Commission des affaires étrangères

Réunion du mercredi 6 mai 2020 à 9h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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Audition, en visioconférence, de Mme Auriane Guilbaud, maîtresse de conférences en science politique à l'Institut d'études européennes, Université Paris 8, et Mme Marie-Paule Kieny, directrice de recherche à l'INSERM, membre du think tank « Santé mondiale 2030 », sur la gouvernance mondiale de la santé.

La séance est ouverte à 9 heures 30.

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Nous sommes très heureux d'accueillir aujourd'hui, pour cette audition consacrée à la gouvernance sanitaire internationale, deux personnalités. Nous accueillons Auriane Guilbaud, qui est spécialiste des politiques de santé mondiale et auteure de plusieurs ouvrages sur ce sujet, et Marie-Paule Kieny, qui est directrice de recherche à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) et membre du think tank Santé mondiale 2030. Vous avez également été sous-directrice générale de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Les parcours qui sont les vôtres à toutes deux et vos expériences respectives seront très précieux pour nous, pour analyser la politique de santé mondiale à l'aune de la pandémie que nous connaissons, pour faire le point sur les atouts de cette politique, les limites de cette politique, et sur les pistes d'amélioration.

Nous le savons tous, face à cette crise la coopération internationale est essentielle. Mais la pandémie a mis à l'épreuve l'OMS. Il faudra des évolutions, de nombreuses questions se posent sur son fonctionnement, son financement, ses relations avec les États, comme sur ses relations avec les autres grands acteurs mondiaux de santé. Nous aimerions vous entendre sur toutes ces questions et surtout sur les évolutions qui seront souhaitables pour que l'OMS puisse vraiment devenir demain un acteur central et efficace de la gouvernance sanitaire mondiale.

Cette gouvernance sanitaire mondiale compte de nombreux acteurs : des fondations comme la fondation Bill et Melinda Gates, des partenariats public-privé comme le Gavi (Alliance globale pour les vaccins et l'immunisation), sans oublier le Fonds mondial et l'organisation internationale UNITAID. Vous nous direz ce que vous pensez de la proposition française de création d'un GIEC de la santé, proposition portée en particulier par Jean-Yves Le Drian. Cette coopération sanitaire internationale doit aussi permettre d'assurer une pleine solidarité envers les pays dont les systèmes de santé sont particulièrement vulnérables. Nous aimerions aussi entendre vos préconisations pour assurer la prise en compte de cette solidarité qui est absolument essentielle.

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Auriane Guilbaud, maîtresse de conférences en science politique à l'Institut d'études européennes, Université Paris 8

La pandémie de Covid-19 est l'occasion de revenir sur la gouvernance mondiale de la santé, de la questionner, et en particulier de s'intéresser au rôle de l'OMS, qui est au centre de l'attention ces derniers temps, ce qui est normal, puisque l'une de ses missions centrales porte sur la surveillance des maladies infectieuses. Je vais aborder trois points pour contextualiser la réponse internationale à la crise actuelle et les critiques adressées à l'OMS. D'abord, je dresserai un rapide panorama des évolutions de la gouvernance mondiale de la santé, je rappellerai dans un deuxième point la spécificité de l'OMS dans la lutte contre les épidémies, puis je ferai un troisième point sur les crises précédentes que l'OMS a affrontées.

Sur le contexte général de la gouvernance de la santé d'abord. Il est normal que l'OMS, compte tenu de son rôle, soit au centre de l'attention. Mais c'est également remarquable, car ces vingt dernières années les financements dans le champ de la santé mondiale se sont beaucoup développés, nous sommes passés de 10 milliards de dollars en 2000 à 40 milliards de dollars aujourd'hui, soit un quadruplement en vingt ans, et seulement 7 % de ces financements sont consacrés au budget de l'OMS. Ce fort développement du domaine de la santé mondiale est allé de pair avec sa fragmentation, comme vous le rappeliez dans votre introduction madame la présidente. De nouveaux acteurs sont apparus, donnant de l'influence à des nouveaux bailleurs de fonds : la fondation Bill et Melinda Gates, des fonds verticaux comme le Fonds mondial qui fournit des financements pour des maladies spécifiques, des partenariats public-privé comme le Gavi ou le CEPI (Coalition for Epidemic Preparedness Innovations), qui sont des initiatives visant à fournir des traitements ou des vaccins.

L'attention portée à l'OMS pendant cette pandémie est également remarquable parce qu'en 2014, lors de l'épidémie d'Ebola en Afrique de l'Ouest, ce sont quelques États, emmenés par les États-Unis mais également la France et le Royaume-Uni, qui ont pris la tête de la réponse internationale, appuyés en cela par le Conseil de sécurité des Nations unies (CSNU) qui avait pris une résolution déclarant que l'épidémie était une « menace pour la paix et la sécurité internationales ». Actuellement la situation est très différente, le Conseil de sécurité étant bloqué, il n'a pas pris de résolution sur la pandémie de Covid-19.

L'OMS a pour spécificité d'être une organisation internationale intergouvernementale, qui compte 194 membres, et d'être la seule organisation sanitaire internationale à vocation universelle, qui réunit pays développés et en développement. Ces pays forment l'Assemblée mondiale de la santé et votent sur le principe « un État une voix », ce qui donne à l'OMS une légitimité pour porter la coopération globale entre tous les États, ce qui est crucial par exemple pour des programmes de vaccination ou de lutte contre les épidémies, où l'on voit bien que si un État manque à l'appel cela posera un problème pour tout le monde. La manière dont l'OMS est organisée, avec des bureaux régionaux, peut être une faiblesse du point de vue de la coordination mondiale. Je voudrais rappeler que l'OMS dispose d'un mandat très large, elle a pour but d'amener les peuples au plus haut niveau de santé possible, et pourra intervenir dans de nombreux domaines : la lutte contre le tabac, le paludisme, la coordination du réseau mondial de surveillance de la grippe qui compte 140 laboratoires dans le monde et se trouve responsable notamment de l'isolation des souches de virus, qui sont ensuite transmises chaque année à l'industrie pharmaceutique pour développer des vaccins. Cet exemple montre que l'OMS joue aussi un rôle de facilitateur de coopération, un rôle à bas bruit, peu visible mais significatif.

L'OMS est une organisation avant tout normative, qui établit des normes, des recommandations grâce à ses capacités d'expertise, elle n'est pas une organisation opérationnelle qui mène directement des opérations sanitaires sur le terrain comme le font des États ou des ONG. Elle va essentiellement conseiller les États sur la conduite à tenir, diffuser l'information, je le précise, car on attend parfois beaucoup de l'OMS par rapport à ses capacités ou à son mandat. Quand on parle de l'OMS, en réalité on parle avant tout d'un organisme de coopération et de diffusion de l'information. Dans la pandémie actuelle de Covid-19, l'OMS a parfois très bien rempli ce rôle, par exemple avec son conseil « tester, tester, tester » pour mettre en avant l'importance de la stratégie de test, parfois elle l'a fait de manière moins efficace, notamment en devant énoncer des recommandations pour tous les pays tout en restant prudente face à une situation qui évolue beaucoup. Cela a pu contribuer parfois à brouiller le message.

L'action de l'OMS est très visible en cas d'épidémie, notamment lorsqu'elle doit déclencher une urgence de santé publique internationale (USPPI) comme elle l'a fait le 30 janvier dernier pour le Covid-19. Cette disposition, qui renforce l'appel à la mobilisation des États, est une disposition prévue par le règlement sanitaire international (RSI), outil principal adopté par les États pour prévenir la propagation des maladies. Ce règlement contient des obligations réciproques, les États doivent se préparer aux épidémies, installer des capacités de surveillance et notifier à l'OMS tous les évènements de santé publique qui surviennent sur leur territoire. L'OMS coordonne ce mécanisme de notification, qualifie l'événement, et publie des recommandations. Il n'y a pas de mécanismes de sanctions prévus à ce règlement, les précédentes épidémies et des rapports d'évaluation ont mis en évidence des problèmes de respect de ce RSI, en particulier le fait que les financements n'étaient pas adéquats. Pour mener toutes ces actions, l'OMS est soumise à une triple contrainte. Une contrainte financière d'abord, elle dispose d'un budget limité, 2,8 milliards de dollars environ pour l'année actuelle. Sur ces financements, 80 % environ sont des contributions volontaires, fléchées selon les priorités des donateurs, que cela soit des États membres ou des organisations privées. Elle est soumise à une contrainte politique également, elle doit respecter la souveraineté des États, pour l'accès à leur territoire par exemple et, comme je le disais, elle ne dispose pas de pouvoir d'investigation ni de sanction. Enfin, elle subit une contrainte géopolitique, puisque les jeux de puissance entre États se répercutent sur l'organisation. Dans ce contexte, le directeur général et le secrétariat de l'OMS vont jouer le rôle d'acteurs diplomatiques. On le voit en ce moment avec la Chine et les États-Unis. La stratégie du directeur général comme acteur diplomatique a finalement été critiquée. Cela n'est pas nouveau, cela s'est déjà produit pendant la Guerre froide.

