Je pense que nous payons deux choses. La première, c'est que notre pays lui-même a du mal à faire face à des besoins fondamentaux, ce qui rend plus difficile notre capacité de soutien à l'international. La seconde, nous payons également le retard pris dans la part consacrée à l'aide publique au développement, puisque le chiffre de 0,7 % du revenu national brut demandé par l'Organisation des Nations unies est loin d'être atteint, et ce n'est pas dans ce moment de grande récession que, malheureusement, je vois poindre une hausse de cette aide. Je voulais vous interroger, très précisément, sur la nature des 1,2 milliard de cette aide d'urgence. La part entre le prêt et le don me paraît problématique : cela a déjà été évoqué, mais 150 millions pour 1 milliard de prêt, c'est préoccupant. D'autant plus si l'on considère le problème de la structure de la dette. Le Ghana consacre par exemple onze fois plus au remboursement de sa dette qu'a son propre système de santé. C'est pourquoi le Secrétaire général des Nations unies appelle à une extension du moratoire sur les dettes à tous les pays en voie de développement, et à des allégements. Il importe de restructurer les dettes souveraines de façon coordonnée et complète. Il faut aussi protéger les pays qui doivent rembourser des dettes privées insoutenables et qui se retrouvent le couteau sous la gorge, avec des créanciers privés qui agissent comme des prédateurs. Comment pouvons-nous, d'un point de vue législatif, aider les pays en voie de développement à se protéger de cette prédation ? Sachant qu'il existe une part de la dette liée aux États, mais également une immense part liée à des créanciers privés. Vous avez dit tout à l'heure que ces 1,2 milliard étaient sans préjudices sur ce qu'il se passe dans le reste du monde : pouvez-vous me dire comment vous les ponctionnez ? Je n'ai pas tout à fait compris. Enfin, selon le site d'information Médiapart, 46 % des financements de Proparco vont au renforcement des institutions et des marchés financiers. C'est la question que posait mon collègue Jean-Paul Lecoq sur la nature des aides qui sont apportées. Je vois qu'en France, nous sommes capables de donner 20 milliards d'euros aux grandes entreprises sans contreparties, et je me demande si, au fond, nous faisons la même chose au niveau international en aidant des secteurs qui ne sont pas forcément de nature à préparer le nouveau monde. Vous disiez tout à l'heure que nous étions dans un moment keynésien, je ne suis pas sûre de partager votre analyse. Peut-être va-t-on l'être mais je ne pense pas que le keynésianisme soit adapté à la période actuelle. Il faut changer de modèle de développement pour le rendre soutenable du point du vue environnemental – ce qui n'est pas seulement du capitalisme « verdisé » – et accroître notre capacité à rendre les individus libres, et donc à investir dans ce qui est aujourd'hui fondamental : la santé, l'éducation, l'alimentation, la culture, etc. De ce point de vue, j'aimerais avoir votre sentiment. Vous parlez avec beaucoup d'acteurs. Est-ce que vous avez un réel débat sur le monde d'après et le changement de nos économies ? Ou est-ce qu'au fond, il s'agit de relancer l'aide au développement comme avant ?