Intervention de Rémy Rioux

Réunion du jeudi 30 avril 2020 à 10h00
Commission des affaires étrangères

Rémy Rioux, directeur général de l'Agence française de développement :

. Je souhaiterais revenir sur un point important. Dans ce nouveau récit de l'aide publique au développement, que je préfère appeler politique de développement, de développement durable, Hervé Berville a parlé « d'innovation partagée ». J'ai essayé de dire que cette crise va peut-être faire prendre conscience de qu'il se passe dans certains pays. J'ai mentionné le Vietnam mais aussi un certain nombre de pays d'Afrique où l'on sait vivre avec des virus alors que nous, nous l'avions oublié. Il se passe des expériences particulières dans le domaine sanitaire mais aussi dans les autres dimensions de la crise dont nous pouvons nous nourrir et en tirer des conséquences. M. Berville a insisté pour que l'on renforce l'innovation, qu'il y ait un fonds innovation. Je souhaite que l'Agence fonctionne dans les deux sens. Elle contribue à l'influence française et à la solidarité, mais elle doit ramener en France un maximum d'expériences et savoir les transmettre à la Caisse des dépôts et à d'autres acteurs afin de tirer profit des bonnes pratiques et nourrir l'innovation. C'est ainsi que je comprends la politique de développement et de coopération. Partage. Lien. Coopération.

Je saisis l'importance du Centre de crise, nous l'avons mesuré ces derniers temps. Vous avez auditionné Éric Chevalier récemment qui fait un travail formidable. Cependant, la mission humanitaire n'est pas la mission de développement. J'ai toujours bien distingué les choses. Ceci dit, il est très heureux que les moyens d'intervention humanitaire de la France soient renforcés et d'ailleurs, il s'agit d'un choix politique qu'il ne m'appartient pas de commenter. Sur un autre sujet, les programmes de l'AFD se déploient sur plusieurs années, donc nous sommes très sensibles aux les autorisations d'engagement, au-delà des seuls crédits de paiement, car cela nous permet de nous engager sur le long terme.

Nous savons monter des initiatives. Nous savons les mettre en œuvre. Nous savons de mieux en mieux les évaluer. Le conseil d'administration y est très attentif. Il faut parvenir à construire plus puissamment la maille intermédiaire qui est celle de la capitalisation sur la somme des projets et du coup à donner un sens particulier, une signature à l'action de la France dans les différents domaines dans lesquels vous nous demandez d'intervenir, que ce soit l'éducation ou la santé.

S'agissant de la santé, notre angle porte sur le renforcement du système de santé et non pas le traitement de maladies spécifiques. Il y a d'autres instruments pour le faire. Nous devons aller plus loin sur le sens. Par exemple sur les laboratoires dans le cadre de Covid-19, sur la capacité de production locale. Il ne suffit pas de le dire. Il faut que ce soit perçu par les bénéficiaires et in fine par les Français. Tout ce travail d'explication, il faut que l'Agence y contribue et que bien sûr vous le considériez et nous dites si nous sommes dans la bonne direction ou pas.

Pour conclure, sur les entreprises françaises, nous allons proposer un programme en direction des entreprises en Afrique dans le cadre de la lutte contre le Covid-19. S'agissant des financements, nous avons ce dispositif nommé ARIZ, dispositif de garanties des prêts octroyés par les banques dans lesquelles les entreprises africaines, y compris celles détenues par des intérêts français, ont des comptes. Or, ces banques sont en train de réduire voire d'annuler les financements à ces entreprises compte tenu de la dégradation de leur activité et donc de leur capacité à rembourser ces prêts, d'où la nécessité d'avoir des garanties publiques pour assurer la continuité de ces financements. Le groupe AFD, via Proparco, fait 160 millions d'euros de garanties chaque année. Il faut certainement le faire pour des montants plus élevés et que les banques continuent à faire leur travail de financement des entreprises. Aujourd'hui, il faudrait passer de 50 à 80-90 % des garanties de prêts pour que la machine financière continue de fonctionner. Voilà une proposition très concrète qui suppose l'intervention du Parlement et d'abord du Gouvernement et qui serait dans l'intérêt des entrepreneurs africains de quelque nationalité qu'ils soient, y compris les entrepreneurs français implantés en Afrique. Il peut y avoir des financements directs par Proparco, mais c'est une entreprise de petite taille. Elle intervient sur des projets au-delà d'un certain montant. Donc pour toucher des projets plus petits, il faut passer par des systèmes de financement local et des garanties.

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