La troisième raison, c'est que le débat que certains voudraient instituer – aurait-il fallu confiner il y a deux mois pour éviter de confiner aujourd'hui, ou confiner aujourd'hui pour éviter de confiner dans deux mois ? – n'a pas de sens, car le but d'une nation n'est pas de vivre confinée, mais de vivre normalement.
Si nous avons des réserves à émettre sur la stratégie mise en oeuvre, c'est à ce niveau qu'elles se situent. Comme vous le savez, le groupe Agir ensemble a proposé depuis plus de six mois de ne pas poursuivre une stratégie de freinage uniquement, mais aussi d'éradication du virus ; c'est la stratégie qu'ont adoptée les pays d'Asie et d'Océanie en testant massivement, en traçant, en isolant les personnes positives et en instaurant une quarantaine aux frontières. Force est de constater qu'elle fonctionne dans un certain nombre de pays : 10 morts à Taïwan, 35 au Vietnam, moins de 30 en Nouvelle-Zélande, 900 en Australie. Ces bilans sont assez éloignés du nôtre.
Les effets de la stratégie de freinage sont hautement préoccupants – pour notre pays comme pour toute l'Europe, qui l'a également adoptée. Ils le sont d'abord parce que nous atteindrons bientôt le seuil de 100 000 morts dans notre pays, en dépit des mesures qui ont été prises. Ils sont préoccupants, aussi, parce que le système hospitalier est sous tension permanente depuis un peu plus d'un an, et parce qu'aux morts du covid-19 il faudra certainement ajouter les morts indirectes, liées aux déprogrammations de soins auxquelles les hôpitaux sont contraints. Ils sont préoccupants, bien sûr, parce que de nombreux secteurs sont aujourd'hui encore à l'arrêt comme la restauration, le tourisme, la culture et l'événementiel.
Ils sont préoccupants parce que les mesures décidées ont un coût pour la nation qui s'endette de façon massive, à la charge évidemment des générations futures. Ils sont préoccupants parce qu'ils engendrent un risque de déclassement de l'Europe occidentale par rapport au monde de l'Asie-Pacifique ; cette tendance, qui s'était déjà accélérée, pourrait définitivement basculer. Enfin, ces effets sont préoccupants parce qu'en ne cherchant qu'à freiner le virus et non à l'éradiquer, nous ne testons pas les capacités logistiques de résilience de la nation.