La crise actuelle n'est pas la première que l'OMS a dû affronter, ce n'est pas la première fois qu'il y a des appels à réforme de l'organisation, ni même la première fois que l'organisation est réformée. Les épidémies de SRAS en 2003, de H1N1 en 2009, d'Ebola en 2014, ont donné lieu à des ajustements ou à des réformes de plus grande ampleur. Pour que les appels à la réforme de l'institution qui sont actuellement lancés portent leurs fruits, il faudra aussi s'intéresser aux crises précédentes et ne pas se contenter de réagir à la dernière crise.

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Marie-Paule Kieny, directrice de recherche à l'INSERM, membre du think tank Santé mondiale 2030

Depuis que le RSI a été mis en place dans sa version de 2005, il y a eu plusieurs crises, et nous apprenons toujours d'une crise à l'autre. La première crise a été la pandémie de grippe de 2009-2010, comme vous le savez, l'OMS a été accusée d'avoir réagi trop vite, sans prendre en compte la gravité, et d'avoir suivi des règles qu'elle s'était fixées avec des indicateurs qui la contraignaient. Des interrogations avaient été soulevées sur d'éventuelles collusions de l'OMS avec des industries, mais rien n'a été démontré. À la suite de cela, l'OMS a été discréditée et a perdu beaucoup de financements pour le secteur des urgences. Le département des urgences s'est retrouvé face à l'épidémie d'Ebola, en 2014-2016, totalement affaibli et incapable de réagir à temps à cette urgence. L'OMS a été beaucoup critiquée, à juste raison, pour avoir agi beaucoup trop tard. À la suite de cela, la réforme des interventions d'urgence de l'OMS s'est mise en place. On dispose maintenant d'une structure qui peut réagir à plusieurs dizaines d'épidémies par an. La pandémie de Covid-19 nous occupe tous, mais en même temps il y une épidémie de Lassa, l'épidémie d'Ebola se termine tout juste, il y a eu des épidémies de peste, de choléra. Le rôle de l'OMS est d'essayer d'aider les États membres à réagir à toutes ces urgences.

Il est vrai que la situation en Chine n'a pas été claire dès le début. Nous avons eu des nouvelles seulement au 31 décembre 2019, la commission sanitaire de Wuhan a signalé un cas de groupe de pneumonies. Puis, la Chine a été beaucoup plus transparente. Si on compare avec le SRAS en 2003, dès le début, la Chine a communiqué et a mis à la disposition de la communauté scientifique internationale la séquence du virus, ce qui a permis d'avancer dans la recherche. Dès le 1er janvier, l'OMS a mis en place une équipe d'appui à la gestion des incidents, aux trois niveaux de l'organisation : en Chine, dans la région Pacifique et au siège, pour aider la Chine à affronter la flambée épidémique. Le premier bulletin de l'OMS à ce sujet est paru le 5 janvier 2020 et, dès le 10 janvier 2020, l'OMS a publié des conseils pour les pays sur la manière de détecter, de dépister et de prendre en charge les cas potentiels. On pensait encore à ce moment-là qu'il n'y avait pas de transmission interhumaine ou qu'elle restait très limitée. Tout a changé le 13 janvier 2020 quand le premier cas à l'extérieur de la Chine a été notifié, en Thaïlande. Le lendemain, l'OMS a communiqué sur le fait qu'il existait potentiellement un risque d'épidémie de grande ampleur. Puis l'OMS a mis en place les outils qui existent dans le RSI, le directeur général a convoqué un comité d'urgence, présidé par un Français. Ce comité n'a pas réussi à obtenir de consensus sur la question de savoir si cet épisode était ou n'était pas une urgence de santé publique internationale, « USPPI ». Après deux réunions consécutives les 22 et 23 janvier, le comité a indiqué ne pas être prêt et a demandé au directeur général de convoquer une nouvelle réunion après dix jours. Après une visite en Chine, le directeur général a décidé d'anticiper sur ce qui était demandé par le comité d'urgence a l'a donc re-convoqué après sept jours. Cette fois, il y a eu un consensus sur le fait qu'il s'agissait bien d'une USPPI, la sixième jamais déclarée par l'OMS. Les choses se sont alors enclenchées très rapidement. Un plan stratégique a été publié le 3 février. Du 16 au 24 février, l'OMS a organisé avec la Chine une mission conjointe à laquelle ont participé des experts venant de plusieurs pays (Allemagne, États-Unis, Canada, Japon, Nigeria, Corée du sud, Singapour, et Chine) qui a séjourné à Pékin et dans d'autres villes chinoises pour se faire un avis sur la situation. Le 11 mars, l'OMS a décidé de déclarer que cette USPPI était une pandémie.

Du point de vue de la riposte, des choses s'étaient déjà mises en place. Au mois de février, les 11 et 12, l'OMS a organisé un forum sur la recherche et sur l'innovation, que j'ai eu l'occasion de co-présider, qui a déjà recensé les outils en place, les diagnostics, les médicaments, les pistes de vaccins, et fait des recommandations pour avancer. Nous avons eu aussi le 13 mars le lancement du fonds de solidarité. Le 18 mars, l'OMS a lancé un essai clinique global « Solidarity », dont la France fait partie l'essai clinique « Discovery », et l'OMS continue à essayer de coordonner la recherche mondiale et participe à l'initiative « ACT » pour laquelle la Commission européenne et la France ont organisé ce lundi une levée de fonds.

Le règlement sanitaire international donne des prérogatives à l'OMS. Mais les États membres doivent, c'est légalement contraignant, fournir des indications à l'OMS sur des événements qui pourraient être préoccupants. La seule façon qu'a l'OMS, dans ces textes, pour vérifier ce qui est fourni par l'État, est de demander à cet État des précisions. L'OMS n'a en aucun cas la possibilité d'organiser de son propre chef une visite dans ces États. Cette visite doit être autorisée par le pays et le pays doit participer à la visite. Alors, cela peut vous paraître bizarre mais rappelez-vous, l'OMS est une organisation multinationale. Chaque État a le même droit. Si on dit à l'OMS : « Vous avez le droit d'inspecter la Chine » même si la Chine ne le veut pas, cela veut dire que l'OMS a le droit d'inspecter la France, que l'OMS a le droit d'inspecter les États-Unis et c'est quelque chose que les États membres dans leur majorité, enfin en tout cas un certain nombre, ne voulaient absolument pas et c'est pour cela que le règlement sanitaire international donne des droits extrêmement limités à l'OMS et laisse aux États membres eux-mêmes la responsabilité vis-à-vis de leurs pairs. L'OMS a un rôle de coordinateur. Mais c'est un traité international qui « n'a pas de dents », si je puis dire, il ne peut pas mordre, et ceci explique en particulier la raison pour laquelle l'OMS n'a pas pu faire davantage pour intervenir plus tôt en Chine.

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Auriane Guilbaud, maîtresse de conférences en science politique à l'Institut d'études européennes, Université Paris 8

. Finalement, ce qui frappe dans le débat actuel autour de l'OMS, c'est que toutes les critiques qui lui sont adressées, y compris de la part de l'administration Trump, sont des critiques qui appellent à renforcer l'autorité et les capacité d'action de l'organisation. Je vais simplement mentionner rapidement cinq pistes que j'identifie.

La première, c'est une réforme du financement de l'OMS, un financement plus important avec plus de stabilité, c'est-à-dire plus de contributions régulières et moins de contributions fléchées, parce que cela renforcerait son autonomie.

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. Vous pourriez peut-être nous dire comment est financée l'OMS aujourd'hui. L'OMS, c'est un très petit budget voté d'un peu plus de 5 milliards de dollars.

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Auriane Guilbaud, maîtresse de conférences en science politique à l'Institut d'études européennes, Université Paris 8

. Oui, le budget annuel est de 2,8 milliards de dollars, mais l'OMS vote son budget sur deux ans. C'est pour cela qu'on trouve 5, 6 milliards. Pour cette année, on est à 2,8 milliards de dollars et, sur ces 2,8 milliards, il y a 80 % à peu près qui sont des contributions volontaires, fléchées pour des programmes spécifiques et cela donne du poids aux personnes qui fournissent l'argent, aux donateurs. Ces contributions sont données directement aux programmes. Cela veut dire qu'il y a une « dépendance au donateur » qui s'installe et que le secrétariat de l'OMS et son directeur général « courent » après les financements. Marie-Paule Kieny, dans son intervention, a rappelé comment cela avait conduit notamment au définancement des programmes de réponse d'urgence.

