Commission des affaires étrangères

Réunion du jeudi 30 avril 2020 à 10h00

Résumé de la réunion

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  • AFD
  • africain
  • afrique
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La réunion

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Audition, en visioconférence, de M. Rémy Rioux, directeur général de l'Agence française de développement.

La séance est ouverte à 10 heures.

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Nous sommes heureux d'accueillir Rémy Rioux, directeur général de l'Agence française de développement (AFD). Nous avons vraiment souhaité consacrer toute une audition à notre aide publique au développement (APD). Je serais heureuse que Rémy Rioux fasse une intervention en deux temps.

D'abord, un point de situation sur ce qui est en train de se passer, sur ce qui peut se passer au regard de la crise sanitaire bien sûr dans les pays en développement. Je pense au continent africain en particulier, mais aussi à d'autres pays fragiles. Quel peut être l'impact de la crise sanitaire ? Nous savons qu'il y en aura un si la crise sanitaire flambe, ce qui n'est pas encore le cas en Afrique. Nous savons évidemment que, compte tenu de l'état de son système sanitaire, de l'impossibilité de confinement et d'autres facteurs comme les difficultés de garantir la pratique des gestes barrières et d'accès à l'eau, la pandémie peut y prendre des proportions importantes. Nous savons qu'au-delà de la crise sanitaire, va s'ouvrir une crise économique très lourde, donc une crise sociale extrême. Nous constatons déjà une baisse du prix des matières premières, une réduction des transferts financiers des migrants vers les pays d'origine, en particulier vers l'Afrique. Nous pouvons avoir ensuite, de nombreux signaux ont été donnés en sens, une crise alimentaire qui risque de s'ajouter à ces crises sanitaire, économique et sociale. Je pense en particulier à l'Afrique de l'Est qui subit une invasion de criquets. Nous pouvons donc nous retrouver devant une crise humanitaire très lourde.

Dans un second temps, nous serons attentifs à ce que la France peut faire et pourra faire pour aider, pour être un partenaire solide par ces temps de crise où nos regards doivent évidemment se tourner vers ce continent si proche et si voisin qu'est l'Afrique. Je sais que vous avez annoncé un plan d'un montant d'1,2 milliard d'euros mais c'est toujours la même chose ; on annonce un montant puis on se rend compte que la majorité des crédits sont des prêts et qu'il n'y a que 150 millions de dons, que même ces dons proviennent de réallocation de crédits déjà existants et qui vont donc être prélevés sur d'autres missions. Nous aimerions une clarification sur ce point. Il y a également la question du moratoire sur la dette africaine. C'est une première étape et c'est une étape pour nous très importante. Dans tous les cas, il y aura demain la question des traitements et des vaccins et du libre accès universel à ceux-ci, notamment pour les pays les plus fragiles et les plus vulnérables.

Tout ceci en rappelant qu'il y a d'autres crises qui se déroulent en Afrique. Je pense à ce qui se déroule au Sahel ou en Libye et qui ajoute à la fragilité de la situation d'aujourd'hui. Notre commission défend l'idée que l'aide publique au développement est essentielle. Il est essentiel aussi que ses actions et ses objectifs soient identifiées, qu'ils soient clairs, lisibles, compréhensibles par nos concitoyens afin qu'ils puissent s'approprier cette aide au développement apportée par la France.

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Rémy Rioux, directeur général de l'Agence française de développement (AFD)

: Merci madame la présidente. Je suis honoré et heureux d'être devant vous ce matin pour recevoir vos orientations politiques et vous rendre les comptes nécessaires mais aussi de répondre à toutes vos questions.

Quelques mots très rapides sur la situation de l'Agence dans cette crise. Les membres de votre commission qui siègent à notre conseil d'administration – Mmes Bérengère Poletti et Amélia Lakrafi et M. Hervé Berville ainsi que M. Dominique Potier qui représente également l'Assemblée nationale – le savent. Nous tenons un conseil d'administration la semaine prochaine. Nous en avons tenu un depuis le déclenchement de la crise. Je ne suis pas venu devant vous depuis ma nomination au mois de mai 2019. Je vous dis quelques mots de notre situation afin que vous puissiez mieux apprécier notre capacité d'action ensuite, ce qui sera mon second point comme vous m'y invitez madame la présidente.

L'AFD est entrée en bonne forme et dynamique dans cette crise. Nous avons terminé l'année 2019 comme cela avait été prévu, avec 14 milliards d'euros d'engagements financiers, soit 25 % de plus que l'année précédente. Donc beaucoup d'actions engagées. Le plus important demeure tout de même la qualité de ce que nous faisons. Nous avons donné priorité aux questions climatiques avec 51 % de nos projets qui ont un impact bénéfique identifiable sur celles-ci. Nous avons augmenté nos actions sur les questions d'égalité femmes-hommes. Nous espérions beaucoup du forum Génération égalité prévu en juillet. Il sera un reporté. Près de 50 % de nos projets ont un impact positif sur les questions de genre. Nous avons progressé sur les sujets de gouvernance qui vous importent, avec une somme totale de 1,6 milliard d'euros allouées à des projets dans ce domaine. Beaucoup d'actions dans le Sahel. J'y reviendrai. Également à destination du secteur privé via notre filiale Proparco. Les comptes de l'AFD ont été approuvés lors du dernier conseil d'administration. Ils sont en ordre. 172 millions d'euros de résultats nets sur l'exercice 2019, soit 57 millions d'euros de plus que l'année précédente. Je remercie l'État qui a renoncé à son dividende pour contribuer à renforcer les fonds propres de l'Agence. Les actionnaires privés de Proparco l'ont fait également de leur côté. C'est, je crois, une règle dans les entreprises publiques. Le produit net bancaire de l'AFD a augmenté de près de 200 millions d'euros. Son bilan est proche de 50 milliards d'euros désormais.

J'ajoute un point : nous n'avons pas rendu public le sondage annuel que nous faisons sur les Français et l'aide publique au développement. Il a été fait avant la crise donc il a moins de sens. Nous sommes en train de le remettre à jour alors que nous l'avions calé sur le débat parlementaire dans le cadre du projet de loi de solidarité internationale. Nous aurons des données plus récentes dès lors que nous avons interrogé les Français dans la crise elle-même. Ce que montraient les chiffres avant la crise, c'était la perception positive avec 79 % d'avis favorable de l'aide publique au développement, soit 9 points de plus que depuis 2016. Cette prise de conscience des enjeux globaux et de leur impact était forte avant la crise. Gageons que ces chiffres seront plus élevés avec la crise avec une accélération de cette prise de conscience.

J'en viens plus précisément à la crise pour vous dire que nous avons déclenché notre plan d'urgence de poursuite d'activité dès le vendredi 13 mars. Il était prêt. Nous avons placé tout le monde en télétravail obligatoire et en confinement. En métropole et dans les territoires d'outre-mer d'abord et puis maintenant dans le monde entier pour toutes nos agences. Une cellule de crise interne pour notre personnel et nos systèmes est en place. Une cellule de crise externe pour nos clients, nos partenaires, notre activité est également en place et se réunit très périodiquement. Je préside ses réunions.

Les impacts de la crise sont de différentes natures. Il y a d'abord un impact sur les ressources humaines. Nous n'avons pas eu de victimes, ni d'hospitalisation grave parmi nos 3 000 salariés. Nous sommes attentifs à la santé de nos équipes. Comme tous nos collègues des réseaux français à l'étranger, nous sommes soucieux de la santé de nos collègues expatriés ou de droit local notamment dans les pays où les systèmes de santé présentent des capacités moindres que dans notre pays. Le message que je voulais vous faire passer, c'est que nous sommes opérationnels. Les personnels sont restés sur le terrain. Les équipes sont impatientes de se rendre utiles dans cette situation particulière.

Nous allons essayer de jouer au maximum notre rôle d'accompagnement, notre rôle « contracyclique », et de le faire en complément de l'action multilatérale. Vous en avez parlé, madame la présidente. Je pense à ce que font nos collègues du Trésor sur les questions de dette, à ce que font nos collègues du Quai d'Orsay, notamment à Genève auprès de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) ou du Fonds mondial et de toutes les agences qui sont mobilisées sur le front sanitaire. Il y a des inconnues fortes, notamment sur notre activité de l'année 2020. C'est pour cela que, bien sûr, nous agissons dans le cadre de la loi de finances qui a été votée, et donc à ce stade par redéploiements des capacités de financement que vous nous avez accordées, mais certains programmes prévus pour 2020 n'auront pas lieu, du fait de la complexité des missions ou de l'impossibilité des approvisionnements.

Il faut donc que nous engagions l'ensemble des moyens que vous nous avez confiés, tout en envisageant d'autres capacités d'action. En 2020, nos moyens en subventions avaient été réduits. Concernant les prêts, nous observons une très forte montée des risques, s'agissant des États mais aussi des entreprises et autres entités. Cela a un impact sur nos provisions et aura un impact sur notre résultat de l'année. Nous aurons l'occasion d'en reparler, mais cela aura aussi probablement un impact sur nos besoins de fonds propres, qui étaient envisagés sur un horizon pluriannuel. Il est probable que ces sujets soient anticipés, et il faudra qu'ils soient débattus au Parlement. Il n'y a pas en revanche de sujets liés à la trésorerie, ce qui est évidemment dans une crise financière et économique la première des préoccupations. Les marchés financiers sont ouverts et nous avons procédé à deux émissions obligataires depuis le début de la crise, pour 1,5 million en euros puis 2 milliards en dollars, nous sommes au-dessus de notre réserve de huit mois d'avances de trésorerie. Les décaissements sur les programmes déjà engagés – ce qui est très important dans une crise – se passent bien jusqu'à présent.

J'en viens maintenant à notre action. Dans une crise d'une telle ampleur, la réponse est d'abord nationale, mais elle est ensuite, immédiatement, multilatérale, les institutions internationales financières et sanitaires doivent se mettre en route. C'est ce que font nos collègues. Elle doit aussi être française et européenne. J'ai essayé de mobiliser au maximum les équipes de l'Agence pour qu'une voie, une action française et européenne se mette en place. Nous le faisons dans un contexte qui est complexe à comprendre, et les équipes techniques de l'AFD sont à votre entière disposition pour essayer de déchiffrer cette crise, qui n'est pas très différente de celles que nous avons connues jusqu'à présent. Le Président de la République a parlé de guerre. D'un poids de vue économique il y a des similitudes par les blocages, la simultanéité, la violence de ce qui se passe en ce moment. Nos économistes produisent des papiers chaque semaine pour essayer de décrypter la crise. Nous les diffusons au sein de l'État et nous les tenons à votre disposition. Notre division santé cherche à comprendre comment la crise va se déployer dans les pays du Sud, en particulier sur l'Afrique, alors que nous avons peu d'informations, parfois contradictoires. CDC Africa a publié un papier assez rassurant il y a quelques jours, mais, dans le même temps, on ne teste pas en Afrique et les mécanismes que nous sommes en train de mettre en place ne permettent pas de le faire non plus. Il faut donc être extrêmement prudent sur le passage et l'ampleur de cette crise sur le continent africain, sachant que la crise économique et sociale, et tous les chefs d'État et de gouvernement africains, tous nos interlocuteurs africains, le groupe des quatre envoyés spéciaux de l'Union africaine (UA), Donald Kaberuka, Tidjane Thiam, Ngozi Okonjo Iweala, Trevor Manuel, et l'ancien ministre des finances algérien le disent, la crise économique et sociale est déjà là, et il faut y répondre.

