au Parlement n'est pas à la hauteur, puisqu'il a été fait le choix du temps législatif programmé pour l'examen du texte.
Retour au peuple, sans lui donner sa pleine souveraineté ; propositions citoyennes laissées de côté ; promesses parfois oubliées. Les 150 citoyens tirés au sort ne se sont pas trompés en octroyant la note de 2,5 sur 10 seulement au projet de loi présenté par le Gouvernement. Les Français ne s'y trompent pas non plus : ils se sont mobilisés massivement partout en France ce dimanche pour rappeler au Gouvernement que le cap vers la transition écologique doit être plus que jamais tenu. L'ambition initiale est connue : réduire de 40 % les émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2030, par rapport à 1990. Ce texte s'en donne-t-il les moyens ?
Si ce texte a une histoire, il se doit surtout de faire l'histoire, comme la France a su le faire en 2015 avec la COP21 et les accords de Paris, qui ont marqué un pas important à l'échelle mondiale en faveur de la lutte contre le réchauffement climatique. Cette histoire ne pourra s'écrire que si ce texte se donne pleinement les moyens d'atteindre les objectifs fixés, et surtout, s'il s'attache à lier impératif climatique et justice sociale, tout en tenant compte des réalités, potentialités et fragilités des territoires et des secteurs d'activité concernés. Pour faire entrer effectivement l'écologie dans la vie des Français, il conviendra de n'en laisser aucun de côté ; sur le long et sinueux chemin vers la transition énergétique et écologique, nous devons les embarquer tous, sans exception. Ce sera le fil rouge des propositions du groupe Socialistes et apparenté sur ce texte : moins de carbone et plus de justice. Nous insisterons sur le volet social.
Ces sujets, nous les défendons de longue date : je pense notamment à la transition énergétique ou encore à la rénovation énergétique des logements. Trop souvent, le Gouvernement et sa majorité ont fait fi de nos propositions sociales et écologiques ; je pense entre autres à la proposition de loi visant à créer une prime pour le climat et à lancer un grand plan de rénovation de logements pour atteindre la neutralité carbone en 2050, qui a été rejetée par cette même assemblée. Ces propositions, nous les formulons également partout sur le territoire : nos élus locaux développent les mobilités vertes et font de la cantine un outil de lutte contre la précarité alimentaire et un lieu de traduction de nos choix politiques pour l'environnement.
Si tout cela est possible à l'échelle locale, nous proposons de poursuivre sur cette voie à l'échelle de la nation. Les Français ne veulent pas d'une écologie à coups de symboles et de sanctions, mais attendent de leurs représentants des choix politiques forts et audacieux, tenant compte des réalités sociales et territoriales. Il y a pourtant fort à craindre que les dispositions prévues dans ce texte relèvent davantage du symbole que de l'audace, les avis très critiques rendus sur le projet de loi par le Conseil d'État, le Conseil économique, social et environnemental ou encore le Haut Conseil pour le climat n'étant pas de nature à dissiper les inquiétudes sur l'utilité du texte tel qu'il nous est présenté.
Les députés du groupe Socialistes et apparentés proposeront de rehausser les ambitions du projet de loi, pour tenir effectivement les engagements pris en matière de neutralité carbone ; nous n'éluderons aucun sujet. Madame la ministre, vous avez appelé à « faire sortir l'écologie des clivages » ; vous avez dit que vous n'accepteriez aucune baisse d'ambition dans l'examen parlementaire. Nous vous prendrons au mot. Si vous souhaitez réellement emmener tous les Français, cela passera par l'écoute attentive des propositions issues de l'ensemble de l'hémicycle, sans tabous ni préjugés. Il est indispensable que toutes les mesures contenues dans le projet de loi, au moment de son adoption définitive, soient empreintes de justice sociale, car tous les territoires, tous les acteurs et tous les citoyens ne sont pas égaux face aux conséquences des solutions proposées. Les Français jugeront de l'esprit de responsabilité du Gouvernement et de l'honneur du Parlement ; ils apprécieront si nous avons été collectivement capables de construire une loi efficace et juste pour les générations futures et notre commune humanité.