Deuxième point, la réforme de la gouvernance. Il y a plusieurs choses envisageables. J'ai rapidement parlé de la régionalisation. Pour les spécialistes de l'OMS, l'organisation régionale et en bureaux régionaux, c'est quelque chose qui fait débat et dont la réforme a été envisagée à plusieurs reprises, sans succès jusqu'à présent. Cette régionalisation vient de la création de l'OMS en 1948. Quand l'OMS a été créée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, elle a intégré les organisations sanitaires internationales qui préexistaient. Parmi celles-ci, il y avait des organisations régionales, en particulier le Bureau sanitaire panaméricain, une organisation pour le continent américain au sein de laquelle les États-Unis étaient très actifs. Il était finalement hors de question de faire disparaître ces organisations qui sont aussi des leviers d'influence politique pour les États. Il en résulte cette couche organisationnelle avec des bureaux régionaux qui sont dirigés par des directeurs régionaux, qui sont élus par les États membres de la région. Jusqu'à présent, il n'y a pas de réforme d'ampleur qui soit intervenue sur ce levier. Mais ce n'est pas le seul sur lequel il faut agir pour assurer une réforme de la gouvernance. On peut également penser à davantage d'inclusion de la société civile et à donner plus de visibilité aux États membres en cas d'épidémie, notamment à travers l'Assemblée mondiale de la santé et du conseil exécutif de l'OMS. Le conseil exécutif, ce sont certains États membres seulement qui sont élus par l'Assemblée mondiale de la santé et qui vont finalement épauler le directeur général dans son action, et c'est vrai qu'on ne les voit pas beaucoup jusqu'à présent pendant cette crise. Dans deux semaines, il y aura une Assemblée mondiale de la santé qui se réunira de manière virtuelle.

Je mentionnerai ensuite le renforcement du pouvoir d'investigation et de contrainte vis-à-vis des États, par exemple dans le cadre du règlement sanitaire international. Le renforcement également de ses capacités d'expertise scientifique, pour prendre en compte notamment des situations d'incertitude, c'est tout l'enjeu de la crise actuelle. Comment faire pour que l'OMS réagisse vite, alors que l'on est dans une situation d'incertitude ? Notamment, est-ce qu'il y a transmission interhumaine ou pas et quel niveau de mesures on adopte dès le départ ?

Enfin, dernière proposition : amplifier son rôle directeur au sein de la gouvernance mondiale de la santé, notamment dans les différentes initiatives internationales. Marie-Paule Kieny mentionnait il y a un instant l'initiative « ACT », le marathon pour trouver des financements pour la recherche et donc amplifier, renforcer, prendre bien en compte la spécificité de l'OMS, c'est-à-dire le fait qu'elle est l'organisation internationale universelle. Cela complique son travail et, dans le même temps c'est la seule organisation de ce type, et c'est indispensable pour garantir les principes de légitimité et d'universalité dont on a besoin en ce moment.

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Marie-Paule Kieny, directrice de recherche à l'INSERM, membre du think tank Santé mondiale 2030

. Je suis tout à fait d'accord avec Auriane Guilbaud. On est dans un monde où le multilatéralisme est critiqué de plus en plus. On est dans un monde où c'est le « monolatéralisme » qui prévaut. Je pense qu'il est important – et c'est quelque chose que la France défend énergiquement – de promouvoir et d'insister sur l'importance du multilatéralisme. L'OMS offre une plateforme pour les pays pour pouvoir se retrouver, pour pouvoir parler. Quand j'étais à l'OMS, j'ai vu, dans le cadre du conseil exécutif de l'OMS, des moments rares où le délégué des États-Unis parlait après le délégué iranien et le délégué du Yémen en disant : « Je suis d'accord avec ce que vient de dire le représentant iranien. » Donc, c'est un endroit où les États peuvent parler et c'est un plus, en principe, c'est une plateforme qui est, je dirais, apolitique d'une certaine façon, puisqu'en principe ce n'est pas là que devraient arriver des discussions de cet ordre. Mais, malgré tout, les États tentent de porter à l'OMS des différends qu'ils ont contractés en dehors du domaine de la santé. Par exemple, on parle beaucoup du problème de Taïwan. Pourquoi est-ce que Taïwan n'est pas à la table ? Il faut rappeler que Taïwan est un État qui n'est pas reconnu par tout le monde et que, pour admettre un nouveau membre, il faut que tout le monde soit d'accord. Pour le moment, ce n'est pas seulement la Chine qui serait contre, il y a beaucoup d'autres États qui ne l'ont pas reconnu. Il y avait une pratique de longue date selon laquelle Taïwan participait à l'Assemblée mondiale de la santé, comme la Palestine par exemple, et pouvait s'exprimer après les États membres et intervenir de la même façon. Il y a quelques années, le gouvernement de Taïwan, qui avait pris une approche plus anti-Pékin, a décidé de porter la politique à l'OMS et a commencé à réclamer des droits supplémentaires. La Chine a réagi, en disant qu'elle opposait un veto à la participation de Taïwan à l'Assemblée mondiale de la santé. Je le répète, sur cette plateforme qu'est l'OMS, les États, souvent, essaient de venir régler des différends qu'ils ont en dehors de l'OMS. Ce qui ne veut pas dire d'ailleurs que l'OMS ne continue pas d'avoir des contacts avec Taïwan. Quand j'y étais, lors de la pandémie de grippe, j'ai eu des contacts très fréquents avec les scientifiques de Taïwan et je n'ai aucun doute sur le fait que mes collègues, dans le cadre de cette pandémie, aient interagi de façon régulière avec eux, même si c'est sous le radar.

Concernant les recommandations. Existe un objet multilatéral pour la santé, l'OMS, nous devons travailler là-dessus. Mais l'OMS, ce n'est pas que le secrétariat. Il faut faire quelque chose pour que les États membres se prennent en charge et, ensemble, se disent ce qu'ils veulent faire pour l'OMS. Certains voudraient bien garder l'OMS mais surtout que l'OMS soit faible, que l'OMS n'intervienne pas dans leurs affaires. Alors, un nouveau GIEC, moi je n'y crois pas. Je pense qu'on a une OMS qui est en place et que n'importe quelle nouvelle initiative sera plus réductrice, avec moins d'États membres. Est-ce qu'on veut avoir un organisme qui ne réunit pas tous les États du monde ? Je ne pense pas que ce soit souhaitable, surtout pour gérer les épidémies. Est-ce qu'on veut un organisme où tous les pays n'ont pas la même voix ? Je pense que là aussi c'est quelque chose qui n'est pas envisageable. Les États, petits comme grands, doivent pouvoir s'exprimer. Ils sont tous souverains sur leur territoire. Les financements, je suis tout à fait d'accord pour les augmenter, évidemment. Mais quand le président Trump dit que la Chine a beaucoup d'influence, je pense qu'il oublie que le pays qui a le plus d'influence, parce que c'est le pays qui a les plus gros financements, ce sont les États-Unis. Les États-Unis, en plus, mettent à la disposition de l'OMS des dizaines d'experts. Et ceux-ci ont tous une influence. Pourquoi ? Parce que les financements de l'OMS sont insuffisants pour pouvoir mener ses mandats. D'ailleurs, quand Auriane Guilbaud parlait de quatre milliards, il faut aussi savoir que, parmi ces quatre milliards, un milliard – un quart – est consacré uniquement à l'éradication de la poliomyélite. Donc, le budget réel pour les autres opérations en fait n'est plus que de 3 milliards tous les deux ans, donc 1,5 par an, ce qui est très peu.

Alors, que pourrait-on faire encore ? Sur la gouvernance, il y a eu une discussion pendant longtemps autour de l'idée d'ajouter un comité dit « comité C » à l'OMS. L'Assemblée mondiale de la santé siège sous forme de comités. Il y a un comité A qui est le comité qui s'occupe des affaires techniques et un comité B qui s'occupe plutôt des affaires administratives. Ce qui avait été proposé, c'est la création d'un comité C, qui réunirait la société civile, l'industrie et qui pourrait siéger, faire des recommandations pour éviter que ces recommandations ne viennent de gouvernements soutenus par des lobbies. Donc, instaurer un comité C, qui pourrait permettre d'entendre la voix de la société civile, de l'industrie et des parties non gouvernementales de façon transparente, pourrait être une voie de réforme intéressante. Enfin, je pense qu'il faudrait ajouter dans le règlement sanitaire international « des dents », si je puis dire, c'est-à-dire des obligations pour les États membres, pour que ceux-ci acceptent, dans un traité international, que les inspections par l'OMS ne soient plus facultatives, mais deviennent un instrument efficace, qui s'impose à tous les États membres.

