. Oui, le budget annuel est de 2,8 milliards de dollars, mais l'OMS vote son budget sur deux ans. C'est pour cela qu'on trouve 5, 6 milliards. Pour cette année, on est à 2,8 milliards de dollars et, sur ces 2,8 milliards, il y a 80 % à peu près qui sont des contributions volontaires, fléchées pour des programmes spécifiques et cela donne du poids aux personnes qui fournissent l'argent, aux donateurs. Ces contributions sont données directement aux programmes. Cela veut dire qu'il y a une « dépendance au donateur » qui s'installe et que le secrétariat de l'OMS et son directeur général « courent » après les financements. Marie-Paule Kieny, dans son intervention, a rappelé comment cela avait conduit notamment au définancement des programmes de réponse d'urgence.
Deuxième point, la réforme de la gouvernance. Il y a plusieurs choses envisageables. J'ai rapidement parlé de la régionalisation. Pour les spécialistes de l'OMS, l'organisation régionale et en bureaux régionaux, c'est quelque chose qui fait débat et dont la réforme a été envisagée à plusieurs reprises, sans succès jusqu'à présent. Cette régionalisation vient de la création de l'OMS en 1948. Quand l'OMS a été créée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, elle a intégré les organisations sanitaires internationales qui préexistaient. Parmi celles-ci, il y avait des organisations régionales, en particulier le Bureau sanitaire panaméricain, une organisation pour le continent américain au sein de laquelle les États-Unis étaient très actifs. Il était finalement hors de question de faire disparaître ces organisations qui sont aussi des leviers d'influence politique pour les États. Il en résulte cette couche organisationnelle avec des bureaux régionaux qui sont dirigés par des directeurs régionaux, qui sont élus par les États membres de la région. Jusqu'à présent, il n'y a pas de réforme d'ampleur qui soit intervenue sur ce levier. Mais ce n'est pas le seul sur lequel il faut agir pour assurer une réforme de la gouvernance. On peut également penser à davantage d'inclusion de la société civile et à donner plus de visibilité aux États membres en cas d'épidémie, notamment à travers l'Assemblée mondiale de la santé et du conseil exécutif de l'OMS. Le conseil exécutif, ce sont certains États membres seulement qui sont élus par l'Assemblée mondiale de la santé et qui vont finalement épauler le directeur général dans son action, et c'est vrai qu'on ne les voit pas beaucoup jusqu'à présent pendant cette crise. Dans deux semaines, il y aura une Assemblée mondiale de la santé qui se réunira de manière virtuelle.
Je mentionnerai ensuite le renforcement du pouvoir d'investigation et de contrainte vis-à-vis des États, par exemple dans le cadre du règlement sanitaire international. Le renforcement également de ses capacités d'expertise scientifique, pour prendre en compte notamment des situations d'incertitude, c'est tout l'enjeu de la crise actuelle. Comment faire pour que l'OMS réagisse vite, alors que l'on est dans une situation d'incertitude ? Notamment, est-ce qu'il y a transmission interhumaine ou pas et quel niveau de mesures on adopte dès le départ ?
Enfin, dernière proposition : amplifier son rôle directeur au sein de la gouvernance mondiale de la santé, notamment dans les différentes initiatives internationales. Marie-Paule Kieny mentionnait il y a un instant l'initiative « ACT », le marathon pour trouver des financements pour la recherche et donc amplifier, renforcer, prendre bien en compte la spécificité de l'OMS, c'est-à-dire le fait qu'elle est l'organisation internationale universelle. Cela complique son travail et, dans le même temps c'est la seule organisation de ce type, et c'est indispensable pour garantir les principes de légitimité et d'universalité dont on a besoin en ce moment.