Nous avons d'abord pensé à l'Europe. Nous avons beaucoup dialogué avec la Commission européenne, notamment la DG DEVCO et la DG NEAR chargée du voisinage. Il y a eu de nombreuses réunions, qui ont abouti il y a deux semaines à une communication de la présidente de la Commission européenne portant sur 20 milliards d'euros, qui réunit les moyens de la Commission et les moyens des États membres ce qui est une première. Le 1,2 milliard d'euros que nous avons annoncé à titre national est inclus dans ces 20 milliards d'euros, et nous cherchons aussi sur le terrain avec les délégations de l'Union européenne à communiquer, un hashtag « team Europe » a été lancé pour essayer d'identifier la réponse européenne dans cette crise, en particulier en Afrique. Il y aura lundi une réunion du réseau des praticiens qui regroupe toutes les agences européennes pour aborder notamment la répartition des tâches, la communication ou encore l'action commune.

Sur la partie spécifiquement française, comme vous l'avez noté, nous avons fait des propositions au gouvernement dans la deuxième quinzaine du mois de mars, selon une action en deux temps. D'abord, mobiliser des moyens pour répondre à l'urgence sanitaire et à l'impact pour nos partenaires de cette crise, c'est l'initiative « Covid-19 santé en commun » qui a été validée par notre conseil d'administration et rendue publique, et que nous sommes en train de dérouler. Les équipes de l'Agence sont à votre disposition pour vous détailler les projets. Nous avions commencé tôt, avant même l'approbation de l'initiative avec un programme avec l'INSERM Aphro-Cov, sur le dépistage, dès la fin de février. Nous avons approuvé six nouveaux projets et une douzaine vont l'être très prochainement, une quarantaine sont prévus à moyen terme. L'objectif est d'engager le 1,2 milliard d'ici à l'été, il s'agit d'une enveloppe d'urgence, centrée sur l'Afrique et le Proche-Orient. Je suis inquiet par la situation en Afrique du Nord et au Proche-Orient, plus encore que pour des pays plus pauvres car la crise va se propager dans toutes ses dimensions sur ces territoires. Ce 1,2 milliard est sans préjudice de ce que nous faisons dans le reste du monde. Le gouvernement du Vietnam par exemple, qui est si exemplaire dans sa gestion de la crise, a fait appel à nous et à d'autres institutions financières pour les appuyer. Le gouvernement indien, ce qui est nouveau, s'est tourné vers nous pour créer un lien avec notre pays sur les sujets de santé. Ce sont des appuis sous forme de prêts, qui ne consomment que très peu ou pas du tout de ressources budgétaires.

Expertise France fait partie de ce mouvement, une plateforme d'expertise a été mise en place très rapidement dont l'objectif est d'accompagner les ministères de la santé ou des finances, notamment pour qu'ils aient accès aux fonds internationaux, que l'effort politique du Président de la République, du ministère des affaires étrangères, du ministre de l'économie et de finances permettent de débloquer et de mobiliser. Encore faut-il pouvoir monter les dossiers, les écrire en anglais ou en français, les transmettre, faire tout un travail qui permet le déblocage. Voilà pour la partie sanitaire.

Nous sommes en train de travailler à une deuxième réponse – la capacité de l'Agence est de 14 milliards comme je l'ai dit – qui chercherait à contribuer aux dimensions économiques, sociales environnementales de la crise, pour une relance durable et verte. C'est un débat que nous avons en Europe et dans chacun des pays, nous allons essayer d'intervenir dans les discussions et d'apporter des financements pour que le jour d'après ne soit pas identique au jour d'avant.

Il faut aussi mentionner le secteur privé et l'action de Proparco. On parle beaucoup de la situation sanitaire, de la dette publique, mais je suis très inquiet de la situation des entreprises et particulièrement en Afrique. Il y a eu un mouvement entrepreneurial très important depuis vingt ans en Afrique, un secteur privé africain est né, mais il est fragile, comme le secteur privé français il est très durement frappé, mais sans les mécanismes équivalents comme le chômage partiel, pour éviter une dégradation très rapide de l'activité, des comptes, de la solvabilité. Je pense aussi aux entrepreneurs français à l'étranger qui ont des entreprises de droit local et qui font remonter une grande inquiétude car les financements se réduisent en même temps que l'activité est sous pression. J'ai abordé ce sujet aussi à Bruxelles, il faut que nous avancions, avec votre aide, pour répondre à nos clients privés, et éviter d'essayer de relancer l'économie après la vague avec des entreprises qui ne seraient plus en mesure de capter le retour de la croissance et de la transformer en emplois et en lien social. Sur cette deuxième phase, beaucoup est fait entre banques publiques de développement. Nous allons organiser le 12 novembre prochain, dans le cadre du Forum de Paris pour la paix, le premier sommet mondial des banques publiques de développement. Cela inclut les caisses des dépôts, les banques internationales comme la Banque mondiale, mais aussi et surtout tous les instruments financiers publics qui suivent les orientations des gouvernements, il y en a 450 dans le monde, soit 10 % de l'investissement mondial, qui est public et qui n'est pas orienté ni piloté, au service des priorités internationales dans une logique systémique. Nous allons donc tous les réunir pour essayer d'obtenir des engagements dans ce contexte de crise. On le voit dans beaucoup de pays, en Chine, en Allemagne, au Brésil ou en France avec la Caisse des dépôts et consignations, toutes ces institutions sont en train de faire grossir leurs bilans, elles sont des instruments « contracycliques » que les gouvernements actionnent durant la crise. Ils auront donc beaucoup à dire en novembre y compris sur les sujets liés à la santé. Nous nous organisons avec l'International Development Finance Club (IDFC), que je préside, pour faire passer un message positif sur les moyens publics existant dans cette crise, qu'il faut mobiliser à bon escient.

J'ai cherché à attirer l'attention sur la situation de l'Afrique, je vous ai transmis une petite revue de presse pour que vous ayez toute l'information publique. Il est important dans cette situation de crise que nous apportions une signature française, si les Chinois fournissent des masques, je crois que notre valeur ajoutée est la proximité, l'implantation locale : c'est le cas pour la recherche, les laboratoires, les entreprises. Nous sommes présents en Afrique sur le terrain, et c'est cela notre caractéristique auprès des acteurs africains.

La réponse au Covid-19 n'épuise pas notre action, nous ne changeons pas notre stratégie, il y a un contrat d'objectifs et de moyens qui vous sera présenté dès que possible, les discussions doivent reprendre mais nous étions avant son déclenchement tout prêts de vous le transmettre. Je pense bien sûr au Sahel, vous l'avez dit madame la présidente, « tempête parfaite dans le Sahel », avec cette crise sanitaire qui vient s'ajouter aux fragilités préalables. Nous avons engagé 700 millions d'euros dans le Sahel l'an dernier, nous faisons beaucoup de progrès en DDD (Diplomatie, défense, développement) dans le cadre de la coalition pour le Sahel avec le ministère des affaires étrangères et le ministère de la défense, je pense à l'éducation, à l'égalité femmes-hommes. Je pense à nos outre-mer aussi où l'Agence travaille – nous avons proposé une initiative à la ministre des outre-mer – je pense au climat, le dialogue de Petersberg s'est déroulé assez positivement hier et il faut absolument garder ce fil.

Nous sommes aussi en train d'accélérer – et c'est là la force des crises – notre projet de transformation. Nous avons un projet d'entreprise en cours d'élaboration, le comité de direction (Comex) doit se réunir mardi prochain pour le finaliser. Je me tiens à votre disposition pour répondre à toutes ces questions sur notre activité mais aussi sur la performance de l'Agence.

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Ce moment est très important. Il y a le moment de la gestion de la crise et il y aura celui de l'après-crise, et nous devrons évidemment repenser la question de l'aide publique au développement à l'aune de la crise et de ses conséquences, et du jour d'après. Il faudra suivre cette évolution, et je rappelle que nous avons installé au sein de notre commission un groupe de travail permanent qui avait contribué à penser les objectifs du projet de loi et qui continue plus que jamais d'agir et de se réunir et probablement d'avoir avec vous un certain nombre de rendez-vous.

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. Alors qu'on parle de moratoire sur la dette voire d'abandon, je voudrais savoir quels pourraient en être les impacts sur la solvabilité de l'AFD ? Concernant le plan financé à hauteur d'1,2 milliard d'euros, pour 1 milliard d'euros de prêt et 150 millions d'euros de dons, il me semble qu'il y a un déséquilibre entre le prêt et le don ? Or, dans la mesure où il s'agit d'une action d'urgence, le don peut sembler plus flexible. Par ailleurs, ce plan est-il ciblé exclusivement sur la santé ou d'autres actions entrent-elles en ligne de compte ? Quelle est la coordination avec les grands acteurs de santé mondiale ? Je pense aux agences internationales mais aussi aux acteurs locaux. Quelle place est accordée à la société civile ? Vous parliez de l'égalité hommes-femmes, quelle place est accordée aux associations de femmes, notamment en Afrique où l'on sait qu'elles sont l'une des clefs de réponse aux grands problèmes, du fait de leur organisation, de leur souplesse et de leur réactivité ? Enfin, quels contrôles entendez-vous mettre en place pour suivre au plus près ces actions d'urgence ?

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. Je souhaitais vous interroger sur la dette. L'AFD pratique un certain nombre de prêts et je suppose qu'un moratoire aura des conséquences sur l'Agence. Pourriez-vous nous préciser de quelle manière cela s'applique, quel sera le choix de l'AFD sur les pays qui seront concernés et des critères vont-ils être définis ? Quelles en sont les conditions ? Je souhaiterais savoir si, durant l'exercice budgétaire de l'année dernière qui avait vu une hausse de l'aide de 25 %, il y avait eu une partie d'annulation de la dette, et si oui, comment a-t-elle a été choisie, quelle a été son ampleur et quelles en sont les conséquences pour les pays qui ont été choisis ? Concernant la réflexion engagée avec l'Union européenne sur la problématique de l'autonomie stratégique que nous devons développer, les questions en ce moment sont essentiellement sanitaires, j'aimerais savoir si cette réflexion était engagée aussi au niveau de l'AFD ?

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. L'Afrique va subir de plein fouet les conséquences économiques de la pandémie de Covid-19, la question fondamentale est de savoir comment les atténuer. Au-delà d'un moratoire sur la dette, la mobilisation financière de la communauté internationale sera cruciale pour éviter une catastrophe, avant même d'avoir été atteinte par l'épidémie l'Afrique a déjà subi un choc économique de plein fouet, avec la fuite des capitaux vers les pays développés, la division par deux du cours du baril du pétrole puis l'arrêt du tourisme suite au confinement. La réponse des autorités à la crise sanitaire et le soutien à l'économie, en attendant d'enrayer le Covid-19, seront primordiaux, comme c'est le cas chez nous, mais les marges de manœuvre budgétaires sont limitées. Plusieurs banques centrales ont réagi en abaissant leurs taux directeurs pour soutenir l'économie, mais il faudra une mobilisation de tous les acteurs et sans doute sur plusieurs exercices pour amortir le choc. Les premières annonces formulées par l'Union européenne, avec une enveloppe de plus de 15 milliards d'euros, permettront aussi de limiter l'ampleur de la déflagration. Apporter des fonds additionnels par les banques de développement, reporter les échéances de dette, mobiliser les banques centrales des pays développés pour fournir des devises à des cours modérés, utiliser la capacité d'émission monétaire du Fonds monétaire international (FMI) : tous ces outils devront être activés simultanément en leur temps et peut-être durablement pour endiguer le double tsunami. En tant que directeur général de l'AFD, qui est fortement mobilisée sur l'ensemble du continent africain, quelles sont pour vous les priorités pour lutter contre l'épidémie en Afrique et quels sont les moyens dont vous avez le plus besoin ?

