En matière de conditions de détention, nous le savons tous, la France a très souvent été jugée comme un mauvais élève et a été fréquemment sanctionnée, notamment en raison de la surpopulation carcérale.
Sur ce dernier point, qui est majeur, notre majorité a su prendre ses responsabilités pour apporter des réponses. Elle l'a fait avec le plan prison, qui prévoit la création de plusieurs centaines de places d'ici à 2022, l'engagement étant d'ouvrir 15 000 places supplémentaires au total d'ici à 2027.
Au-delà du nombre de places, notre volonté est de proposer des structures mieux adaptées à chaque type de détenu. Je pense par exemple au projet INSERRE, innover par des structures expérimentales de responsabilisation et de réinsertion par l'emploi. Ces structures sont largement inspirées du modèle des prisons ouvertes, dont nous savons que les résultats en matière de récidive sont très encourageants et qu'il apporte d'importantes garanties en matière de conditions de détention.
Nous avons aussi réformé la justice pénale en adoptant la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, laquelle pose deux principes : l'interdiction des peines d'emprisonnement ferme inférieures à un mois et l'aménagement ab initio des peines d'emprisonnement ferme d'une durée comprise entre un et six mois.
Malgré ces mesures fortes et des budgets sans précédent consacrés à l'administration pénitentiaire – 6 milliards d'euros en 2021, dont 556 millions alloués à la mise en oeuvre du programme immobilier pénitentiaire que je viens d'évoquer – , la France continue d'être régulièrement pointée du doigt pour ses défaillances en matière de détention. Outre la surpopulation carcérale, sont dénoncés des problèmes de vétusté des locaux, d'hygiène défaillante, d'absence d'intimité, de carence d'activités. C'est pour remédier à ces défaillances que cette proposition de loi est soumise, pour la dernière fois aujourd'hui, à notre examen.
Je tiens à rappeler brièvement l'origine de ce texte. Il tire d'abord les conséquences de décisions rendues en 2020 successivement par la Cour européenne des droits de l'homme, par la Cour de cassation – dans un arrêt de principe – et par le Conseil constitutionnel. En réponse à deux questions prioritaires de constitutionnalité, ce dernier a souligné que le législateur n'avait pas prévu de garantie légale suffisante pour permettre à un détenu de saisir le juge de conditions de détention considérées par lui comme indignes. La proposition de loi est ensuite la quasi-copie d'un amendement déposé par le Gouvernement, en l'espèce par le garde des sceaux, lors de l'examen du projet de loi relatif au parquet européen et à la justice pénale spécialisée, amendement déclaré irrecevable à l'époque.
La proposition de loi a été enrichie par dix amendements adoptés au cours de son examen devant la Haute Chambre et par dix-sept amendements adoptés lors de sa discussion en première lecture dans notre hémicycle, avant la conclusion d'un accord en commission mixte paritaire, la semaine dernière. À ce titre, permettez-moi de saluer l'action de la rapporteure qui, avec son homologue du Sénat et le Gouvernement, a effectué un travail de concertation et de coconstruction de très grande qualité.
La proposition de loi vise à introduire dans le code de procédure pénal un nouvel article, numéroté 803-8, qui permettra à toute personne détenue de saisir le juge judiciaire afin qu'il soit statué sur les conditions de sa détention, celles-ci pouvant être reconnues comme indignes. Ce recours effectif devant le juge judiciaire s'ajoutera aux recours administratifs définis aux articles L. 521-2 et L. 521-3 du code de la justice administrative, à savoir, respectivement, le référé-liberté et le référé-mesures utiles.
Nous répondons ainsi à nos obligations conventionnelles et constitutionnelles : un détenu aura désormais la certitude qu'il sera statué avec célérité sur le caractère indigne ou non des conditions de sa détention, et qu'en cas de défaillance avérée, il y sera mis fin dans un délai raisonnable, au terme d'une procédure assortie de garanties.
Première garantie : la recevabilité de la requête sera examinée par un juge judiciaire, soit le juge des libertés et de la détention soit le juge de l'application des peines, selon que la personne est en détention provisoire ou qu'elle exécute sa peine après condamnation. Deuxième garantie : une obligation de moyens pèsera sur l'administration pénitentiaire afin de faire cesser l'indignité de ladite détention. Troisième garantie : une décision du juge judiciaire s'imposera in fine en cas de défaillance ou d'insuffisance de l'administration pénitentiaire. Rappelons que, dans cette situation, la mesure ordonnée pour mettre fin d'autorité à l'indignité dénoncée et reconnue comme telle sera soit le transfèrement du détenu, soit la mise en liberté de la personne placée en détention provisoire, le cas échéant sous contrôle judiciaire ou sous surveillance électronique, soit une mesure d'aménagement de la peine si la personne définitivement condamnée y est éligible.
Pour conclure, il s'agit d'un texte équilibré entre le respect de la séparation des pouvoirs et la nécessité de lutter contre l'indignité des prisons. Il ne remettra pas en cause l'effectivité et l'efficacité des mesures privatives de liberté dans notre système judiciaire. En conséquence, le groupe LaREM le votera.