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. Merci beaucoup. Je crois tout à fait comme vous que la question des inspections, et d'inspections qui seraient plus contraignantes, mérite vraiment d'être posée. Il faut qu'on ait un système qui soit plus transparent et qu'effectivement, en cas de suspicion, il puisse y avoir des inspections, même si les États membres ne le demandent pas. Ce serait un changement de culture extrêmement important mais je pense que ce serait bénéfique, en tout cas sous réserve d'inventaire. Et rapidement, sur le financement, je voudrais rappeler que la fondation Gates pèse beaucoup, beaucoup plus, à l'OMS que la Chine. Je crois que cela mérite d'être dit. On l'oublie, mais la part obligatoire des États membres, c'est un peu moins de 20 %, et le reste, ce sont des contributeurs volontaires, États et acteurs privés. Les deux premiers contributeurs sont les États-Unis et la fondation Gates. Dans les contributions cumulées, on trouve la Chine seulement en seizième place. La France est le sixième contributeur au titre des contributions obligatoires.

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. Je souhaite revenir sur la révision en 2005 du règlement sanitaire de l'OMS. Celui-ci est contraignant et pourtant, notre ministre des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a proposé la mise en place d'un mécanisme de vérification pour que celui-ci soit pleinement mis en œuvre par les États. Or, la fermeture des frontières décidée par plusieurs pays a pu être interprétée comme une violation de ce règlement sanitaire. Pourtant, l'article 43 dispose en effet que les mesures de refus de l'entrée de voyageurs internationaux doivent être justifiées auprès de l'OMS. Pouvez-vous nous éclairer sur ces enjeux ?

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. Le sujet de l'OMS est un sujet qui a été évoqué tout au long de cette pandémie, notamment la confiance qu'on peut avoir aujourd'hui dans l'OMS. Les éléments que vous avez évoqués, mesdames, ce matin rappellent à quel point c'est important, mais à quel point aussi l'OMS rencontre des difficultés dans son fonctionnement et mérite une autre gouvernance. Le fait que les États soient contributeurs, forcément, engage un certain nombre de choses. Il est sans doute difficile pour l'OMS de s'opposer à ses financeurs et c'est peut-être ce que l'OMS n'a pas su faire avec la Chine. L'histoire nous le dira. Le deuxième problème, c'est que l'OMS ne peut pas aller contre la souveraineté des États et qu'elle n'a pas de vrai pouvoir d'investigation. Vous l'avez évoqué, c'est un sujet très important d'où ma question : alors que beaucoup d'États souhaitent désormais une réforme de l'Organisation mondiale de la santé, pourrions-nous imaginer un nouveau modèle de financement qui la rende moins dépendante des États membres ? Alors, il y a bien entendu les contributions privées, mais est-ce qu'on pourrait envisager éventuellement une taxe pour permettre à l'OMS de gagner en autonomie par rapport aux États ?

Et par ailleurs, croyez-vous possible de renforcer les pouvoirs de contrôle et d'investigation de l'OMS sans lesquels sa capacité de gouvernance sera toujours affaiblie ?

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C'est vrai que l'OMS traverse une crise. Je pense que cette crise est une crise du système multilatéral de manière générale, et qui touche donc évidemment l'OMS. Toutes les organisations multilatérales, pour des raisons politiques et diplomatiques, sont actuellement atteintes, et je ne suis pas sûre que ce que vous proposez notamment sur la problématique budgétaire résolve vraiment cette crise. Je pense que nous avons affaire à des problèmes politiques qui dépassent l'OMS. J'attendais avec impatience votre avis sur le GIEC santé, on a bien senti que ce n'était pas forcément ce que vous souteniez et pourtant, en même temps, quand vous proposez le comité C, on sent aussi que c'est la réponse que vous opposez au GIEC santé. Il nous manque effectivement une partie peut-être plus scientifique faisant appel à la société civile, à l'industrie, comme vous l'avez dit mais aussi, à des scientifiques qui sont peut-être moins contestés en ce moment. Il y a des avis certes divergents, on l'a bien vu avec le Covid-19, mais des avis qui sont moins sujets à perte de confiance que les avis politiques. Je pense que l'idée du GIEC santé est une idée intéressante car elle fait le lien avec le climat, il y forcément des choses qui sont profondément liées entre ces deux thématiques, y compris d'ailleurs sur les épidémies de manière générale.

La deuxième partie sur laquelle je voulais vous interroger est peut-être un petit peu plus concrète, c'est le sujet des vaccins. On voit que la crise de confiance, notamment en France, est assez importante par rapport aux vaccins, j'aimerais savoir comment vous vous positionnez par rapport à cela. Aujourd'hui, nous avons des personnes qui s'opposent d'emblée à la vaccination, ce qui n'est pas banal. L'autre sujet est celui des masques, j'ai bien lu ce que vous aviez préconisé sur cette problématique. C'est vrai, les masques ne sont pas l'alpha et l'oméga, mais ils s'intègrent dans un ensemble de préconisations. Il me semble tout de même que les pays qui pratiquent le plus volontiers le port du masque, s'ils n'anéantissent pas le virus et que ce n'est pas la solution miracle comme vous l'avez remarqué, ont des résultats qui sont assez intéressants. La préconisation du masque plus systématique, dans nos pays ou ce n'est pas forcément notre habitude, peut sembler être quelque chose qui aurait pu être formulé par l'OMS.

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Je rejoins totalement cette analyse sur la problématique du GIEC santé. Je trouve que c'est une piste tout à fait intéressante et, à mon avis, complémentaire de l'OMS, même de l'OMS réformé.

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Pouvez-vous nous faire un point général sur les essais cliniques qui sont actuellement organisés par l'OMS, et en particulier sur l'essai Solidarity, auquel nous participons de notre côté par notre participation à l'essai Discovery ? Au départ, de nombreux pays nous entouraient, aujourd'hui il semble que la France reste seule dans Discovery avec le Luxembourg. Le programme semble rencontrer d'énormes difficultés à trouver des malades volontaires. Est-ce que la coordination au niveau de l'OMS ne présente pas un réel problème ? On sent que d'autres pays se lancent dans des expériences et on sent une confusion, il n'y a vraiment pas l'apparence d'une concertation évidente.

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J'ai, en vous écoutant, été gagné par un certain scepticisme, parce que j'ai eu le sentiment d'un système contrôlé par les États, dans le but principal de voir que les États ne soient pas contrôlés par le système, ce qui effectivement n'est pas pleinement satisfaisant. Au nombre des blocages que vous avez diplomatiquement mais fermement analysés, il y a évidemment le problème financier. Quand je vous ai entendu dire que 80 % du financement des moyens financiers de l'OMS étaient constitués de dons fléchés, je me suis posé deux questions. Que signifie exactement ce fléchage ? Est-ce que cela signifie que les États en question arrivent comme dans une auberge espagnole avec leurs propres programmes ou est-ce que ce sont bien des programmes qui sont définis de façon totalement indépendante par l'OMS auxquels les États adhèrent ? Si 80 % des dons sont dirigés vers des programmes fléchés, alors quelle est la part de programmes qui ne sont pas financés par des dons fléchés ? À quoi servent les 20 % restants ? Comment sont définis les programmes financés par ces 20 % ? Je crois qu'il est important de comprendre quel est exactement le degré d'autonomie en matière de programmation et d'action de l'organisation par rapport aux États qui la font vivre, et qui manifestement ont envie de lui tenir la bride assez courte.

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Auriane Guilbaud, maîtresse de conférences en science politique à l'Institut d'études européennes, Université Paris 8

Merci pour ces questions. Je vais commencer par la question du GIEC. Ce qui est intéressant avec la proposition d'un GIEC santé, même si cela dépend de la manière dont on le comprend, car évidemment on ne peut pas plaquer ce qui se fait dans le climat sur la santé, parce qu'il va y avoir des dissimilitudes qu'il faudra prendre en compte, c'est le caractère intergouvernemental du groupe d'experts. Il a pour but de créer du consensus scientifique en amont, par un travail lent, sur de très nombreuses années. Dans le domaine de la santé actuellement, on voit qu'il y a également besoin d'un consensus scientifique, mais aussi que ce soit rapide, afin de pouvoir réagir en cas d'incertitudes et face à des maladies qui vont forcément être nouvelles et qu'on ne va pas connaître. Créer un organisme au sein duquel les États se parlent par l'intermédiaire d'experts qu'ils auraient nommés, c'est également quelque chose que l'on pourrait imaginer intégrer au sein même de l'OMS.