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. Vous avez notamment évoqué l'aide apportée par l'AFD au secteur privé et aux investisseurs français en Afrique, mais je m'interroge plus particulièrement sur le soutien accordé par l'Agence au secteur privé africain qui représente l'avenir du continent afin que les Africains eux-mêmes puissent développer une industrie locale. Le développement, ce n'est pas uniquement les Français qui investissent là-bas. Quelle part apporte l'AFD en soutien au secteur privé endogène ? Par ailleurs, j'ai beaucoup de mal à percevoir qui décide de quoi en matière d'aide publique au développement. L'AFD apparaît comme le bras armé de l'aide publique au développement mais qu'en est-il de l'orientation politique ? Depuis plusieurs mois, nous sommes dans l'attente de la présentation du projet de loi relatif à l'aide publique au développement. Nous ne sentons pas une dynamique politique forte sur cette question. Dans l'avenir, il faudrait un ministre du développement. J'en parle souvent avec mon collègue Hervé Berville. Nous ne pouvons pas investir des sommes importantes sans savoir qui est le pilote de cette politique publique. Le ministre de l'Europe et des affaires étrangères donne actuellement un cap mais concrètement, actions par actions, comment cela se passe-t-il ? Quels sont les projets qui sont poussés prioritairement ? Après vous avoir entendu plusieurs fois en audition, je ne parviens toujours pas à déterminer qui décide de quoi en matière d'aide publique au développement et j'ai besoin d'y voir beaucoup plus clair dans ce domaine. Sur la question du désendettement, nous en sommes actuellement au moratoire. S'agissant de l'annulation des dettes, est-ce que c'est l'AFD qui doit procéder à l'examen, pays par pays, de cette question ? Comment cela s'organise ?

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. Il me semble important que les opérateurs profitent de cette crise pour accélérer leur mutation. Nous avons notamment évoqué Expertise France. Je me réjouis que les opérateurs œuvrent, en ce moment, en direction d'une modernisation absolument indispensable. J'ai une question rapide : comment vous situez-vous vis-à-vis de cette crise dans les Balkans, région qui se situe dans ma circonscription ? Par ailleurs, je suis pour ma part partisan d'un soutien aux PME, y compris celles appartenant à des Français installés à l'étranger. La seule fois où j'ai pu observer un recul de la corruption, sur une période de vingt ans à trente ans, c'est en Pologne où le réseau des PME locales et familiales a été le plus dynamique. L'important n'est pas qu'une PME soit française ou pas, – un Français qui va en Afrique et qui en tombe amoureux devient Africains aussi – ce qui compte c'est le maillage du territoire avec les acteurs économiques. Quels outils pouvez-vous développer pour venir en aide à ces PME notamment à travers Proparco ? Est-ce que cela pourrait sortir du cadre de vos objectifs stratégiques en tant qu'agence et devenir un canal d'aide de l'État et de l'AFD à destination des PME à l'étranger ?

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. L'AFD est un des outils de rayonnement de la France à l'étranger, son rôle est essentiel en Afrique. Elle a notamment un rôle déterminant auprès des populations du Sahel souvent accablées par la misère, le changement climatique et la pression des groupes terroriste. L'AFD est une des clés économiques et sociales de la réussite de l'opération Barkhane : êtes-vous suffisamment associés et avons-nous l'assurance que les aides sont bien dirigées vers les bons objectifs ?

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. Deux questions. Vous avez indiqué que certains programmes de l'AFD ne pourront pas avoir lieu. Quelles sont les premières orientations et pistes retenues pour réorienter ces programmes ? Quelle devrait être la nature des interventions de la Chine en Afrique après la crise ?

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Rémy Rioux, directeur général de l'Agence française de développement

. D'abord les sujets de dettes. Nous sommes actuellement dans un moment keynésien. Dans tous les pays du monde, il faut rapidement apporter des liquidités pour permettre aux gouvernements et à tous les acteurs de faire face aux dépenses supplémentaires qu'entraîne la crise et aux risques qui montent en raison des fractures qui se créent dans les chaînes de valeurs ainsi que dans les équilibres économiques. De notre côté, nous avons recours à nos banques centrales et aux budgets nationaux. Malheureusement, en Afrique, ces instruments ne sont pas disponibles, ni pour les gouvernements, ni pour le secteur privé. De plus, les procédures des institutions financières, auxquelles l'AFD appartient, prennent un certain temps pour débloquer des moyens. Par conséquent, une des solutions au plan international – mais pas la seule – a consisté à décréter un moratoire sur la dette pour débloquer rapidement des moyens financiers. C'est bien un moratoire et non pas une annulation, car une annulation de dette demande du temps et des discussions. L'avantage du moratoire est qu'il permet de libérer instantanément des moyens budgétaires. Cela va donc permettre, comme précisé dans l'accord international, de mobiliser des fonds pour financer essentiellement des dépenses de santé ainsi que les conséquences économiques et sociales de la crise.

Il y a 12 milliards de créances qui étaient dues à titre bilatéral donc vis-à-vis des États. Pour la France cela représente 1 milliard d'euros d'échéances qui vont être décalées – pas annulées à ce stade – et rééchelonnées à partir de 2021. Dans ce milliard d'euros, nous retrouvons 300 millions d'euros d'échéances environ qui devaient être remboursées à l'AFD par nos partenaires en 2020. Le reste correspond à des prêts du Trésor et à des créances commerciales. Si les créanciers privés se mobilisent aussi au-delà de ces 12 milliards d'euros, le ministre a évoqué le chiffre de 20 milliards de dollars représentant l'effet maximal pouvant être attendu à la suite de ce qui a été décidé le 15 avril par le G20 et le Club de Paris. Il faut avoir à l'esprit que l'ensemble des financements pour la santé mondiale représentent annuellement 26 milliards de dollars. Ce moratoire constitue donc un geste extrêmement significatif qui va beaucoup aider les pays concernés. Au sujet du périmètre, ce n'est pas l'AFD qui va choisir dans quel pays le moratoire va s'appliquer, cela a été décidé au niveau international. Il concerne tous les pays éligibles à l'Association internationale de développement (AID), instrument concessionnel de la Banque mondiale, qui concerne 77 pays dont une quarantaine en Afrique. Cela va donc être automatique pour ces États.

La question de l'annulation de la dette a été posée avec force par le Président de la République. Certains pays notamment en Afrique étaient dans des situations très difficiles du point de vue de la dette et vont probablement l'être plus encore après la crise passée. Des discussions sont actuellement engagées. L'Union africaine a désigné quatre envoyés spéciaux pour discuter et définir le cadre dans lequel ces opérations de restructuration de la dette pourront avoir lieu. Évidemment, la France pousse pour un cadre multilatéral et un cadre dans lequel l'ensemble des bailleurs de fonds sont concernés y compris la Chine et les pays émergents qui ont beaucoup prêté à l'Afrique depuis la dernière opération d'annulation de la dette qui date du début des années 2000. Le grand apport réalisé par nos collègues du Trésor au sein du Club de Paris a consisté à impliquer les Chinois. Il est extrêmement important que l'on garde pour l'étape annulation-restructuration de la dette, tous les créanciers publics et potentiellement privés. Sinon, cet effort consistera à rembourser la dette des autres, ce qui n'est pas possible. Cela va néanmoins représenter une discussion très difficile.

L'Union africaine a demandé 100 milliards de dollars en 2020 et 100 milliards supplémentaires en 2021. Ce sont là des ordres de grandeur qui ne nous paraissent pas erronés. Je rappelle une nouvelle fois que l'effet du moratoire représente 20 milliards de dollars. Un besoin de financement considérable perdure cependant pour enclencher le développement du continent. J'en viens donc à notre initiative et à sa décomposition : 1,2 milliard d'euros. Il faut absolument continuer à prêter à l'Afrique à des conditions très favorables. Il y a, par ailleurs, des pays africains qui ne veulent pas qu'on annule leur dette et qui veulent garder un accès aux marchés financiers internationaux et dont la dette est soutenable. Il faudra regarder en détails la situation financière de chacun des pays concernés, une fois la crise passée.

Nous avons identifié 1,5 milliard d'euros de demande. Nous allons essayer de proposer 1 milliard d'euros avec beaucoup de prudence et en lien très étroit avec le ministère des finances. Il faut continuer à faire des prêts en Afrique. Il n'y a pas de contradiction entre ce mouvement positif, utile, sur la dette et la poursuite du financement du continent.

Sur la part des dons, nous avons 150 millions d'euros. Les moyens en subventions dans le projet de loi de finances pour 2020 qui sont délégués du programme 209 vers l'AFD représente cette année un milliard d'euros contre 1,6 milliard l'année dernière. Nous réallouons donc 15 % de l'enveloppe que vous nous avez confiée. Cela représente une première réallocation. Nous pourrons faire plus en cas de nécessité, si la crise sanitaire s'aggrave et s'accélère. Nous n'avons pas voulu tout mettre sur la santé car il faut continuer à porter les projets concernant l'éducation, l'accès à l'eau et l'assainissement, le dérèglement climatique, l'égalité femmes-hommes et donc ne pas changer complètement toute notre programmation.

Nous sommes en train de faire ce travail d'échenillage des programmes que nous ne pourrons pas mettre en œuvre. J'espère que nous pourrons plutôt les décaler sur l'année 2021 car la demande existe et que les travaux préparatoires ont été faits. Il ne s'agit pas de les abandonner. Mais je crains qu'un principe de réalité ne s'impose : les collègues de l'Agence ne peuvent plus faire les déplacements permettant d'instruire les dossiers, ce qui va plus conduire à des décalages qu'à des annulations. Cela va nous permettre de libérer de la place pour les programmes santé et en faire plus, si nécessaire.

L'AFD est calibrée pour gérer des volumes en subventions importants. Nous allons à Bruxelles en chercher et si vous le souhaitez, nous pouvons initier, accompagner et financer un plus grand nombre de projets en dons. Je ne dis pas qu'il nous faut tout financer en prêts. Nous avons également des besoins en dons très significatifs dans les secteurs sociaux et dans les pays les plus pauvres, que nous ne pouvons pas et qu'il ne faut pas financer avec des prêts.

Le programme « santé en commun » est bien entendu articulé avec la réponse multilatérale, qui fait des choses que nous ne faisons pas. J'avais signé à Abidjan, au mois de décembre 2019, un accord avec le Fonds mondial sida. Nous avions identifié la Côte d'Ivoire, le Niger, la République démocratique du Congo pour travailler ensemble. Le Fonds mondial sida va débloquer 500 millions pour faire face à la crise sanitaire actuelle.

La société civile est très importante. Nous avons eu très récemment une réunion avec l'ensemble des organisations non gouvernementales œuvrant dans le domaine de la santé, avec coordination Sud afin de faire le point sur notre activité. Chaque année c'est de l'ordre de 300 à 400 millions d'euros que l'AFD oriente vers la société civile. Nous sommes bien sensibilisés au stress que subissent actuellement de nombreuses organisations de la société civile, en France notamment mais aussi dans tous nos pays d'intervention. Nous sommes très attentifs et nous faisons évoluer nos modalités de décaissement pour les aider à traverser cette passe difficile. Les ONG de plaidoyer, les ONG féministes sont très importantes. Elles ont fait l'objet d'engagements français dans le cadre de la très grande priorité accordée aux questions d'égalité femmes-hommes. Nous allons très prochainement lancer un appel à projets de l'ordre de 15 millions d'euros pour les appuyer. La place des femmes est quelque chose qui change considérablement les performances, les réussites des programmes de santé eux-mêmes. Nous allons donc poursuivre dans cette direction.

