Intervention de Paul Molac

Séance en hémicycle du jeudi 8 avril 2021 à 9h00
Protection patrimoniale et promotion des langues régionales — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPaul Molac, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l'éducation :

Pourtant, cette richesse, malgré les efforts soulignés par M. le ministre, est classée en grand danger d'extinction par l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO), c'est-à-dire que le pourcentage des élèves qui apprennent des langues régionales est totalement insuffisant pour assurer leur pérennité. C'est la raison pour laquelle nous avons besoin d'appuyer sur l'accélérateur et, dirais-je, de faire aussi du quantitatif, parce que nous ne saurions nous contenter d'un petit pourcentage de la population qui apprenne ces langues.

Je vous donnerai un exemple : à peu près 8 % d'une classe d'âge en Bretagne apprend la langue bretonne avec la méthode de l'enseignement bilingue. C'est bon non seulement pour la langue régionale mais aussi pour le français, puisque les résultats en français de ces élèves sont supérieurs à la moyenne : cette méthode permet ainsi de développer l'apprentissage de ces langues d'une manière générale, en donnant aux enfants des mécanismes qui permettent ce développement. Nous avons donc tout intérêt à promouvoir ce genre d'enseignement. Dans les sondages conduits en Bretagne, 40 % des parents voudraient que leurs enfants soient scolarisés dans ce type de filière. Il y a donc une différence entre la demande et les possibilités. La présente proposition de loi vise justement à offrir à ces parents-là un choix véritable, car il s'agit bien d'un choix et non d'une obligation.

Le texte que je défends a l'ambition d'agir en faveur de la protection et de la promotion des langues régionales, en facilitant aussi leur usage dans la vie quotidienne, les actes d'état civil – vous avez tous entendu parler du petit Fañch, avec le n tilde de son nom – ou encore la signalétique dans l'espace public.

Nous avons eu de nombreux débats à ce sujet et, très souvent, nous nous sommes trouvés à partager ces ambitions ou ces objectifs. Preuve en est, le Sénat a très peu modifié le texte. Il a adopté par un vote conforme les dispositions que nous avions votées à l'Assemblée nationale et proposé quatre articles supplémentaires sur l'enseignement. C'est donc de ces quatre articles que nous sommes invités à discuter, quatre articles déjà votés au Sénat : ce n'est pas révolutionnaire ou, alors, je ne sais pas ce qu'est une révolution.

Notre travail effectué la semaine dernière en commission a témoigné, une fois encore, de l'accord profond qui existe sur le sujet. Sur les quatre articles qui restaient à examiner, la commission en a validé trois et en a rejeté un. Je constate d'ailleurs que nombre de collègues ont déposé des amendements visant à rétablir l'article rejeté par la commission : sept groupes sur les neuf que compte l'Assemblée proposent de le faire, ce qui atteste également d'un large accord parmi les députés sur le sujet.

Cet accord reflète celui qui existe au sein de la société. Les treize présidents de région se sont exprimés en faveur de la proposition de loi. Quant aux associations, elles font preuve d'un très grand dynamisme et n'hésitent pas à vous solliciter les uns et les autres, parfois même un peu trop. Elles accomplissent cependant une tâche immense, au jour le jour, localement, en défendant et en promouvant les langues régionales qui constituent notre patrimoine.

L'article 2 ter autorise le développement de l'enseignement immersif en langue régionale, lequel dépasse la stricte parité horaire d'un enseignement dispensé pour moitié en langue régionale et pour moitié en français et a pour objet, bien évidemment, la maîtrise des deux langues. Ce dernier point va de soi : qui pourrait réellement souhaiter que les élèves ne maîtrisent pas le français ? Une telle idée dépasse l'entendement. L'enseignement immersif en langue régionale n'est pas possible à ce jour au sein de l'enseignement public et reste cantonné aux établissements privés, ce qui nous paraît dommageable.

Je rappelle, pour ceux qui soulèvent cet argument, que le Conseil constitutionnel n'a jamais considéré que l'enseignement immersif en langue régionale porte atteinte au principe d'égalité devant la loi, ni au principe selon lequel le français est la langue de la République. Jamais ! Il a simplement estimé inconstitutionnel le fait de rendre un tel enseignement obligatoire – ce que le texte ne prévoit pas – et souligné que cet enseignement ne saurait avoir pour effet de soustraire les élèves à leurs obligations, parmi lesquelles figure la connaissance de la langue française. Nous partageons évidemment cette position. J'ai relu toutes les décisions du Conseil constitutionnel : ce sont les deux seules limites qu'il a posées.

Notons, par ailleurs, que les choses avancent sur le terrain à la faveur de nombreuses expérimentations. Je pense bien sûr au Pays basque, où des classes maternelles proposent un enseignement immersif, mais aussi à l'école Arrels de Perpignan, qui fonctionne depuis les années 1990 et propose une immersion plus large encore grâce à son modèle associatif.

Quant au Conseil d'État, il juge non pas la conformité d'un texte au regard de la Constitution, mais la légalité des actes administratifs. Or sa position est claire : il ne lui paraît pas adéquat d'intégrer les écoles associatives Diwan à l'enseignement public par la voie réglementaire et estime préférable de passer par la loi. Tel est précisément ce que nous faisons aujourd'hui avec ce texte, qui ne soulève donc pas de problème constitutionnel selon moi.

L'article 2 quinquies impose aux communes l'obligation de conclure un accord de participation financière avec les écoles sous contrat d'association dans lesquelles sont scolarisés des enfants qui désirent suivre un enseignement en langue régionale. Le Sénat a ici rétabli une disposition très proche de celle issue de la première lecture du projet de loi pour une école de la confiance, considérablement modifié en commission mixte paritaire (CMP). Par deux fois, le Sénat a adopté cet article : …

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