Sur la question des réformes de l'OMS, je pense à une chercheuse qui a réfléchi à des possibilités de réformes de l'OMS. Elle les compare à un ordinateur. Vous avez un ordinateur qui date des années 1948 et la question est : comment fait-on pour l'adapter aux enjeux actuels, sachant qu'à un moment, le disque dur va commencer à fatiguer. Vous avez la possibilité de brancher tout un tas de périphériques extérieurs pour faire tourner la machine : cela va marcher pendant un certain temps, jusqu'à ce qu'il y ait trop de périphériques et que cela devienne une usine à gaz. La deuxième option consiste à transformer les pièces de l'ordinateur au fur et à mesure, jusqu'à configurer un ordinateur portable qui va fonctionner. La troisième option consiste, quant à elle, à concevoir un nouvel outil, qui remplisse les fonctions de l'ordinateur sans en être un, comme par exemple une tablette portable. Quand vous faites quelque chose de complètement nouveau, et que vous voulez que cela réponde aux mêmes fonctions, il y a un certain nombre de conditions à remplir, et notamment des conditions politiques. Tout cela pour dire, à travers cette histoire de périphériques, qu'il est possible d'envisager des choses à l'intérieur de l'OMS, et notamment de créer une coopération scientifique internationale et renforcée, pour ne pas surcharger le champ de la gouvernance mondiale de la santé qui est déjà très fragmenté.

Sur la manière de créer ce consensus à l'intérieur de l'organisation sans pour autant créer de nouveaux problèmes, j'ai évoqué, parmi les pistes de réformes, l'inclusion de la société civile. Il faut savoir que, ces dernières années, l'OMS a travaillé à une grande réforme de ses relations avec les acteurs non étatiques. Elle a rédigé et adopté un cadre d'engagement avec ces acteurs : société civile, fondations privées et entreprises. C'était un cadre innovant au sein des Nations unies qui a attiré l'attention des autres organisations. L'objectif de l'adoption de ce cadre était de donner davantage de place à ces acteurs, et de prémunir l'organisation contre les accusations de conflits d'intérêts dont elle a pu faire l'objet par le passé, comme toutes les organisations internationales quand elles interagissent avec des acteurs extérieurs. C'est un point important et je crois qu'il faut le souligner : savoir comment intégrer ces acteurs sans affaiblir l'institution par des soupçons de conflits d'intérêts.

Sur la question financière, je pense que ma collègue aura également beaucoup de choses à dire. Je voudrais seulement souligner qu'il faut prendre en considération deux aspects. J'ai insisté sur les contributions fléchées, qui peuvent contraindre l'organisation dans ses choix. Par exemple, comme les États s'intéressent beaucoup à la poliomyélite, la recherche dans ce domaine a été extrêmement bien financée et a pris beaucoup d'importance. C'est important de redonner de l'autonomie à l'OMS à ce sujet-là. Il y a cependant également la question du montant des 2,8 milliards de dollars par an ; quand on a un mandat très large pour intervenir sur beaucoup de sujets, c'est finalement assez peu. Évidemment, ces réformes vont dépendre de la volonté des États dans la refonte du multilatéralisme qui s'annonce. C'est vrai qu'il y a certain nombre de questions qui ne se régleront pas forcément à l'OMS. Par exemple, Marie-Paule Kieny soulignait le cas de Taïwan. Politiquement, l'inclusion de Taïwan au sein du multilatéralisme est une question qui peut être réglée en dehors de l'OMS et qui aurait, en retour, un impact sur la fluidité avec laquelle l'organisation pourrait fonctionner.

La première question mentionnait le règlement sanitaire international et la fermeture des frontières. Cette fermeture est intervenue de manière assez anarchique. On a eu l'impression qu'il n'y avait pas de coordination internationale sur le sujet. En fait, quand les États membres ont révisé de manière profonde en 2005 le règlement sanitaire international, qui a été adopté dès les années 1950, a été entrevue la possibilité d'une nouvelle révision, même si cela va nécessiter des négociations et prendre du temps, notamment pour intégrer cette idée éventuelle de sanction ou d'investigation. Les États se sont laissés, comme ils s'en laissent toujours finalement dans le multilatéralisme, des portes de sortie, et notamment le fait d'adopter des mesures et recommandations qui vont au-delà de ce que le directeur général de l'OMS peut faire. Les États peuvent décider de fermer leurs frontières, c'est leur souveraineté, simplement ils doivent le justifier de manière rationnelle et en avertir l'OMS. On voit que, même si les États peuvent prendre ces décisions, ils n'en avertissent pas l'OMS, ce qui montre finalement un certain manque de respect vis-à-vis des engagements qu'ils ont pris.

Sur la fermeture des frontières, le règlement sanitaire international prévoit que la réponse des États aux épidémies doit être proportionnée et ne doit pas faire barrage au commerce. C'est un point important qui renvoie au fait qu'historiquement, la lutte contre les épidémies a été pensée pour ne pas entraver les relations commerciales internationales. Cette idée est toujours présente. Ces incitations sont aussi des incitations pour les pays à coopérer. Si, dès qu'un pays rapporte un événement de santé publique ou a une épidémie potentielle, il sait qu'il va être ostracisé et qu'il en souffrira économiquement, il a moins de propension à coopérer directement. Se pose également la question du maintien de l'aide internationale lors de la fermeture des frontières. Sur cette question, il y a aussi la possibilité de mieux se coordonner et d'améliorer les choses.

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Marie-Paule Kieny, directrice de recherche à l'INSERM, membre du think tank Santé mondiale 2030

Il faut se souvenir qu'au moment du SRAS, l'OMS avait émis un avis invitant à ne pas voyager au Canada, qui était l'un des pays les plus frappés. Cela avait fait un scandale. L'OMS a mis des années à se remettre de ce scandale. Concernant les États contributeurs, tous les États payent une contribution mais ils payent en fonction de leur population et de leur PIB. Est-ce que tous les États veulent une réforme de l'OMS ? Non, ce sont surtout les États du G7. Rappelez-vous qu'elle est composée de 194 États membres, que ceux qui plaident pour une réforme sont toujours les États qui sont donateurs financiers, et en particulier les États du G7. Mais cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas une réforme, je suis d'accord pour dire qu'il y a besoin d'une réforme, c'est urgent. Mais dire que l'OMS ne fait rien de bien, je crois que ce n'est pas vrai. Une taxe serait une excellente idée, une taxe qui permettrait à l'OMS d'être financée à un niveau correct. La crise du financement n'est pas la source du problème, vous avez raison. La source du problème c'est : est-ce que le monde veut le multilatéralisme ou est-ce ce que le monde veut le repli sur soi ? Si le monde veut le repli sur soi, l'OMS n'a pas d'objet, chacun travail pour lui-même, « America first », «  la France d'abord ». Si le monde veut un multilatéralisme et veut avoir un organe multilatéral pour la santé, il faut le financer et il faut le financer au niveau qui est nécessaire pour qu'il puisse remplir les missions qui lui sont confiées. Ce n'est pas le secrétariat général qui se fixe des missions, ce sont les État membres qui lui disent, chaque année, ce qu'il faut faire. En revanche, quand il leur est demandé ce que l'on ne doit pas faire, aucune réponse n'est jamais donnée. Les dons fléchés ne peuvent s'adresser qu'à des actions qui sont prévues et acceptées par les États membres dans le programme. Ce qui est accepté est relativement large, mais on ne pourrait pas, par exemple, avoir de dons pour étudier la couleur des ailes de papillons si ce n'est pas dans le programme du budget. En revanche, tout ce qui relève du domaine de la santé peut être financé, potentiellement, par des dons fléchés.

À quoi servent les 20 % de contributions obligatoires ? Ces contributions obligatoires servent essentiellement à payer le coût de fonctionnement de l'organisation, c'est-à-dire le coût pour réunir les 194 États membres, dont notamment les pays à revenus faibles qui sont aidés financièrement pour venir. Ces contributions obligatoires servent aussi à payer toute l'administration, la direction, le leadership, la communication ainsi que tout le travail normatif. Rappelez-vous, l'OMS s'occupe de crise mais l'OMS est une organisation normative. C'est elle qui dit quel est le maximum de sucre qu'il faut ingérer par jour, quels sont les niveaux de polluants qui sont acceptables pour la santé, quelles sont les normes auxquelles doivent répondre les médicaments au niveau mondial. Tout ce travail normatif ne peut pas être financé par des dons fléchés car sinon nous nous retrouverions dans le pouvoir des lobbies. Ces contributions obligatoires servent donc à mener ce travail normatif.

Le GIEC, oui pourquoi pas. Si c'est un GIEC scientifique cela pourrait même être intégré dans l'OMS, comme le disait Auriane Guilbaud, mais il faudrait préciser l'objet. Le climat et le dérèglement du climat sont des objets dont le « scope » est relativement borné, alors que la santé forme tout un continuum. Sur quoi porterait ce GIEC ? Les urgences, le médicament ? Dès lors, il faudrait définir l'objet précis du GIEC. Le comité C dont j'ai proposé la création serait une façon d'amener la société civile, qui est un acteur important, à l'OMS, sans pousser trop les conflits d'intérêt.

Au sujet de l'Asie et du port masque, il faut savoir que les pays d'Asie ont choisi le port des masques mais que l'Asie a fait aussi ce que l'OMS a recommandé. Taïwan, la Corée du Sud, la Chine ont testé tous les cas, testé les contacts, isolé les contacts. En dehors du port des masques, même si cela a sans doute aidé, ce qui a aidé, d'abord, c'est la politique de tester et d'isoler.