Sur la question de la souveraineté, de l'autonomie en Europe comme dans le reste du monde je pense que le débat sur la mondialisation ne fait que commencer. Quelle sera la place des formes d'intégration régionale ? Qu'en sera-t-il de la régionalisation des capacités de production ? Lorsque j'ai débuté ma carrière, en Afrique, il y a vingt ans, l'Union européenne servait de référence en matière de conciliation des intérêts nationaux, régionaux et internationaux. Nous sommes au seuil d'un très grand débat et les Africains auront beaucoup de choses à nous dire car ils disposent d'institutions d'intégration régionale qui fonctionnent assez bien et ils réfléchissent déjà à ce sujet.

Les priorités pour l'Afrique, il faut garder une grande disponibilité et agilité car l'équilibre entre la crise sanitaire et la crise économique et sociale va être différent selon les régions, les sous-régions du monde, notamment en Afrique. L'ampleur du choc sanitaire est encore inconnue et l'ampleur du choc économique va être aussi distinct en fonction de la dureté des plans de confinement, de l'insertion des économies dans l'échelle de valeurs internationales, de l'impact des transferts de migrants, des transferts financiers des diasporas. Dans certains pays, ces derniers représentent des montants bien supérieurs à l'aide publique au développement, qui sont absolument essentiels. Or ils ont baissé de l'ordre de 20 % selon des données de la Banque mondiale, et pour certains pays de l'ordre de 80 % dans les premières semaines de la crise. L'aide publique au développement est également importante car ce sont là des financements qui sont très stables dans le temps et qui face à une crise peuvent jouer un rôle contracyclique, là où d'autres se révèlent procyclique, c'est-à-dire qui accélèrent l'impact de la crise.

Les prévisions rendues publiques par le FMI, il y a deux semaines, soulignent que l'impact économique de la crise en Afrique du Nord est beaucoup plus fort que dans le Sahel. À titre d'illustration, la croissance malienne était initialement prévue à 5,2 % en 2020 et a été recalculée par le FMI – de façon trop optimiste à mon avis – à 4,7 %. Au Sénégal, les prévisions étaient de 5 %, elles ont été révisées à 3 %. En revanche en Tunisie, on parle d'une récession de l'ordre de 5 %. Au Liban on parle d'un recul de 12 % alors que le pays a déjà perdu 6,5 % de sa richesse nationale en 2019. On est sur un choc d'un cinquième de la richesse nationale libanaise, ce qui est incroyablement puissant et ravageur. La situation des pays les plus pauvres est essentielle, c'est le cœur de notre mandat. Regardons également celle de pays plus riches. L'Afrique australe, l'Afrique du Nord sur lesquelles la crise économique aura plus d'impact, en partie parce qu'ils vont prendre des mesures sanitaires qui ressemblent à celles que nous mettons en place dans les pays européens.

Pour répondre sur le secteur privé, je pense avoir été mal compris. Tout le travail de Proparco, depuis plus de quarante ans, c'est précisément de financer les entreprises domiciliées en Afrique et dans les pays du Sud, et non les entreprises domiciliées en France. Ce sont des entreprises qui sont implantées, qui emploient des locaux et produisent des biens et des services dans les pays du Sud. C'est une grande réussite. On a fait la démonstration que l'on pouvait investir avec une grande rentabilité dans des pays très pauvres. Je prenais l'exemple des entrepreneurs africains de nationalité française, ce sont avant tout des entrepreneurs africains qui ont mis toute leur énergie dans la construction d'un secteur privé africain. Et ma très grande crainte, c'est que ce tissu d'entreprises africaines, qui a émergé depuis vingt ans et depuis la première restructuration de la dette africaine, disparaisse. D'ici un an, nous assisterons à des faillites en grand nombre. Il faut très rapidement – et pas uniquement via l'AFD et Proparco – penser la situation financière des gouvernements et la mise en place d'instruments financiers pour traiter cette question. Vous avez récemment voté 300 milliards de garanties pour Bpifrance, afin d'octroyer des prêts et sauver des entreprises dont la situation financière est très dégradée. Cela n'existe pas en Afrique. Ma proposition, c'est d'utiliser Proparco – qui est l'équivalent de Bpifrance en Afrique – et ses réseaux – avec l'ensemble des banques locales dans une quarantaine de pays d'Afrique – pour que le financement de ces entreprises ne cesse pas. Nous sommes en train de préparer des demandes en ce sens. Cela suppose des garanties et des subventions, pour que les instruments financiers – Proparco, mais aussi les instruments européens et internationaux – puissent continuer à faire leur travail, avec davantage d'ambition compte tenu de la situation actuelle des entreprises. Nous avons, par exemple, un produit qui s'appelle ARIZ et qui garantit jusqu'à 50 % des prêts pour une durée maximum de sept ans. Pour s'aligner avec Bpifrance, il faudrait augmenter ce taux de garantie à 90 %. Cela suppose évidemment des moyens supplémentaires, ce qui passe sans doute par un budget renforcé. Si nous aidons les entreprises africaines, je ne vois aucune contradiction à aider les entreprises détenues par des entrepreneurs français sur le continent.

Je ne répondrai pas à la question sur la prise de décision. Une simple précision : tout ce dont je vous ai parlé aujourd'hui passe par le conseil d'administration. Le directeur général de l'AFD n'a quasiment aucune délégation et n'en demande pas. La transparence est totale. Vos représentants au conseil d'administration ont accès à toutes les données, et les ministères valident évidemment les projets présentés.

Nous accélérons en effet notre dématérialisation, compte tenu des contraintes et de l'urgence actuelle. Cet apprentissage sera renforcé à l'issue de cette crise et nous permettra de fonctionner plus rapidement. Nous renforçons également notre présence sur le terrain, conformément à l'orientation de déconcentration que j'avais donné et qui prend aujourd'hui tout son sens dans la crise que nous traversons. Nous allons consolider cela dans le projet d'entreprise.

Concernant les questions géographiques sur les Balkans, je vous ferai peut-être parvenir une réponse écrite sur la réorientation de notre portefeuille d'activité. Ce n'est, à ma connaissance, pas encore le cas car ce portefeuille était très récent et ne portait pas, il me semble, sur les questions de santé. Je demanderai à mes collègues de vous donner l'ensemble des détails.

Le Sahel reste au cœur de nos activités et de notre mandat. Nous travaillons notamment sur de la programmation et de la cartographie conjointe entre les opérations de sécurité et les opérations de développement, notamment dans les zones d'endiguement et dans les zones de prévention. Je crois que nous avons trouvé l'outil de travail en DDD avec les diplomates et les militaires. Nous essayons de rallier l'ensemble des acteurs à notre cause. L'alliance pour le Sahel s'est réunie à Nouakchott sous la présidence de Jean-Yves Le Drian le 27 avril. Nous essayons, sur les différents aspects – développement, sécurité intérieure, défense, diplomatie – d'emmener le maximum d'acteurs pour davantage d'actions sur le terrain, et nos dispositifs de coordination entre l'AFD et l'État-major des armées (EMA) fonctionnent. Il faut que nous relevions les agents sur le terrain. J'ai vu récemment le chef d'État-major des armées, (CEMA) François Lecointre, qui était, je crois, satisfait.

Sur la Chine en Afrique, j'ai peu d'informations si ce n'est des opérations d'approvisionnement en matériel et en masques. Au-delà du moratoire, je n'ai pas vu d'activités financières chinoise tournées directement vers l'Afrique, et celles-ci seraient évidemment bienvenues. Nous avons, encore une fois, un signal positif donné à l'ensemble des pays d'Afrique, et nous devons continuer en ce sens.

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Un mot simplement pour dire que le conseil d'administration est tout à fait nécessaire. Cependant, ce n'est pas au conseil d'administration que les Français prennent, au fond, le sens de la vision qu'un pays porte en matière d'aide au développement. Nous nous sommes battus dans cette commission pour une appropriation plus large par les Français et pour une plus grande lisibilité de l'aide publique au développement. Cette question est toujours sur la table, et a toujours son importance. Si l'on compare avec le Royaume-Uni où l'appropriation est beaucoup plus forte, en France, elle est moindre et je trouve cela tout à fait dommageable. Nous avons préconisé un grand débat annuel au Parlement pour fixer les orientations en matière d'aide publique au développement, et les inscrire dans un projet de loi qui, je l'espère, viendra tirer les conséquences de la crise. Nous voyons bien que le conseil d'administration est une mécanique. Elle existe, et c'est heureux, mais cela n'est évidemment pas suffisant.

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. Je vous remercie pour votre intervention, qui parfois nous glace le sang, et parfois nous met devant la responsabilisation de chacun et de son adaptation à la situation. Certains acteurs africains ont pu juger la proposition d'annulation totale de la dette africaine trop prématurée, soulignant qu'une telle annulation pourrait par exemple compromettre l'accès à des financements futurs, notamment sur les marchés financiers. À l'occasion de votre entretien par le journal Jeune Afrique, vous disiez vous-même que les pays africains devront continuer à s'endetter pour répondre à leurs besoins, étant donné la faiblesse de leurs recettes fiscales. Quelle appréciation portez-vous sur cette situation et sur l'opportunité d'une annulation totale de la dette ?

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. Je voulais avoir des informations sur les contrôles concernant les prêts et les dons qui sont accordés, quels que soient les pays. Des modifications de l'organisation de vos services ont-elles été décidées dans le cadre de la crise que nous connaissons aujourd'hui ? J'aimerais également revenir très rapidement sur les propos de Nicole Le Peih. Sur le terrain, nous entendons beaucoup nos concitoyens critiquer notre démarche à l'égard des pays d'Afrique. J'entends – dans ma circonscription, mais j'imagine que c'est le cas chez beaucoup de mes collègues – qu'il faudrait d'abord s'occuper des personnes chez nous avant d'aider les pays d'Afrique. Je pense qu'il faudrait aussi, monsieur Rioux, communiquer d'une manière intelligente pour montrer que les prêts et les dons octroyés, ainsi que les programmes réalisés sur le terrain, sont utiles pour le futur et pour les intérêts de notre pays.

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. Au préalable, je rejoins Jean-Paul Lecoq sur la nécessité d'un ministre du développement. J'avais trois questions et une remarque. Étant moi-même au conseil d'administration, j'aimerais remercier l'Agence pour l'agilité et la rapidité dont elle fait preuve dans sa gestion de la crise. Une première question de fond, que l'on aura peut-être l'occasion d'évoquer dans le cadre du futur projet de loi : cette crise ne remet-elle pas en cause le modèle de l'aide publique au développement tel que l'on a connu depuis dix-quinze ans, c'est à dire avec une part grandissante des prêts ? C'est bien évidemment lié aux capacités budgétaires que les États donnent et les Assemblées vous accordent. Voyez-vous, si ce n'est une remise en cause, en tout cas un questionnement, sur l'efficacité de l'aide dans ses formes de financement ? L'aide publique au développement est notamment procyclique alors que l'on aurait actuellement besoin d'une aide contracyclique. Mon deuxième point concerne l'appui à la santé communautaire, aux petites communautés. Quels sont les moyens que vous comptez mettre en œuvre pour atteindre le dernier kilomètre de l'aide publique au développement ? Comment allez-vous chercher les acteurs les plus éloignés, notamment dans les pays les plus pauvres ? Mon troisième point, comment comptez-vous appuyer très concrètement les innovations qui existent déjà au niveau local ? Comment pouvons-nous financer les initiatives endogènes ? Une dernière remarque. J'ai été quelque peu déçu par votre propos liminaire qui, pour revenir à ce que disait Jean-Paul Lecoq, ne présentait pas la vision politique qui est la vôtre. Nous avons davantage entendu un compte rendu de l'année écoulée et de la santé financière de l'Agence plutôt que les impacts qui ont été produits sur les populations grâce à vos actions. Je sais aussi que c'est la limite de l'exercice, on ne peut pas tout dire. Mais cela aurait permis de mieux comprendre le lien entre l'orientation politique, donnée par le Gouvernement et l'Assemblée, et l'amélioration du quotidien des populations aidées.

