Ce sont des questions tellement graves, tellement profondes, qui remontent à l'origine de la vie. Le hasard fait qu'il y a cinq semaines, j'ai été personnellement confronté à cette question, peut-être la question la plus difficile, au sujet de ma mère, atteinte de la maladie d'Alzheimer et hospitalisée à Jérusalem. Mes trois frères et soeurs et moi étions autour d'elle, et les médecins nous ont dit qu'il valait mieux ne pas s'acharner, nous expliquant qu'il n'y avait de toute façon pas d'espoir, qu'il était préférable qu'elle s'en aille calmement – je précise qu'elle ne peut plus manger et qu'on lui a posé une sonde. Nous en avons parlé entre nous, et nous avons décidé de tout faire pour la sauver. Quand elle a perdu conscience, nous n'étions pas sûrs qu'elle se réveillerait, mais au bout de quarante-huit heures elle a rouvert les yeux. Cela fait maintenant deux mois et, même si c'est compliqué avec la sonde, elle sourit, me prend la main et me parle avec ses yeux, alors que les médecins pensaient que c'était terminé.
Croyez-moi, c'est la décision la plus dure à prendre, parce qu'on se dit : « Elle souffre, que va-t-il arriver, ne faudrait-il pas mettre fin à ses souffrances ? » Mais aujourd'hui elle a repris vie, elle me regarde, me prend la main… C'est une question très compliquée. Je sais que chacun a ses convictions, ce n'est pas binaire, pas facile, et j'écoute ce que chacun dit. La vie a fait que je suis confronté à cette question, et ma conviction absolue est qu'on ne peut pas interrompre la vie, qu'on doit, sans s'acharner pour autant, laisser faire la vie.