Il y a une chose peut-être que je ne vous ai pas dite au début. À l'OMS, on ne vote pas. Il y a une possibilité de voter mais on ne vote jamais. Pourquoi ne vote-on pas ? Parce que, étant donné que l'OMS n'a pas de « dents », si je puis dire, si un pays se trouve en minorité et qu'on vote contre lui, le pays repartira dans son coin en disant que cela lui est égal et il continuera à faire comme il le veut, se considérant maître chez lui. Il n'y a pas de vote donc tout doit marcher au consensus. Comme vous le savez, le consensus en général c'est mou. C'est pour cela que les choses avancent lentement. Il y a une seule chose pour laquelle un vote est tenu chaque année, c'est pour l'acceptation du rapport sur l'état de santé en Palestine. C'est le seul moment où un vote est tenu, car le consensus est impossible.

Si l'on n'arrive pas à suffisamment recruter de malades pour l'essai Discovery, ce n'est pas tellement un problème de concurrence avec l'essai Solidarity. C'est d'abord parce que, heureusement, la courbe épidémique s'aplatit en France. C'est aussi parce que on a laissé se développer des petits essais d'hydroxychloroquine partout, et que la plupart des patients ont déjà été traités avec l'hydroxychloroquine et donc ne sont pas éligibles à l'entrée dans Discovery. On a un problème de coordination en France. Dans Discovery, c'est vrai la plupart des patients sont français, mais maintenant le Luxembourg, l'Autriche, le Portugal et l'Allemagne vont commencer très rapidement, je pense, à inclure des patients et Discovery sera un vrai essai paneuropéen.

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Du point de vue général, donc mondial, toutes les pistes qui ont été suivies par les différents gouvernements aujourd'hui semblent à peu près être les mêmes, avec un décalage dans le temps. Est-ce que, selon vous, il y a d'autres options possibles techniquement, médicalement, et qui n'ont pas été suivies par les États ? Ma deuxième question porte sur les chiffres annoncés. Une importante polémique est née sur le cas de la Chine. J'ai l'impression que, y compris chez nous, nous avons quelques difficultés à avoir des chiffres immédiatement. On constate toujours un petit décalage dans le temps. Chaque pays est organisé et géré différemment. Nous avons, par exemple, en France, commencé par montrer des chiffres dans les hôpitaux, mais pas dans les EHPAD, ni dans la société civile. Historiquement, quelle était la démarche suivie comptabiliser les décès ? Comment cela s'était déroulé par le passé ? Je sais que, chez nous, par exemple, lors de la canicule de 2003, nous avons mis à jour des chiffres à différentes reprises, et cela a pris plusieurs mois, voire plusieurs années. Est-ce que ce constat a été partagé dans tous les pays, y compris aux États-Unis ?

Je voudrai ensuite aborder la question des essais cliniques. Alain David a déjà posé la question mais je voudrais avoir une précision sur les normes suivies. Aujourd'hui, alors qu'il y a beaucoup de tests de par le monde, et surtout des tests qui impliquent plusieurs pays, est-ce que l'OMS dicte les normes applicables à ces tests, pour que cela soit reconnu et partagé, ou est-ce que chacun utilise ses propres normes et fait ses propres tests ?

Une petite question enfin, c'est important, concernant Taïwan. Il y a eu beaucoup de polémiques également sur cette problématique. J'ai appris par des collègues, des médecins de Hong Kong, que Taïwan avait déjà contribué, par le passé, aux travaux de l'OMS notamment sur le SRAS et qu'il continue à aujourd'hui à contribuer aux travaux de l'organisation. Est-ce que vous pouvez me le confirmer ?

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Cette crise du Covid a mis en exergue un certain nombre de dysfonctionnements, ce qui est d'ailleurs assez naturel dans ce genre de crises, dans lesquelles ce sont toujours les points de faiblesse qui ressortent, et plus rarement des lignes de force. Dans une période de crise d'une violence comme celle du Covid-19, ce qui vaut pour l'OMS vaut sans doute pour l'ensemble des institutions et organisations. Ceci étant dit, il est certain qu'il faille réfléchir à améliorer les choses, ce qui pourrait peut-être conduire, notamment, à une mise en réseau permanente des centres de recherche sur les virus, afin de partager nos connaissances et nous préparer à mieux les contrer ensemble. Il semblerait que, concernant le coronavirus, cette coordination n'a été mise en place qu'à partir de mi-février. C'est évidemment bien trop tard, pour contrer l'épidémie et a fortiori pour anticiper son développement. Ce qui est souvent le plus difficile pour les organisations, c'est précisément de pouvoir anticiper. Pour ce faire, il faudrait vraisemblablement renforcer les corps médicaux, constituer un pôle de bailleurs pour apporter des moyens susceptibles de faire face à l'accélération de crise. Pour bien réagir, il faut, en effet, aussi avoir les moyens. Que pensez-vous de ces propositions ? Je voulais enfin avoir une précision. Mme Guilbaud, au tout début de son propos liminaire, en évoquant les moyens attribués à la gouvernance mondiale de la santé, a indiqué que le budget global consacré à ce secteur était passé de 10 à 40 milliards de dollars et que seulement 7% de cette somme était orienté vers l'OMS. Je voulais savoir comment était ventilé le reste.

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Nous assistons à une crise du multilatéralisme et l'OMS fait partie des organisations qui souffrent de cette crise. J'aimerais vous poser des questions à propos des relations entre l'OMS et les institutions européennes, et des capacités de l'OMS à établir des normes. Par exemple, ne serait-ce que pour avoir des données harmonisées sur la façon dont on comptabilise les décès, la façon dont on les mesure, et dont on dresse des profils. Ce genre d'informations est très utile à tous, surtout si les informations sont normées et donc comparables. On en arrive à des discussions très importantes, qui posent problème à l'opinion publique, sur la réalité et l'intérêt de ces institutions. Le test Discovery en est un exemple. Au début, les participants étaient nombreux, pour finir avec peu de pays et beaucoup d'interrogations sur la façon dont ces tests, en tout cas pour la France, sont annoncés et vont être réalisés. Aujourd'hui, je voudrais rappeler que dans l'épidémie du Covid-19, 90 % des victimes se trouvent en Europe, avec plus de 25 000 décès en France, presque 30 000 en Italie et si tous les pays du monde qui ont été touchés ont mis en place des mesures sanitaires afin d'éviter la propagation du virus, je crois que c'est la première fois que 3 milliards de personnes ont été confinées et se sont prêtées au confinement malgré la privation de liberté que cela peut apporter. Elles s'y sont prêtées sans résistance, quel que soit le statut des pays. Ce que cette épidémie a surtout révélé c'est une sorte d'impréparation des États mais aussi des organisations internationales. Et ce alors que l'OMS, avec les travaux qui avaient été étayés par la fondation Gates en 2017, prédisait une épidémie dans les quinze années à venir. C'est vrai que l'on avait l'expérience du SRAS et que l'expérience du Covid est différente, mais on a assisté, tout de même, à de nombreuses tergiversations et errements stratégiques qui sont certes compréhensibles au vu de la situation inédite, mais qui ont retardé l'élaboration d'une stratégie globale pour affronter la pandémie. C'est notamment le cas au niveau de l'Union Européenne et au niveau des pays frontaliers.

Par exemple, l'OMS a, au début, recommandé de pas fermer les frontières, ce à quoi la France s'est pliée avec rigueur et continue de le faire en refusant d'appliquer la quarantaine aux personnes qui arrivent d'un pays de l'Union Européenne ou de l'espace Schengen. Ensuite l'OMS ne recommandait pas de généraliser le port du masque. Cette problématique n'est aujourd'hui toujours pas tranchée. Cela créée une défiance accrue vis-à-vis des pays qui ne tranchent pas cette problématique, surtout au moment où apparaissent des études qui disent que le port du masque est plus efficace que le confinement. Ce qui est une sorte de cataclysme compte tenu des sacrifices que nous avons consentis avec ce confinement. Je ne sais pas si ces études sont vraies ou fausses, mais elles circulent dans la presse sérieuse, ce ne sont pas des fake news.

Je voudrais insister sur le fait que, si nous avons des difficultés avec le multilatéralisme, même au sein de l'Union Européenne, les pays ont réagi de façon individualisée et ne sont pas parvenus à trouver des réponses coordonnées pour faire face à la crise, que ce soit pour les masques, pour les tests, pour Discovery, pour les frontières. Avant de s'interroger sur la gouvernance mondiale de la santé, est ce qu'il ne faudrait pas déjà répondre aux carences qui ont été constatées en France ? Enfin, je voudrais vous poser une question, pour conclure, sur les masques. Je voudrais avoir des informations et des précisions sur l'élaboration des stratégies sanitaires en France notamment en ce qui concerne la question des masques qui n'est toujours pas réglée.