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Je pense que nous payons deux choses. La première, c'est que notre pays lui-même a du mal à faire face à des besoins fondamentaux, ce qui rend plus difficile notre capacité de soutien à l'international. La seconde, nous payons également le retard pris dans la part consacrée à l'aide publique au développement, puisque le chiffre de 0,7 % du revenu national brut demandé par l'Organisation des Nations unies est loin d'être atteint, et ce n'est pas dans ce moment de grande récession que, malheureusement, je vois poindre une hausse de cette aide. Je voulais vous interroger, très précisément, sur la nature des 1,2 milliard de cette aide d'urgence. La part entre le prêt et le don me paraît problématique : cela a déjà été évoqué, mais 150 millions pour 1 milliard de prêt, c'est préoccupant. D'autant plus si l'on considère le problème de la structure de la dette. Le Ghana consacre par exemple onze fois plus au remboursement de sa dette qu'a son propre système de santé. C'est pourquoi le Secrétaire général des Nations unies appelle à une extension du moratoire sur les dettes à tous les pays en voie de développement, et à des allégements. Il importe de restructurer les dettes souveraines de façon coordonnée et complète. Il faut aussi protéger les pays qui doivent rembourser des dettes privées insoutenables et qui se retrouvent le couteau sous la gorge, avec des créanciers privés qui agissent comme des prédateurs. Comment pouvons-nous, d'un point de vue législatif, aider les pays en voie de développement à se protéger de cette prédation ? Sachant qu'il existe une part de la dette liée aux États, mais également une immense part liée à des créanciers privés. Vous avez dit tout à l'heure que ces 1,2 milliard étaient sans préjudices sur ce qu'il se passe dans le reste du monde : pouvez-vous me dire comment vous les ponctionnez ? Je n'ai pas tout à fait compris. Enfin, selon le site d'information Médiapart, 46 % des financements de Proparco vont au renforcement des institutions et des marchés financiers. C'est la question que posait mon collègue Jean-Paul Lecoq sur la nature des aides qui sont apportées. Je vois qu'en France, nous sommes capables de donner 20 milliards d'euros aux grandes entreprises sans contreparties, et je me demande si, au fond, nous faisons la même chose au niveau international en aidant des secteurs qui ne sont pas forcément de nature à préparer le nouveau monde. Vous disiez tout à l'heure que nous étions dans un moment keynésien, je ne suis pas sûre de partager votre analyse. Peut-être va-t-on l'être mais je ne pense pas que le keynésianisme soit adapté à la période actuelle. Il faut changer de modèle de développement pour le rendre soutenable du point du vue environnemental – ce qui n'est pas seulement du capitalisme « verdisé » – et accroître notre capacité à rendre les individus libres, et donc à investir dans ce qui est aujourd'hui fondamental : la santé, l'éducation, l'alimentation, la culture, etc. De ce point de vue, j'aimerais avoir votre sentiment. Vous parlez avec beaucoup d'acteurs. Est-ce que vous avez un réel débat sur le monde d'après et le changement de nos économies ? Ou est-ce qu'au fond, il s'agit de relancer l'aide au développement comme avant ?

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J'insiste sur le fait que les trente pays donateurs ont accru d'1,4 % le montant de leur aide publique au développement, la portant ainsi à hauteur de 152 milliards de dollars. Les mois qui viennent, vous l'avez souligné mes chers collègues, s'annoncent cruciaux pour épauler les pays pauvres dans la lutte contre la pandémie du Covid-19. Je ne remets pas en cause la solidarité internationale avec ces pays. Ici comme là-bas la crise sanitaire à d'énormes conséquences sociales, économiques et démocratiques. Vient, là-dessus, la proposition du Président de la République d'annuler la dette des pays les plus pauvres. Le 15 avril, le G7 s'est mis d'accord pour suspendre pendant un an la dette des 76 pays pauvres dont 40 pays africains. La question de la réciprocité et de la contrepartie se pose. J'ai d'ailleurs adressé, avec plusieurs de mes collègues Les Républicains, un courrier au Premier ministre pour faire le point sur cette situation car je m'interroge sur la réciprocité de nos actions. Je ne vais pas revenir sur les conflits armés, sur les difficultés de plusieurs pays d'Afrique à faire valoir l'égalité entre les hommes et les femmes, les mariages précoces, la démographie galopante, ainsi que sur un certain nombre de choses particulièrement difficiles. Je voudrais insister sur deux points dont on a beaucoup parlé dans notre commission, madame la Présidente, et notamment dans le rapport budgétaire que vous m'aviez confié. La France fait toujours face à une crise migratoire très importante. La primo-délivrance des titres de séjour progresserait de presque 7 % en 2019 par rapport à 2018 avec 276 000 titres de séjour délivrés. Cela représente une augmentation de 27 % entre 2015 et 2019. Aujourd'hui, il est important de rappeler que les chiffres qui concernent la délivrance des laissez-passer consulaires ne sont vraiment pas satisfaisants et de trop nombreux pays africains ne coopèrent pas assez. En 2018, par exemple, la Côte d'Ivoire a délivré 48 % de laissez-passer consulaires, le Sénégal également, le Soudan 69 % et enfin le Mali 76 %. Je voudrais insister aussi sur les fraudes à l'état civil dans certains pays africains qui ont pris une ampleur toute particulière dans ce contexte d'immigration et qui se concentrent aux Comores et en Afrique subsaharienne et sur les fraudes aux mariages qui touchent essentiellement le Maghreb et la Turquie. Je trouve que toutes ces questions sur l'AFD sont extrêmement importantes pour pouvoir engager un nouveau paradigme dans le monde d'après. Enfin, madame la présidente, je voulais dire que je partage tout à fait votre insistance sur le fait que le conseil d'administration ne suffit pas et qu'il faut plus de transparence pour que la représentation nationale s'empare de ces sujets. Pour que l'on puisse continuer à faire en sorte que cette aide au développement perdure, il faut que les Français sachent ce qu'il en est vraiment et que cette réciprocité et cette transparence puissent s'installer.

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. C'est toujours un plaisir, Rémy Rioux, de vous écouter nous donner votre vision. Je partage un peu ce que sous-entendait Jean-Paul Lecoq en vous qualifiant à demi-mot de « ministre du développement ». C'est effectivement le sentiment que l'on a, au vu de l'ampleur qu'a pris l'opérateur dans cette politique publique. Dans cette crise sanitaire, nous ne devons pas oublier la crise économique qui se profile et qui touchera également de plein fouet nos compatriotes établis à l'étranger, comme l'a souligné mon collègue Frédéric Petit. Bon nombre d'entre eux exercent dans des entreprises locales également soumises aux restrictions sanitaires de nos partenaires et notamment au sein d'établissements touristiques et hôteliers qui ont dû fermer subitement sans aucunes garanties de soutien, contrairement à leurs homologues métropolitains Il existe ainsi de grandes inquiétudes au niveau du secteur financier des entreprises de l'économie réelle à l'étranger pour nos concitoyens. Les témoignages qui nous parviennent notamment de ma circonscription du Maghreb et d'Afrique de l'Ouest sont alarmants. Nous savons qu'il faudra compter plusieurs mois, voire plusieurs années, pour que ces établissements puissent rouvrir plongeant ainsi plusieurs de nos concitoyens dans une grande précarité. Alors, monsieur le directeur, je voudrais vous demander comment votre filiale Proparco entend être présente auprès du secteur privé notamment auprès des petites entreprises et de nos compatriotes entrepreneurs présents à l'étranger ? Aujourd'hui c'est apparemment très compliqué lorsque l'on veut déposer un dossier à moins de 2 millions d'euros. Deuxièmement, par rapport à la problématique que vous avez soulevé au Maghreb et la question de l'approvisionnement alimentaire et de la sécurité alimentaire des petits paysans en Afrique – vous avez certainement parlé de l'invasion de criquets qui va toucher de plein fouet les agriculteurs – est-ce qu'il existe un programme particulier au niveau de l'AFD concernant l'approvisionnement et la sécurité alimentaire ? Je voudrais également avoir votre vision sur le sentiment anti-français en Afrique que je peux voir dans ma circonscription, alors même que l'AFD fait énormément et, vous venez de le redire, va faire encore davantage. Comment peut-on faire pour essayer de le faire disparaître ou au moins l'atténuer ? Pour terminer, un sujet qui me tient à cœur, concernant le rapprochement de l'AFD et de la Caisse des dépôts, est-ce que, dans ce moment de crise et au vu des défis qui nous attendent, l'on ne pourrait pas voir advenir ce rapprochement ou cette filialisation ?

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Je suis assez heureuse, en tant que députée, de pouvoir m'occuper des problèmes criants des petits artisans restaurateurs de ma circonscription le matin et de pouvoir ensuite parler des problèmes mondiaux. C'est toute la grandeur et la spécificité du mandat de député. Je voulais, après votre intervention très intéressante, vous interroger sur la question de la souveraineté alimentaire des pays en développement et surtout de l'Afrique. Nous avons eu, ces derniers temps, plusieurs alertes de la FAO, de l'OMS et de l'OMC, sur le fait que les freins à l'exportation pourraient créer une brusque aggravation de la faim dans le monde. La Banque africaine de développement dit qu'en 2025 les importations nettes pour l'Afrique seront multipliées par trois et atteindront 110 milliards de dollars. Nous savons qu'il y a actuellement des surstocks de certains États, des interdictions d'exportation de certains produits comme le blé dans certains pays comme en Russie jusqu'au 1er juillet, une pénurie de main-d'œuvre agricole ainsi que des retards de transports. Tout cela concourt à faire en sorte que la pénurie alimentaire va grandir. Nous avons déjà vu, en 2007, ce que cela a entraîné. Les questions que je pose sont donc : est-ce qu'il faut favoriser la relocalisation pour éviter la dépendance alimentaire ? Quel rôle peut jouer l'aide publique au développement, l'AFD et ses opérateurs, pour minimiser les potentiels impacts de l'approvisionnement alimentaire et ses conséquences inattendues sur le commerce mondial et la sécurité alimentaire ?

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. Merci beaucoup pour ces éclairages sur la situation que traverse aujourd'hui l'AFD dans cette crise du Covid-19. Je souhaitais revenir sur deux aspects fondamentaux autour de l'initiative « Covid-19 santé en commun » pilotée par l'AFD qui est dotée d'un financement d'1,2 milliard d'euros. Ma première question porte sur le recours à la réallocation d'une partie du budget de l'AFD. Vous l'avez dit, il y aura forcément des projets qui seront reportés. Ce que je crains c'est qu'avec cette réallocation certains projets soient remis en cause dans l'optique de l'agenda 2030. J'aimerais aussi savoir si, aujourd'hui et dans ce contexte-là, l'AFD prévoit des financements additionnels en dons par rapport à la programmation actuelle afin d'accroître la réponse globale en matière de soutien pour l'accès aux soins de santé primaire. Est-ce qu'un ciblage par pays est prévu pour s'assurer que ce paquet bénéficie aux pays les plus en difficulté parmi ceux qui sont prioritaires pour l'aide publique française ? Ensuite ma deuxième question porte sur le recours aux prêts. Aujourd'hui, j'ai l'impression qu'avec une réponse constituée à 90 % de prêts peut avoir pour effet d'accroître l'endettement de certains pays. J'aimerais que vous puissiez nous éclairer sur le recours à cet instrument financier par l'AFD et surtout sur la manière dont a été déterminée sa proportion dans le dispositif élaboré. Troisièmement, je me joins à l'appel que vous lancent certains de mes collègues sur la situation de nos entreprises et de nos petits entrepreneurs à l'étranger. Je pense à un pays comme le Laos sur lequel le Covid a eu très peu d'impact et où néanmoins beaucoup de nos entrepreneurs français aujourd'hui souffrent d'une fermeture des frontières qui fait que leur activité a chuté. Qu'est-ce que l'AFD, via sa filiale Proparco, peut faire pour soutenir le besoin de trésorerie de ces entreprises ?

