Se donner la mort est un acte que je ne pourrais qualifier de courageux en tant que médecin parce que mon travail, c'est d'empêcher les gens d'en finir avec leurs jours, mais c'est un acte difficile auquel beaucoup renoncent parce qu'ils ont peur des conséquences d'un suicide raté, parce que leur état dépressif a pris fin ou bien parce qu'entourés des leurs, ils considèrent par esprit de responsabilité que leur propre douleur n'est peut-être pas encore assez forte pour générer de la douleur chez ceux qui les aiment. Des mécanismes extrêmement complexes entrent en jeu.
Dans notre rapport à la mort, nous faisons face à un paradoxe : d'un côté, il y a à déplorer de nombreux décès par suicide, 9 300 par an, soit plus de vingt-quatre morts par jour, et 200 000 tentatives, et nous luttons contre le suicide à coups de campagnes de prévention, de numéros Vert – si on peut du reste douter de l'efficacité de la méthode, on essaye ainsi d'éviter la mort – et, de l'autre, on cherche ici à la banaliser par ce texte, en plus de manière détournée en faisant peser la responsabilité de l'acte sur les médecins et même sur chaque contribuable qui contribuera à ce système par l'impôt. Pour ma part, je n'ai pas envie d'y prendre part, ni comme soignant, ni comme citoyen d'un pays qui banalise la mort et donc la vie.