Honnêtement, monsieur le ministre délégué, proposer cet article ou ne rien faire, cela revient à peu près au même. Il est pour le moins éloigné d'une reprise « sans filtre » de la proposition de la Convention citoyenne pour le climat consistant à « interdire la construction de nouveaux aéroports et l'extension des aéroports existants ». En effet, vous prévoyez un nombre absolument incroyable d'exemptions ou d'exceptions.
Le texte de l'article vise à modifier le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique en rendant impossibles les déclarations d'utilité publiques pour les constructions et extensions d'aéroports. Or, selon le Réseau action climat, sur la dizaine de projets aéroportuaires étudiés actuellement, aucun ne nécessite une telle déclaration. La mesure ne sert donc à rien, à part pour l'aérodrome de Nantes-Atlantique, mais pour lequel une exception est prévue – j'y reviendrai.
L'article prévoit en outre que seules seront concernées les constructions et extensions « qui ont pour effet d'entraîner une augmentation nette, après compensation, des émissions de gaz à effet de serre. » Or plusieurs rapports démontrent que les compensations sont parfaitement illusoires dans le secteur aérien et qu'il faut les abandonner. Par exemple, les arbres qui sont plantés en compensation d'un trajet en avion ne capteront du carbone que dans bien des années !
C'est aux alinéas suivant que l'article devient magnifique, avec l'énumération d'un nombre fou d'exceptions. Feront ainsi exception à la mesure les aérodromes de Nantes-Atlantique et de Bâle-Mulhouse, ceux des collectivités d'outre-mer, ainsi que les constructions rendues nécessaires « par des raisons de sécurité, sanitaires, de défense nationale ou de mise aux normes réglementaires » – disposition qui permettra tout et n'importe quoi. Monsieur Djebbari, je vous rappelle que le Gouvernement, qui avait pourtant annoncé l'abandon du terminal 4 de Roissy-Charles-de-Gaulle, refuse de l'inscrire dans ce texte.
La France possède un tiers des 460 aéroports européens : nous n'avons pas besoin d'en construire de nouveaux ou d'agrandir encore ceux qui existent. Je donnerai simplement un exemple, celui de l'aéroport de Marseille, le cinquième de France. Un projet vise à augmenter ses capacités d'accueil de 4 millions de passagers annuels, avec 22 000 mètres carrés d'espace supplémentaires, dont 6 000 de commerces, avant la construction éventuelle d'une nouvelle jetée d'embarquement de 13 000 mètres carrés, le tout pour 160 millions d'euros. Ne faudrait-il pas en finir avec cette folie et investir ces sommes dans le transport ferroviaire et plus généralement les transports en commun ?
Je le répète, le Réseau action climat a montré que cet article, c'est du vide, car il ne concernera aucun des dix plus grands projets aéroportuaires. Il ne sert absolument à rien, à part à gesticuler pour feindre d'agir.