De quoi avons-nous peur ? Peur de souffrir, peur d'être seul, peur de ne pas être entendu, peur d'être oublié, peur du ridicule, peur de faire du mal à ceux que nous aimons – et la peur ultime : celle de mourir. La question de la fin de vie a ceci de vertigineux qu'elle mêle à elle seule toutes ces peurs. Qui sommes-nous, humbles citoyens élus, pour penser que nous y répondrons par un texte de loi, quel qu'il soit ? Mais notre rôle de parlementaires est de nous prononcer sur des textes, alors laissez-moi vous faire part, en toute humilité, sinon de mes certitudes, au moins de mes doutes.
Le rapporteur du texte expliquait en commission que des dizaines de rapports, des centaines d'heures d'auditions et des livres entiers avaient déjà été consacrés au sujet ; que des philosophes, des auteurs, des médecins, des juristes, s'étaient déjà prononcés et que seule notre assemblée manquait dorénavant à l'appel. Certains ont qualifié cela de procrastination ; pour ma part, je préfère parler de réflexion. Or, sur ce sujet, la réflexion vient non pas de l'absence de travail, mais, bien au contraire, du fait que plus on y réfléchit, plus on se pose de questions.
Il y a, d'abord, la souffrance qu'éprouvent ceux qui nous sont chers. Comment ne pas penser à un proche ou un parent que nous avons dû accompagner ? Comment ne pas s'interroger lorsque des personnes qui ont été brillantes, attachantes, belles, fortes ne sont plus, au crépuscule de leur vie, que l'ombre de celles que nous avons connues ? Comment ne pas douter de notre rôle lorsque nous voyons un être agonisant, dont le corps est déformé par la souffrance ?