Le texte que je vous présente est donc issu d'un travail constructif, qui a permis de forger un dispositif équilibré, à la fois ambitieux et réaliste. Celui-ci nous permet de répondre à la condamnation de la Cour européenne des droits de l'homme – prononcée sur le fondement de l'article 13 de la convention – , en créant une voie de recours spécifique permettant à toutes les personnes détenues, qu'elles soient prévenues ou condamnées, de saisir le juge judiciaire de conditions de détention qui seraient contraires au respect de la dignité.
Pour cette nouvelle voie de recours, la proposition de loi prévoit une procédure précise, qui s'organise en trois grandes étapes. Première étape : le dépôt d'une requête et la décision du juge sur sa recevabilité. Deuxième étape : lorsque la requête est recevable, le juge fait procéder à des vérifications et recueille les observations de l'administration pénitentiaire ; au vu de ces éléments, il se prononce sur le bien-fondé de la requête et, le cas échéant, fait connaître à l'administration pénitentiaire les conditions de détention qu'il considère indignes, en lui fixant un délai pour y mettre fin. La troisième et dernière étape n'est qu'éventuelle : si l'administration pénitentiaire ne parvient pas à résoudre le problème dans le délai imparti, le juge prend alors lui-même une décision pour remédier à la situation et mettre fin aux conditions indignes de détention ; il peut s'agir, selon les circonstances, d'un transfèrement, d'une mise en liberté ou d'un aménagement de peine.
Il est bien sûr précisé que la décision du juge peut faire l'objet d'un appel soit devant le président de la chambre de l'instruction, soit devant le président de la chambre de l'application des peines. Les sénateurs ont ajouté, avec beaucoup de pertinence, que cet appel peut aussi concerner la décision de recevabilité de la requête. Nous avons quant à nous précisé les délais applicables à chaque étape. Ceux-ci tiennent compte à la fois de l'urgence de la situation et du temps nécessaire pour trouver des solutions pragmatiques permettant d'améliorer les conditions de détention visées par la requête. Les délais jouant un rôle essentiel, nous avons choisi de les indiquer dans le corps du dispositif, qui a ainsi gagné en lisibilité, ce qui est particulièrement important s'agissant d'une voie de recours. En effet, le dispositif doit être clair et accessible à tous.
En conclusion, je tiens à rappeler que ce texte n'a en aucun cas vocation à devenir un outil de régulation carcérale ; il n'en a ni l'ambition ni la capacité. Il ne pourra pas résoudre à lui seul le problème de la surpopulation carcérale dans notre pays, et il est évident que nous devons poursuivre nos efforts dans ce domaine. Nous vous savons, monsieur le garde des sceaux, entièrement dévoué à la tâche, qu'il s'agisse de l'appropriation par les juges des mesures alternatives à la détention adoptées dans cet hémicycle sous différentes législatures ou de la construction et de la rénovation de places de prison. Sans votre action, que nous savons déterminée sur ces sujets, cette loi ne pourra pas à elle seule améliorer les conditions de détention dans notre pays.
Mes chers collègues, je vous remercie pour la qualité du travail que nous avons mené ensemble : la présidente de la commission des lois, les députés de la majorité comme de l'opposition ont travaillé de concert pour le bien commun. Je vous remercie également, monsieur le ministre, pour votre approche constructive du sujet.