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Je vais essayer de prendre le sujet sur le fondement d'une analyse de plus long terme de l'OMS, et notamment du rapport de l'OMS à la France. Beaucoup a été dit au cours de cette audition. Il se trouve qu'il y a une vingtaine d'années nous avions vis-à-vis de l'OMS une stratégie très offensive. Nous avions réussi à, j'étais moi-même directeur général des affaires internationales du ministère de la santé, faire élire le directeur général du bureau régional Europe de l'OMS, M. Marc Danzon. Pourtant, dès les années 2000, nous avons aussi contribué à financer d'autres instruments, le Fonds mondial en 2002, le Gavi en 2000. Pourquoi ? Parce qu'il y avait probablement l'impression, déjà à l'époque, que l'OMS n'était pas forcément la plateforme qui pouvait faire preuve de réactivité et aller très vite sur ces nouvelles pandémies. Et quand je vois que l'on est passé de 10 à 40 milliards de dollars de financement annuels, et que cela s'est passé sans l'OMS, cela veut probablement dire que cela s'est passé soit sans l'OMS, soit à côté de l'OMS, soit qu'il ne s'est rien passé du tout dans la dynamique de financement international. Comment analysez-vous la stratégie de la France par rapport à l'OMS par rapport à cette époque ? Aujourd'hui, la France est un grand financeur de la santé internationale mais elle concentre ses efforts, de fait, beaucoup plus sur le Fonds mondial pour le sida, sur le Gavi, que sur l'OMS. Quand j'essaye de voir un peu ce qu'on fait concrètement en matière de santé, je constate l'existence du Fonds français Muskoka porté par l'Agence française de développement, mais j'ai du mal à savoir si la France, qui a un discours de renforcement des organisations multilatérales et du cadre mondial, a finalement fait le pari de ces financements verticaux, alors même qu'elle promeut l'institutionnel multilatéral classique. Si elle a fait ce pari, est-ce que c'est par constat de l'incapacité de l'OMS à évoluer assez fortement ?

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Pouvez-vous, en trois mots, nous dire les erreurs à éviter dans cette future gouvernance d'un éventuel GIEC santé, et ce, même dans une OMS réformée ? Ma deuxième question concerne les femmes et les violences faites aux femmes, qui ne sont pas que conjugales. J'aimerais avoir un mot sur les programmes de santé sexuelle et reproductive dans le contexte de cette pandémie. Un mot sur les programmes de contraception et planification familiale. Et un dernier mot sur les mutilations sexuelles, qui concernent plus de 200 millions de jeunes filles dans le monde, dans une trentaine de pays africains mais pas uniquement.

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Je voudrais vraiment vous poser la question suivante : est-ce que vous pensez sincèrement, en fonction de la connaissance que vous avez de l'OMS, que cette pandémie, avec sa visibilité et son nombre de morts, va vraiment être l'occasion d'une réforme de cette organisation ? Car je dois vous dire qu'en vous écoutant, j'ai des doutes. Des doutes compte tenu du fait qu'il faille tout remettre à plat, en vérité. Bien entendu, vous dites qu'il ne faut pas regarder que les défauts. Mais, en vous écoutant, on voit qu'il faut remettre tout à plat, que ce soit l'organisation, le fonctionnement, qui paraît très lourd, la gouvernance, le financement, les pouvoirs, parce qu'il n'y a pas de pouvoirs d'investigation, la lutte contre tous ces blocages et, in fine, une autonomie extrêmement faible de l'OMS, et ce dans un contexte de remise en cause générale du multilatéralisme. Je retiens que vous avez qu'il y avait un choix à faire, soit celui du multilatéralisme, et à ce moment-là on peut réformer l'OMS, soit celui du repli sur soi, et alors, on peut ne plus parler de l'OMS. S'il y a une véritable opportunité de réforme, quelles sont les réformes qui vous paraissent les plus susceptibles d'être mises en œuvre, parce qu'elles seraient les plus urgentes et les plus nécessaires ? Par ailleurs, est-ce que vous pensez que Taïwan va pouvoir redevenir membre observateur de l'OMS ? Vous l'avez dit, c'est la politique qui est entrée dans l'enceinte de l'OMS. La Chine ne veut plus de Taïwan à l'OMS, pour des raisons que tout le monde connaît. Or, je pense que Taïwan a été, tout de même, assez exemplaire, comme la Corée du Sud, vous l'avez dit, dans sa lutte contre ce virus. L'absence de Taïwan, en tant qu'observateur, comme il l'était avant, est un problème sur lequel on pourrait vous entendre. Enfin, vous avez dit que la Chine avait été beaucoup plus transparente que durant la crise du SRAS. Comment expliquez-vous, dans ces conditions, que la perception dans l'opinion n'a pas du tout été celle-là ? Au contraire, chacun a pu voir ces images du Président Xi recevant le directeur général de l'OMS et a pu entendre que l'OMS avait félicité très vite la Chine, alors même que, on l'a su après, le nombre de morts initialement déclaré par la Chine n'était pas le bon et a dû être multiplié par deux par la suite, sans que l'on soit sûr d'ailleurs qu'il s'agisse du bon.

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Merci, mesdames, pour vos explications et interventions dans un contexte qui a concerné, au cœur de l'actualité, l'OMS. Nous avons tous constaté les critiques et observations, qui ont sans doute mis un peu à l'épreuve sa crédibilité et sa réactivité, peut-être une forme d'impuissance, même si toutes ces critiques ont été entretenues pour des considérations qui n'étaient pas que sanitaires. Ont été mis au jour des problèmes de gouvernance sûrement, de gouvernance sans doute moins politique, moins administrative et plus technique et scientifique. Il faut que cette gouvernance soit mieux comprise, mieux admise et mieux reconnue, et en tout cas moins contestée. Et à cet égard, vous avez parlé de la régionalisation. Je crois que s'il y avait des regroupements d'experts, de scientifiques, dans le cadre de cette régionalisation. Favoriser celle-ci pourrait peut-être donner du crédit à cette gouvernance pour qu'elle soit considérée plus objective, plus réactive. Le deuxième point, dont il a déjà été question, ce sont les vaccins, les traitements. Il y a des initiatives qui sont prises ici ou là, complètement dispersées, quelques-unes fantaisistes, d'autres plus sérieuses. Est-ce qu'il y a une coordination de toutes ces initiatives pour qu'il y ait, en quelque sorte, une certification, des préconisations considérées comme efficaces et sérieuses ? Enfin, quelles sont les relations entre l'OMS et l'ONU, à la fois aujourd'hui et peut-être demain dans le cadre d'une nouvelle gouvernance ?

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Je souhaiterai revenir sur le GIEC santé. Vous nous invitez à plus de précisions sur son objet. Il aurait pour objet de donner plus de transparence dans le processus de décision et de donner à l'OMS les moyens de vérifier de façon indépendante les informations sanitaires transmises par les États. Ce Haut conseil mondial sur la santé humaine et animale alerterait les gouvernements, informerait la société et renforcerait la coordination entre l'OMS, l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, l'Organisation mondiale de la santé animale et le Programme des Nations unies pour l'environnement. Car vous comprendrez bien qu'il faut que la décision politique soit éclairée. Par exemple, très concrètement, aujourd'hui, l'OMS est-elle en capacité de le faire sur la mutation du virus et sur les cas pédiatriques, à l'heure où nous allons rouvrir les écoles ?

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Je voulais remercier nos interlocutrices et les interroger sur les programmes de recherche et les liens entre l'OMS et un certain nombre de laboratoires ou de pays. Est-ce qu'il y a des impulsions qui sont données, des validations qui sont octroyées, des financements qui sont fléchés, dans le cadre de ces programmes de recherche ? Car il est vrai que beaucoup de nos concitoyens ne savent pas trop à quoi sert l'OMS. Ils pensent que c'est un organisme qui, en tout cas, doit orienter les États sur les questions que je viens d'évoquer, notamment la recherche, et non un organisme qui ne peut pas « mordre », finalement, et a très peu de pouvoirs et de prérogatives.

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Ma question est similaire à celle de Bruno Joncour, qui concernait la vaccination. Ça paraît incontournable pour contrôler cette épidémie, il y a des recherches qui laissent espérer des résultats assez rapides dans cette véritable course contre la montre. Je pose la question, comme lui, qui est celle de savoir comment l'OMS, dans cette affaire, peut coordonner toutes ces recherches pour optimiser les résultats et faire en sorte que cette vaccination soit rapidement proposée à la population ?