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. D'abord sur la question de l'incarnation politique de ce que l'on appelle encore l'aide au développement. Je comprends que Rémy Rioux ne réponde pas à cette question car c'est une question politique qui dépasse l'AFD. J'y suis revenu dans mes trois rapports budgétaires en appelant à une incarnation politique, c'est-à-dire clairement à un ministre du développement. Sur les fameux 1,2 milliard d'euros. Il y a eu déjà deux projets de loi de finances rectificative. Nous avons trouvé beaucoup d'argent pour aider nos entreprises. Nous ne l'avons visiblement pas trouvé pour l'aide publique au développement. En effet, nous sommes dans la substitution en tout cas dans la réallocation, dans de nouveaux arbitrages plutôt que dans des financements additionnels alors même que pourtant il y a toujours cet engagement de consacrer 0,55 % de notre RNB à l'aide publique au développement. Je voudrais donc savoir pourquoi dans les projets de loi de finances rectificative nous n'avons pas de financements additionnels pour l'aide publique au développement dans le contexte du Covid. Ce qui revient à la question de l'équilibre prêts/dons. Je suis tout à fait d'accord avec ce que vous avez dit sur les prêts. Cependant, il n'empêche qu'il y a un déséquilibre dans l'allocation prêts/dons, alors même qu'il faut rappeler qu'à côté des priorités sectorielles, les priorités géographiques de notre APD, ce sont les pays les plus pauvres. Or, vous l'avez dit tout à l'heure pour les pays les plus pauvres, l'instrument prêt n'est pas le plus pertinent mais c'est bien l'instrument don qui l'est. Cela demande effectivement des financements additionnels qui, en plus, nous permettrons de respecter la trajectoire de 0,55 % du RNB. J'ai une autre question sur l'ampleur du choc économique pour l'Afrique. Il ne faut pas relativiser le drame que va constituer le Covid en termes de décès qui vont venir s'ajouter aux 2 millions de morts par an dus aux trois grandes pandémies que nous connaissons déjà. Sur l'ampleur du choc économique, nous avons beaucoup parlé ici des entreprises françaises en Afrique. Rémy Rioux vous avez parlé du l'entreprenariat africain mais j'aimerais revenir sur les dispositifs qui existent aussi chez Proparco et notamment le dispositif « Choose Africa » de soutien aux entrepreneurs africains. J'avais organisé une conférence à l'Assemblée nationale à ce sujet. La récession en Afrique va tuer comme tue le Covid. Je crois qu'il est très important d'échanger sur le soutien des entreprises françaises en Afrique mais surtout de savoir comment on évite aux entreprises africaines de sombrer parce que cela va avoir des conséquences assez dramatiques.

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. Je vais aller dans le sens de beaucoup d'entre vous. Comme Mme la présidente, je pense que la visibilité de l'action vis-à-vis de nos concitoyens est très importante. Nous voyons que c'est mal compris et c'est donc un point important. Vous avez évoqué le fait que vous alliez présenter un certain nombre d'actions, de réorganisations, à votre Comex la semaine prochaine. Je peux comprendre que vous ne le présentiez pas aujourd'hui mais peut-être que vous pourriez nous parler des constats que vous avez faits. Si vous proposez de faire bouger des choses c'est peut-être parce que vous avez-vous-même fait des constats et que vous pourriez donc nous en parler. Beaucoup de mes collègues vous ont parlé de l'importance des prêts par rapport aux dons. Sur ce point, ce que je voudrais vous dire c'est que le fait de privilégier le prêt va modifier la nature des interventions par essence. Or, ce que nous montre cette crise c'est qu'il y a un certain nombre de choses sur lesquelles il faut investir sans retour. Plus nous choisirons la modalité du prêt, plus cela sera compliqué pour qu'une partie des sommes aille sur des actions fondamentales pour la santé et la vie mais qui ne sont pas obligatoirement rentable. Il est curieux que ce que nous demandons pour nous au niveau européen pour sortir de la crise, nous parlons de dettes perpétuelles, nous ne sommes mêmes pas capables de le porter et de le demander de la même manière pour les pays dans lequel l'APD est dépensée. Il y a donc une forme d'incohérence. Je rejoins tous ceux qui ont évoqué le fait que ce qui est problématique c'est la manière dont l'aide atterrissait auprès des citoyens et des populations. C'est la fameuse granularité. J'aurais aimé que vous nous donniez des pistes dans ce sens-là. J'aurais également aimé que vous donniez des pistes sur la gouvernance. En effet, même si ce n'est pas vous qui donnez les orientations politiques, il y a une manière de travailler. Dans beaucoup de pays, j'ai vu que beaucoup de vos équipes sur le terrain demandait à ce que davantage de décisions puissent partir du bas. Est-ce que vous pouvez donc nous parler également de la gouvernance à l'intérieur ?

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. Je voulais tout d'abord réagir à ce que Pierre Cordier a dit. C'est vrai que l'on a tendance à se demander pourquoi l'on aide l'Afrique alors que l'on souffre en France, l'on a tendance à se demander pourquoi les députés de la commission des affaires étrangères travaillent sur l'Afrique. Il faut faire de la pédagogie et je m'implique moi-même beaucoup pour la reconnaissance des combattants africains à la suite de l'appel du Président de la République. Il faut faire comprendre aux Français que nos espaces sont liés. L'Afrique est à quinze kilomètres de l'Europe. Nous avons une histoire longue et commune et je suis, comme beaucoup d'autres députés de l'Assemblée nationale, le fruit de cette histoire. Je constate que lorsque l'explique aux gens et bien cela fonctionne. Il faut donc davantage l'expliquer et peut-être qu'ainsi nous avancerons. Ma question a trait aux transferts d'argent, monsieur le directeur. Les diasporas africaines sont au cœur de la relation renouvelée avec l'Afrique que le Président de la République appelle de ses vœux. Vous étiez à Ouagadougou et vous savez donc que le Président de la République a posé les bases de cette nouvelle relation, de ce partenariat d'égal à égal, en plaçant les diasporas africaines à l'avant-garde. En effet, les diasporas africaines font le pont entre la France et l'Afrique et jouent un rôle considérable dans le développement de l'Afrique. L'aide publique au développement c'est très important mais les transferts d'argent aussi. Dans certains pays, les transferts d'argent des diasporas africaines représentent trois fois le montant de l'aide publique au développement. Ces fonds sont indispensables pour la consommation directe mais aussi pour le développement local. Le PAISD (Programme d'appui aux initiatives de la solidarité pour le développement) que vous connaissez très bien, le démontre et je suis convaincu de cela. Le lancement en novembre dernier « Meet Africa 2 » révèle aussi que l'aide publique au développement et les fonds de la diaspora sont liés. Vous l'avez rappelé tout à l'heure, la Banque mondiale prévoit une baisse de 20 % des transferts d'argent des diasporas africaines et je plaide pour un dispositif fiscal incitatif pour relancer les transferts d'argent des diasporas africaines. Je plaide pour un dispositif fiscal incitatif pour relancer ces transferts. J'aimerais savoir quelle est votre position monsieur le directeur.

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. Le rôle de l'AFD a toujours été primordial dans la stratégie internationale de la France, désormais accru par la crise pandémique actuelle. Dans un monde perturbé, outre le fait que nous intervenons sur des sujets classiques, est-ce qu'il y a un focus particulier sur les pays où nous essayons de relancer une activité industrielle localisée ? Quid des formations dans les universités et autres des populations locales afin de garder la matière grise dans les pays d'origine ? Y a-t-il un travail continu et renforcé sur ces sujets ? S'agissant de l'action des pays comme la Chine, j'ai entendu que vous n'aviez pas constaté d'activités particulières de ce pays, est-il possible de travailler de concert pour dresser une stratégie globale afin de ne pas entrer en concurrence ? Je pense en particulier aux pays africains dans lesquels nous avons un problème de continuité des financements, afin de mener à bien les gros projets. Une dernière chose. Comment gérez-vous la présence de vos équipes sur le terrain ? Est-ce que le travail et les échanges avec chaque pays ont été modifiés ? Dans ce cas, comment y remédier ?

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. Tout le monde a parlé des entreprises, françaises ou pas, en Afrique qui font vivre un tissu intéressant. Comment faire monter le dispositif ARIZ de 50 à 90 ou 100 % et peut-on appuyer Proparco à travers l'AFD notamment en écrivant aux ministres et au ministre des finances en particulier ? Notre communauté French Tech souffre, notamment en Afrique du Sud. J'ai échangé à ce sujet avec notre ambassadeur dans ce pays. Elle est présente et reste très active en Côte d'Ivoire, à Maurice, au Kenya. Cette communauté embauche de nombreux salariés locaux. Nous avons des outils qui fonctionnent. Je pense à Digital Africa avec ce fonds de 65 millions d'euros qui est mis en œuvre par l'AFD dans son volet renforcement de l'écosystème et par Proparco sur le volet de l'investissement destiné à financer des projets innovants. Peut-on débloquer ce fonds ?

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. Je vais revenir sur le choc économique qui risque d'aggraver la situation des pays africains du fait de la pandémie. L'OMS craint que l'Afrique ne devienne le nouvel épicentre de l'épidémie. Elle estime à 300 000 le nombre de décès et à 30 millions le nombre d'Africains plongés dans la pauvreté. Je souhaiterais insister sur l'effort de l'AFD, 5 milliards d'euros pour l'Afrique, mais des ONG ont souligné que seulement 2 % de cette enveloppe n'était destinée à la santé publique. De quelle manière allez-vous vous assurer que les budgets du plan « Covid-19 santé en commun » ne se feront pas au détriment d'autres projets tout aussi importants pour la santé publique ? Par ailleurs, étant donné que la population africaine pourrait doubler d'ici 2050, de quelle manière l'AFD prévoit-elle sur le long terme que le déploiement du système de santé africain puisse devenir une priorité, au regard de son niveau actuel particulièrement insuffisant au regard de la prise en charge de la santé des populations ? Constat encore plus vrai dans un contexte de pandémie.

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. Nous étions, il y a quelques minutes, avec mes collègues représentants des Français de l'étranger, en réunion avec trois ministres afin d'apporter un soutien solidaire à nos compatriotes établis hors de France. Ma question se pose plus à travers Proparco que directement à l'AFD, j'aimerais savoir dans quelle mesure il vous est possible de soutenir notre enseignement français à l'étranger, en particulier s'agissant des écoles locales en partenariat qui apportent un soutien éducatif aux populations de différents pays. Du fait de cette crise, y aura-t-il une nouvelle orientation de la part de Proparco et le cas échéant, quelle en serait la forme et les contours ?

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. J'ai juste une question à poser. Nous avons compris que ce qui va se jouer, au-delà des moyens, c'est surtout l'efficacité, afin que tout ce qui va être déployé puisse aller rapidement à son objectif. Dans le projet de loi relatif à la solidarité internationale, l'article 7 prévoit un rapprochement entre Expertise France et l'AFD sous pilotage de cette dernière. Faut-il accélérer ce rapprochement pour améliorer l'efficience des moyens qui vont être déployés en direction notamment des pays en développement ?

