Bien sûr, la proposition de loi dont nous discutons cet après-midi une dernière fois ne résoudra pas, du moins pas à elle seule, la question de la surpopulation carcérale. Mais il est de notre devoir d'affirmer que ce texte constitue une avancée historique, une étape marquante dans la politique globale que nous devons collectivement mener pour améliorer durablement la condition carcérale en France, ce à quoi je me suis engagé depuis ma nomination à la tête du ministère de la justice. À cet égard, je salue ici solennellement la mobilisation de tous, qu'il s'agisse des services de la chancellerie, des personnels pénitentiaires ou des chefs de cour et de juridiction.
Vous le savez, dans une décision du 2 octobre 2020 relative à une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) transmise par la chambre criminelle de la Cour de cassation, le Conseil constitutionnel a demandé au législateur de garantir aux détenus placés en détention provisoire la possibilité de saisir le juge de conditions de détention indignes, et ce, avant le 1er mars 2021. Face à cette injonction, nous n'avons pas perdu une seconde : le Gouvernement a activement oeuvré pour concevoir ce recours effectif ; j'ai soumis un projet de loi à l'avis du Conseil d'État dès le 1er décembre 2020, qui l'a validé. Si l'amendement que le Gouvernement a déposé devant votre assemblée en décembre dernier a été considéré comme un cavalier, je tiens à saluer l'initiative du président de la commission des lois du Sénat, M. François-Noël Buffet, qui lui a offert un nouveau véhicule législatif.
Je souhaite également remercier les commissions de l'Assemblée et du Sénat d'avoir effectué un véritable travail d'analyse. Mes remerciements s'adressent tout particulièrement à vous pour votre action, madame la présidente de la commission des lois. Je sais combien vous êtes attentive aux conditions de détention – vous étiez encore très récemment au centre pénitentiaire de Château-Thierry, où vous avez pu constater la spécificité des publics pris en charge, le professionnalisme des personnels et, bien sûr, la difficulté de leur mission. Je salue évidemment le travail de grande qualité que vous avez mené, madame la rapporteure, en organisant, dans des délais très contraints, un vaste travail d'auditions, en engageant un dialogue très constructif avec la chancellerie et en présentant des propositions qui précisent judicieusement le dispositif, s'agissant notamment des délais d'appels et des requêtes successives.
Précisons une dernière fois le contenu du recours effectif que nous avons conçu ensemble : celui-ci permettra à toute personne écrouée s'estimant confrontée à des conditions indignes de détention de saisir le juge judiciaire qui, s'il les estime justifiées, pourra très rapidement y mettre un terme. Le magistrat compétent sera soit le juge des libertés et de la détention, pour les prévenus, soit le juge de l'application des peines, pour les condamnés. Dans des délais très resserrés, des vérifications seront faites et, si l'indignité est avérée et si l'administration n'est pas à même d'y remédier, le juge pourra transférer la personne concernée, la libérer ou lui accorder un aménagement de peine.
C'est rapide ; c'est cohérent ; c'est efficace. Il s'agit d'un article unique, mais sa portée est essentielle car, je ne cesse de le dire, la privation de liberté ne peut pas être une privation de dignité. C'est tout simplement une question d'humanité.
Bien sûr, ce dispositif n'est qu'un des volets de l'action que je mène pour une prison plus digne. Le renforcement des alternatives à la détention, la diminution du prononcé de courtes peines d'emprisonnement prévue par la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, la multiplication des alternatives aux poursuites – comme le travail d'intérêt général – en réponse à la délinquance de basse intensité, la construction de nouvelles places de prison et la fermeture dans le même temps d'établissements vétustes ou encore le développement du travail en détention et la création d'un contrat de travail pour les détenus sont autant de chantiers essentiels à l'amélioration des conditions de détention.
Néanmoins, une étape décisive est en passe d'être franchie, et nous pouvons collectivement nous en féliciter. En effet, si la prison protège la société, elle nous oblige à faire prévaloir l'exigence d'humanité, à laquelle une grande démocratie comme la France ne doit plus faillir.