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. Je souhaiterais féliciter le directeur pour avoir montré l'adaptation de son administration à une situation en rapide évolution. Mais notre problème, le ministère, l'État et à vrai dire l'ensemble du pays, si nous savons assez bien nous adapter à la situation telle qu'elle évolue, c'est notre très grande difficulté d'anticipation. Or, nous sommes confrontés à un problème tout à fait nouveau. L'Afrique peut être totalement bouleversée par le virus selon l'intensité du mal qui va la frapper, selon qu'elle sera dans la situation de la ville de Pau épargnée par le virus ou dans celle de la ville de Mulhouse gravement frappée. Ce sont des scenarii entièrement différents qui auront des conséquences, selon qu'ils soient roses ou noirs, différentes. Si la pandémie devait prendre un tour dramatique en Afrique, nous assisterions à un retour de toute la population française résidant sur le continent africain, ce qui représente un défi terrifiant et pour l'Afrique et pour nous. Est-il possible d'analyser votre action de faire des schémas pour l'avenir sans adopter une méthode reposant sur des scenarii montrant ce qu'il se passe dans le cadre d'un scénario rose – qui ne le sera jamais à cause de l'incidence de la crise générale – un scénario moyen et un scénario noir ? Je ne voudrais pas que nous nous retrouvions dans la situation décrite dans ces souvenirs par Tocqueville, de cet homme dont la maison brûlait et qui se rassurait en se disant qu'il avait la clé en poche.

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Rémy Rioux, directeur général de l'Agence française de développement

. Merci pour vos nombreuses questions et réflexions. Nous nous en nourrirons.

Je suis confus de vous avoir déçu dans mon propos introductif. J'ai pensé utile dans la responsabilité que vous m'avez confiée au mois de mai 2019, de vous présenter l'actualité de l'AFD. Dans mes fonctions de directeur général, le confinement dans tous les pays du monde me pose des problèmes de fonctionnement et notamment de dialogue avec nos partenaires et nos clients, notamment dans les pays où les réseaux ne fonctionnent pas très bien. J'espère que cela sera derrière nous bientôt.

Sur les sujets d'efficacité, je vais essayer de vous en dire un mot. Nous ne renonçons à rien pendant la crise pandémique même si nous rendons nos évaluations et nos procédures plus agiles, plus rapides. Nous sommes une institution financière donc nous mesurons dans nos analyses et nos scénarii plus ou moins stressés le coût du risque qui est en train d'augmenter fortement. Nous essayons d'avoir par nos analystes, nos économistes, une capacité d'anticipation que nous sommes prêts à partager avec vous dans un monde de grande incertitude.

J'ai également eu le tort de m'arrêter aux chiffres. C'est un défi pour notre maison. Nous devons toujours aller jusqu'à l'impact lorsque nous citons des chiffres financiers qui lassent et sont peu convaincants en soi. Il faut donc citer les 4 millions de personnes dont l'accès à l'eau potable a été amélioré l'année dernières, les 7 millions de personnes qui ont un accès à l'électricité grâce aux programmes que la France nous demande de déployer, les 35 millions de personnes qui ont accès à des systèmes de santé. J'aoute 100 000 kilomètres carrés d'espace naturel restauré. Je dois toujours, merci de me le rappeler, aller jusqu'à l'impact car c'est ce qui est notre engagement. Voilà concernant l'Agence.

Quelques réactions sur le débat politique. Je ne souhaite contribuer qu'à un débat politique le plus fort, éclairé et puissant possible sur la politique de développement. C'est pour la mettre en œuvre que vous m'avez nommé. Cette future loi sur le développement est très attendue et importante, vous y avez contribué, et j'espère qu'elle va advenir. Comme vous l'avez dit, il y a un sentiment anti-français qui touche aussi la politique de développement, je suis persuadé qu'un récit et une posture nouvelle peuvent refonder notre politique de développement et que les projets que l'on met en œuvre prennent toutes leurs dimensions parce qu'ils auront été placés dans ce récit. J'ai contribué, l'année dernière, à ces réflexions. J'ai même publié un petit livre. J'ai proposé un concept qui s'appelle « réconciliation », à titre personnel, sans préjudice de l'action de l'Agence, en particulier de ses apports dépassant la seule technique. Tout cela contribue au débat sur le jour d'après. Je remercie ici le député Hubert Julien-Laferrière qui m'a invité, il y a quelques jours, à « webinaire » sur le jour d'après. J'ai commencé par dire que pour penser le jour d'après, il faut penser le jour d'après du jour d'après, soit l'horizon de moyen terme, l'horizon des objectifs de développement durable, l'horizon de la neutralité carbone à 2050. À ce sujet, nous sommes dans un moment keynésien parce qu'il est indispensable de mobiliser des liquidités massivement dans toutes les régions du monde, chez nous, comme en Afrique et dans le monde en développement. Nous ne parlons plus de New Deal mais de Green New Deal si j'ai bien entendu les débats à Bruxelles comme à Paris. Dans ce cadre, vous pouvez compter sur l'AFD. Vous connaissez sa stratégie. Nous sommes une Agence qui veut respecter à 100 % l'accord de Paris sur le climat. Ce n'est pas juste un mot. C'est inscrit dans nos procédures. Depuis quinze ans, nous avons accumulé une expérience sur les sujets de transition énergétique, d'adaptation et aujourd'hui, plus particulièrement, sur les sujets sociaux, à savoir la réconciliation entre la dimension environnementale et la dimension économique et sociale. Nous sommes parfois critiqués au regard des réformes et des transformations que nous demandons en contrepartie de nos financements. Ce débat, nous le portons au plan international autant qu'au plan national.

Je vois souvent Éric Lombard et vous connaissez les engagements sur le développement durable de la Caisse des dépôts et consignations, de sa filiale Bpifrance, au même titre que l'AFD et de sa filiale Proparco. Je suis à votre disposition pour présenter le projet des banques publiques du monde. Les 450 à travers le monde que l'on réunira le 12 novembre 2020. Ce sont ces instruments, les instruments publics, les caisses de dépôt, qu'il faut mobiliser pour que le monde d'après ne ressemble pas au monde d'avant et que nous réalisions les investissements nécessaires à la sortie de crise actuelle en désinvestissant un certain nombre de politiques ou de secteurs qui nous y ont amenés. Les banques publiques peuvent par ailleurs agir sur la crise des migrants. La caisse des dépôts italienne a conclu un accord avec celle du Maroc pour gérer l'épargne de la diaspora marocaine en Italie. Ils ont mis en place des dispositifs pour que celle-ci s'oriente vers des choix d'investissement au Maroc via la coordination de ces deux institutions financières publiques.

Sur la série de questions portant sur les financements, nous sommes une agence de développement, donc nous avons besoin impérativement de dons, de ressources budgétaires. Je précise ce premier point parce que notre mandat est de servir les plus pauvres dans les pays les moins avancés sur le plan économique, dans les pays en crise et pour sur les secteurs sociaux. D'ailleurs, la santé ne représente pas 2 % mais 4 % de l'activité de l'AFD. Ce secteur représente 10 % de nos subventions et 15 % cette année grâce au programme « santé en commun ». Nous avons besoin de plus de dons. Nous sommes prêts. La machine opérationnelle peut gérer plus de dons. Mais nous ne pouvons pas multiplier les moyens. Nous faisons avec les moyens qui nous sont accordés dans le cadre de la loi de finances que vous votez, soit 1 milliard d'euros cette année contre 1,6 milliard d'euros l'année dernière. Ce sont ces moyens que je dois répartir et le cas échéant réorienter en cours d'année sous le contrôle du conseil d'administration entre les programmes et les secteurs que nous finançons.

Je trouve, par ailleurs, qu'il existe un paradoxe. À l'heure actuelle, les pays du monde entier s'endettent massivement pour faire face à la crise, ce qui n'est pas sans poser de grands débats, de grandes discussions. Notre pays s'endette considérablement pour lutter contre cette crise. Or, s'agissant de l'Afrique, son seul mode de financement devrait être limité à l'option des dons. D'une part, un principe de réalité s'imposera, je viens de l'indiquer. Les volumes de dons accordés dans l'APD ont augmenté de 1,5 %. Je ne crois pas qu'elle soit procyclique. Enfin, elle n'est pas vraiment contracyclique. Je suis d'accord avec Hervé Berville. Elle augmente. Pas suffisamment. Mais la capacité en dons de la communauté internationale à destination de l'Afrique va être limitée et ne suffit manifestement pas à faire face à la crise. Il faut absolument trouver d'autres instruments de financement pour l'Afrique. Le moratoire en est un. L'émission de DTS (droits de tirages spéciaux), on en parle au FMI. Il s'agit de dettes à très long terme. S'il y a une émission de 500 milliards de dollars, cela rapporterait 30 milliards de dollars immédiatement à l'Afrique. Ce serait fort utile. La Banque mondiale poursuit ses prêts à l'Afrique. C'est son mode d'intervention et elle n'est pas critiquée à ce titre. Ensuite, la capacité d'un pays à s'endetter dépend de sa capacité à lever l'impôt. Dans notre pays, le consentement à l'impôt est très élevé. On y prélève de l'ordre de la moitié de la richesse nationale pour financer les services publics. Dans beaucoup de régions d'Afrique, ce taux de prélèvement est beaucoup plus faible, 25 % en Afrique du Nord donc celle-ci a la capacité de s'endetter plus que les pays du Sahel où le taux de pression fiscale est de l'ordre de 15 à 17 % selon les pays. Le poids de la dette se regarde donc différemment d'un pays à l'autre selon que l'on soit capable de la rembourser ou pas. Le mix entre les prêts et les dons doit donc se faire pays par pays.

J'ajoute que Proparco investit. Le groupe AFD investit dans le renforcement des systèmes financiers, afin de traduire concrètement nos agrégats financiers. Il faut que ces montants arrivent jusqu'aux communautés, aux villages, aux agriculteurs. Les filières agricoles, la sécurité alimentaire vont être des sujets majeurs comme en 2008. Dans les pays en développement, ces circuits financiers ne sont pas suffisamment capillaires ou développés pour produire un effet sur les ménages et en particulier les ménages les plus pauvres. Un axe extrêmement important de l'activité de l'AFD, de l'activité de Proparco, est la conception d'un plan Covid-19 Choose Africa qui sera proposé au Gouvernement et sur lequel je suis disposé à débattre avec vous. Il y aura un volet PME et un volet microfinance. Les réseaux de microfinance vont considérablement souffrir de la crise actuelle parce très sensibles aux impayés. Or ils sont les seuls instruments dans certains pays permettant d'arriver jusqu'aux ménages pauvres et d'amener les transferts des migrants. Il faut absolument que les réseaux de microfinance ne tombent pas et qu'on ait les moyens de les accompagner. Ce qui est vrai pour les institutions de microfinance l'est aussi pour des institutions financières plus solides comme les banques locales qui financent les PME et les ménages et qui doivent résister à un choc financier qui viendrait suivre un choc sanitaire et un choc économique. Ce dont nous avons besoin, comme avec Bpifrance et c'est le choix du gouvernement et du Parlement, ce sont de garanties publiques de nos activités financières afin de pouvoir prendre plus de risques face à la crise. La question reviendra lors des prochaines lois de finances. J'appelle à un débat sur les moyens de financement, comme en France, pour notre activité internationale dans le cadre d'un récit. Un récit général où l'on comprend qu'il en va de notre intérêt de consolider le maillon le plus faible, les zones de départ des migrants. Ces zones doivent se développer. Nous devons avoir des instruments locaux d'abord. Dans l'attente que ceux-ci soient suffisamment puissants, avec l'appui de la communauté internationale.

J'ai bien en tête le rapport de Mme Cazebonne sur le financement des établissements français à l'étranger, notamment les établissements locaux qui vont eux aussi subir les effets de la crise. Le ministre a souligné l'importance de ce dossier complexe et devrait faire une proposition constructive, notamment sur le lycée de Brasilia qui pourrait s'étendre et qui cherche un financement de Proparco en particulier. Nous travaillons sur cette solution compte tenu du niveau de risque qui s'attache à ce type d'établissement.

Sur les transformations internes de l'Agence, si vous votez le rapprochement avec Expertise France, nous pourrons construire un groupe, dans le respect de chacune des entités et le maximum de synergies. Nous avons apporté en 2018, 7 millions d'euros de contrats à Expertise France et 130 millions d'euros en 2019. Voilà l'ordre de grandeur de ce que nous faisons pour démultiplier ces sujets d'expertise qui sont très importants. Les statuts du personnel de l'AFD seront renégociés afin de lui donner plus de réactivité, de flexibilité, tout en gardant un socle social commun. Nous allons enfin nous rapprocher des antennes locales, suivant une logique de déconcentration afin de gagner en efficacité. Nous avons créé des directions régionales. Nous sommes en train de les structurer. Nous mutualisons également des agences pays. Voilà quelques exemples de nos travaux internes. Je suis à votre disposition pour plus de développement.

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. Merci pour toutes tes réponses très précises. Sur la question des dons, nous avons collectivement noté la diminution des financements par rapport à l'année dernière, même si c'est une trajectoire en augmentation. Néanmoins, cet arbitrage devait donner plus de moyens en dons pour le ministère de l'Europe et des affaires étrangères et notamment pour le Centre de crise et de soutien (CDCS). Au fond, c'est l'utilisation de ces dons qui se pose. S'agit-il de dons pour augmenter l'effet de levier et permettre d'engager plus de prêts ou s'agit-il de permettre à l'AFD de concevoir des projets, notamment sur des secteurs sociaux puisque c'est une des priorités définies par la commission ou en matière de santé publique comme l'a dit le Président de la République ? Il ne s'agit pas que l'AFD devienne simplement un endroit où l'argent passe sans valeur ajoutée. Nous avions à cœur de donner plus d'argent au CDCS et on a pu voir son utilité dans la crise. Sur la question de l'éducation et de la santé, quelle est l'efficacité des projets de l'AFD depuis trois ou quatre ans, leur capitalisation afin de donner du sens à notre action – nous le voyons sur l'action santé aujourd'hui – et distinguer notre identité, qui est différente de l'action multilatérale, de l'action du Royaume-Uni ou des États-Unis ou de l'Allemagne. In fine, quelle est l'identité de la France sur ces questions de santé ? Est-ce que c'est la couverture maladie universelle ? Les hôpitaux ? Le développement de la santé communautaire ? Ce serait intéressant d'avoir cette discussion dans les prochains mois.

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. Plusieurs collègues vous ont interrogé sur les aides aux entreprises locales liées à des intérêts français et qui participent au développement local. Je n'ai pas saisi les aides que l'AFD peut leur apporter. Elles ont besoin d'enjamber le cap. Souvent, ce n'est qu'une question de trésorerie courant sur quelques mois. Certaines sont prêtes à rembourser. Les entreprises que ceux qui sont implantés sur le terrain connaissent très bien. Vous avez annoncé votre plan Covid-19 Choose Africa, préparez-vous un plan Covid-19 Choose Asia ?

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Nous avons été saisis ce matin du projet de contrat d'objectifs et de moyens entre l'État et Expertise France que Bérengère Poletti suit. Nous aurons une réunion de travail avec le directeur général d'Expertise France, Jérémie Pellet, jeudi 14 mai. Cela pose la question de la pertinence dans un monde d'après-crise des types d'organisation et des orientations pensés avant la crise. Notre commission se saisira de cette question puisque le calendrier nous en donne l'occasion.

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Rémy Rioux, directeur général de l'Agence française de développement

. Je souhaiterais revenir sur un point important. Dans ce nouveau récit de l'aide publique au développement, que je préfère appeler politique de développement, de développement durable, Hervé Berville a parlé « d'innovation partagée ». J'ai essayé de dire que cette crise va peut-être faire prendre conscience de qu'il se passe dans certains pays. J'ai mentionné le Vietnam mais aussi un certain nombre de pays d'Afrique où l'on sait vivre avec des virus alors que nous, nous l'avions oublié. Il se passe des expériences particulières dans le domaine sanitaire mais aussi dans les autres dimensions de la crise dont nous pouvons nous nourrir et en tirer des conséquences. M. Berville a insisté pour que l'on renforce l'innovation, qu'il y ait un fonds innovation. Je souhaite que l'Agence fonctionne dans les deux sens. Elle contribue à l'influence française et à la solidarité, mais elle doit ramener en France un maximum d'expériences et savoir les transmettre à la Caisse des dépôts et à d'autres acteurs afin de tirer profit des bonnes pratiques et nourrir l'innovation. C'est ainsi que je comprends la politique de développement et de coopération. Partage. Lien. Coopération.

Je saisis l'importance du Centre de crise, nous l'avons mesuré ces derniers temps. Vous avez auditionné Éric Chevalier récemment qui fait un travail formidable. Cependant, la mission humanitaire n'est pas la mission de développement. J'ai toujours bien distingué les choses. Ceci dit, il est très heureux que les moyens d'intervention humanitaire de la France soient renforcés et d'ailleurs, il s'agit d'un choix politique qu'il ne m'appartient pas de commenter. Sur un autre sujet, les programmes de l'AFD se déploient sur plusieurs années, donc nous sommes très sensibles aux les autorisations d'engagement, au-delà des seuls crédits de paiement, car cela nous permet de nous engager sur le long terme.

Nous savons monter des initiatives. Nous savons les mettre en œuvre. Nous savons de mieux en mieux les évaluer. Le conseil d'administration y est très attentif. Il faut parvenir à construire plus puissamment la maille intermédiaire qui est celle de la capitalisation sur la somme des projets et du coup à donner un sens particulier, une signature à l'action de la France dans les différents domaines dans lesquels vous nous demandez d'intervenir, que ce soit l'éducation ou la santé.

S'agissant de la santé, notre angle porte sur le renforcement du système de santé et non pas le traitement de maladies spécifiques. Il y a d'autres instruments pour le faire. Nous devons aller plus loin sur le sens. Par exemple sur les laboratoires dans le cadre de Covid-19, sur la capacité de production locale. Il ne suffit pas de le dire. Il faut que ce soit perçu par les bénéficiaires et in fine par les Français. Tout ce travail d'explication, il faut que l'Agence y contribue et que bien sûr vous le considériez et nous dites si nous sommes dans la bonne direction ou pas.

Pour conclure, sur les entreprises françaises, nous allons proposer un programme en direction des entreprises en Afrique dans le cadre de la lutte contre le Covid-19. S'agissant des financements, nous avons ce dispositif nommé ARIZ, dispositif de garanties des prêts octroyés par les banques dans lesquelles les entreprises africaines, y compris celles détenues par des intérêts français, ont des comptes. Or, ces banques sont en train de réduire voire d'annuler les financements à ces entreprises compte tenu de la dégradation de leur activité et donc de leur capacité à rembourser ces prêts, d'où la nécessité d'avoir des garanties publiques pour assurer la continuité de ces financements. Le groupe AFD, via Proparco, fait 160 millions d'euros de garanties chaque année. Il faut certainement le faire pour des montants plus élevés et que les banques continuent à faire leur travail de financement des entreprises. Aujourd'hui, il faudrait passer de 50 à 80-90 % des garanties de prêts pour que la machine financière continue de fonctionner. Voilà une proposition très concrète qui suppose l'intervention du Parlement et d'abord du Gouvernement et qui serait dans l'intérêt des entrepreneurs africains de quelque nationalité qu'ils soient, y compris les entrepreneurs français implantés en Afrique. Il peut y avoir des financements directs par Proparco, mais c'est une entreprise de petite taille. Elle intervient sur des projets au-delà d'un certain montant. Donc pour toucher des projets plus petits, il faut passer par des systèmes de financement local et des garanties.

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Nous sentons l'intérêt de l'ensemble des parlementaires pour cette grande question du développement et de la lutte contre les inégalités mondiales. Je le dis avec précaution : si l'on regarde ce qui se passe en Afrique où l'on observe un doublement régulier du nombre de cas de contamination chaque semaine, c'est-à-dire une épidémie ou une pandémie qui avance lentement mais sûrement, à ce moment-là, et je le dis avec une grande prudence, nous pouvons aller vers une situation extrêmement lourde, extrêmement difficile sur ce grand continent africain, avec toutes ses conséquences, sur le plan sanitaire, économique, social, humanitaire, sociétal. Ces conséquences, je pense d'abord à l'Afrique évidemment, mais elles toucheront également l'Europe. C'est très important que nos concitoyens en prennent conscience. En France, comme dans l'ensemble des pays européens et du monde avec une crise économique et sociale comme nous n'en aurons probablement jamais vue, nous avons un devoir de solidarité avec ce grand continent voisin et proche car, de toute façon, ce qui se passera en Afrique aura des conséquences dans l'Union européenne et dans nos pays européens.

La seconde chose importante, c'est qu'il faudra, monsieur le directeur, regarder le jour d'après. Le jour d'après ne ressemblera pas au jour d'avant. Mais il nous faudra reconstruire. Reconstruire avec un état des lieux qui sera évidemment difficile mais il faudra reconstruire au lendemain de la crise. Je crois que, dans la reconstruction, il faudra penser le développement de façon différente. Nous aurons besoin d'un pacte mondial pour que les Africains puissent vivre de leurs propres ressources. Nous aurons besoin, au fond, d'arrêter d'assister ou de porter assistance alors qu'il faut créer les conditions de l'autonomie, de l'indépendance, qu'elle soit alimentaire ou qu'elle soit sur l'ensemble des matières premières. C'est aux Africains de gérer ces richesses potentielles, c'est à eux de les transformer, c'est à eux de faire en sorte qu'elles puissent bénéficier à l'ensemble de leur population selon un principe de bonne gouvernance. Je crois qu'il faudra vraiment reconstruire probablement sur des bases nouvelles. C'est notre responsabilité à tous.

La séance est levée à 12 heures 30.

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Aude Amadou, Mme Clémentine Autain, M. Frédéric Barbier, M. Hervé Berville, M. Jean-Louis Bourlanges, Mme Valérie Boyer, Mme Samantha Cazebonne, Mme Annie Chapelier, Mme Mireille Clapot, M. Jean-Michel Clément, M. Pierre Cordier, M. Alain David, M. Christophe Di Pompeo, Mme Frédérique Dumas, Mme Laurence Dumont, M. Nicolas Dupont-Aignan, M. M'jid El Guerrab, M. Michel Fanget, Mme Anne Genetet, M. Éric Girardin, Mme Olga Givernet, M. Hubert Julien-Laferrière, M. Rodrigue Kokouendo, Mme Sonia Krimi, Mme Aina Kuric, Mme Amélia Lakrafi, M. Jean-Paul Lecoq, M. Jean François Mbaye, M. Frédéric Petit, Mme Bérengère Poletti, M. Didier Quentin, Mme Isabelle Rauch, M. François de Rugy, Mme Laetitia Saint-Paul, Mme Marielle de Sarnez, Mme Sira Sylla, M. Buon Tan, Mme Liliana Tanguy, Mme Valérie Thomas, M. Sylvain Waserman

Excusés. - M. Claude Goasguen, M. Bruno Joncour, Mme Marion Lenne, Mme Nicole Le Peih, Mme Brigitte Liso, M. Jean-Luc Reitzer