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Ma question concerne les financements privés. Dans cette crise du Covid-19, on a pu voir s'organiser une campagne de collecte de dons à hauteur de 7 milliards d'euros, lancée en Europe. On peut voir sur la page d'accueil de l'OMS, et j'en ai été très surpris, qu'elle commence par « faire un don », et donc que l'appel aux dons privés est très fort. Et quand on voit la liste des contributeurs, la présidente en parlait tout à l'heure, la fondation Gates est en deuxième position et le Rotary International finance encore beaucoup plus que la Chine. Cette coexistence entre les fonds et financements privés et le rôle et les financements des États pose question. Je crois qu'il y a à la fois une source d'espoir en se disant qu'il y a une possibilité de trouver des financements nouveaux et à la fois évidemment un questionnement sur cette coexistence entre fonds publics et fonds privés. Qu'est-ce que vous pourriez nous en dire ?

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J'aurais souhaité aborder le problème de la coordination de l'information à des fins de recherche. On pourrait penser qu'il y a un manque de moyens pour détecter, alerter et informer venant de la part de l'OMS mais il semblerait qu'il y ait quand même des outils qui existent pour faciliter la recherche scientifique et améliorer la réactivité. L'OMS encourage l'utilisation de ces outils. Et j'en cite un, car madame Kieny, je crois, vous y contribuez c'est le GISAID, Global Initiative on Sharing all Influenza Data. Je pense que ces outils pourraient peut-être mieux être utilisés et je voulais savoir de quelle manière vous pensez que l'OMS pourrait mieux les exploiter ? Par ailleurs, concernant la coordination des stocks de matériel médical, je voulais savoir quel rôle l'OMS joue dans cette coordination à l'échelle mondiale et si vous pensiez que dans le cadre d'une réforme de l'OMS, ces outils pourraient être développés pour améliorer l'accès du matériel médical à tous ?

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Auriane Guilbaud, maîtresse de conférences en science politique à l'Institut d'études européennes, Université Paris 8

Une première question concernait les stratégies suivies par les États. Ce qu'il est intéressant de constater, c'est que les États proches géographiquement de la Chine (Taïwan, Singapour, la Corée du Sud, Hong Kong) ont réagi très tôt en prenant des mesures maximales en situation d'incertitude, c'est-à-dire, alors même que l'on ne savait pas exactement ce qu'il en était de la transmission interhumaine, de son degré de contagiosité, etc. Ces pays ont pris très tôt des mesures maximales en supposant le pire. C'est parce qu'ils avaient appris des épidémies précédentes, du SRAS, mais également du MERS, qui est aussi une maladie respiratoire due à un coronavirus. Ils se sont préparés à réagir dès que la situation semble anormale, même sans information supplémentaire. Ainsi, Taïwan a tiré les leçons de son expérience du SRAS. C'est précisément après, justement, la crise du SRAS en 2003, au cours de laquelle Taïwan avait été touche et la coopération entre la Chine et l'OMS s'était mal déroulée – cela avait pris des mois avant qu'une coopération puisse être établie –que Taïwan a été intégrée de manière plus forte au sein des réseaux de l'organisation et que la Chine a dû consentir à cela.

Plusieurs questions portaient sur les différences de comptabilisation des décès et des cas de contamination, ce qui est cause d'incertitude. Effectivement, pour connaître le nombre de cas et de morts en Chine ou à l'échelle mondiale, nous en aurons toujours une meilleure idée après coup. Ce qu'on peut dire aujourd'hui, c'est que, lorsqu'il y a une épidémie, au début règne toujours une grande incertitude sur les chiffres. Ceci est lié à deux choses. D'une part, il peut y avoir de la dissimulation de la part des États. D'autre part, il peut y avoir une part réelle d'incertitude. Parfois les deux sont liés : ainsi, certains États cherchent à dissimuler les vrais chiffres mais ne savent pas ou cherchent à dissimuler qu'ils ne savent pas. On saura vraiment ce qu'il en est que plus tard, malheureusement. Si on prend le cas de la grippe H1N1, par exemple, en 2009, lorsque l'OMS a déclaré la fin de la pandémie, il me semble qu'il y avait environ 20 000 décès officiellement recensés. Ensuite on a réévalué ce chiffre. Aujourd'hui, le nombre de morts dus à cette pandémie est estimé à au moins dix fois ce chiffre, peut-être plus. Entre 200 000 et 400 000 morts pourraient être ainsi attribuables finalement à la grippe H1N1. Au-delà de ces incertitudes inévitables, il n'empêche qu'il y a une grande nécessité à harmoniser les données. Cela a été souligné par plusieurs interventions, parce que la pandémie actuelle révèle à quel point chaque pays adopte sa propre manière de compter ses cas de contamination et ses morts. Sur ce point, pour harmoniser les pratiques, l'OMS aurait un vrai rôle à jouer.

Ce rôle d'harmonisation, elle le joue dans le cadre des protocoles élaborés pour effectuer des programmes de recherche et des essais cliniques. C'est là aussi une question qui a été posée plusieurs fois. Marie-Paule Kieny pourra revenir dessus. Pour ma part, je pense qu'il faut rappeler qu'il y a effectivement différents essais qui ont été lancés. Il y a l'essai Solidarity sous l'égide de l'OMS. Il y a des pays européens comme l'Espagne et l'Italie, si je ne me trompe pas, qui ont rejoint cet essai Solidarity plutôt que l'essai Discovery. Il est intéressant de constater que c'est qu'à partir du moment où l'on s'appuie sur le travail de normalisation de l'OMS, notamment sur ses protocoles de recherche, qu'il sera ensuite possible de comparer les données, quand bien même des essais différents seraient menés. Les résultats de l'essai Discovery pourront ainsi être comparés avec ceux, notamment, de l'essai Solidarity. L'OMS joue donc un vrai rôle d'harmonisation des protocoles et des données. Il reste, en tout état de cause, un travail d'harmonisation à effectuer avec les États membres dans la collecte des données de mortalité.

Plusieurs questions touchaient le budget et la question des financements. Lorsque je mentionnais, au début de mon propos liminaire, l'augmentation des financements dans le domaine de la santé mondiale, cela comprenait tous les bailleurs de fonds au niveau international : qu'il s'agisse des financements des organisations internationales, telles que l'OMS ou le Fonds des Nations unies pour la population, des programmes bilatéraux comme l'aide au développement apportée par la France ou les États-Unis, ou encore de tous les financements privés tels que ceux de la fondation Gates. Un institut américain rassemble ces données. Il y a, sur ces vingt dernières années, de plus en plus de financements pour des projets sanitaires au niveau international. Si on regarde, dans la part de ces financements, ce que représente le budget de l'OMS, c'est là que l'on tombe effectivement sur ce chiffre de 7 %, soit 2,8 milliards par an. La question des financements privés de l'OMS a été posée : il est vrai que l'organisation reçoit des financements importants de la part des contributeurs privés. Les plus importants sont des fondations privées comme la fondation Gates, qui contribue à environ 10 % du budget de l'OMS. Dans un contexte dans lequel les États membres ne contribuent pas davantage au budget de l'OMS et, dans le même temps, demandent à l'OMS de faire toujours plus de choses et d'être toujours plus efficace, il apparaît compliqué de le faire sans financements additionnels, d'où une stratégie, menée par l'OMS, de diversification de ses financements en faisant appel à des acteurs privés ou, récemment, en faisant appel à des dons individuels, la pandémie actuelle aidant. L'OMS reste une organisation intergouvernementale. La gouvernance appartient aux États. Mais si les financements ne sont plus assurés par eux mais par des acteurs privés comme la fondation Gates, alors se crée, dans la gouvernance, un décalage qui non seulement interpelle mais va finir, à terme, par poser problème. On ne sait pas ce que les États-Unis décideront finalement après l'annonce par l'administration Trump de la suspension de leurs financements à l'OMS, le temps d'une enquête. Si jamais ces financements étaient effectivement retirés sur le long terme, cela ferait de la fondation Gates le premier donateur. C'est un problème pour une organisation intergouvernementale.

Toujours dans l'ordre des financements, a été posée une question sur le rapport de l'OMS à la France et sur le fait que la France avait, depuis le milieu des années 2000, investit dans des initiatives sanitaires internationales en dehors de l'OMS. Il est vrai que la France finance beaucoup de programmes, de fonds et de partenariats et d'organisations en dehors de l'OMS, à l'instar du Fonds mondial. Il ne se s'agit pas de dire que l'OMS peut tout faire et doit tout faire au niveau international. Il y avait un réel besoin de nouveaux mécanismes, de nouveaux financements dans lesquels on a investi et c'est très bien. Ce que je voulais simplement souligner c'est que, à côté de cela, ces investissements qui ont été utiles pour développer de nouveaux outils et de nouveaux programmes, ne doivent pas conduire à oublier l'Organisation mondiale de la santé et à ne pas investir dans une organisation qui est universelle. Dans cette organisation, les pays en développement ont le même poids. Ils sont tous présents. Investir dans l'OMS, c'est ainsi rappeler que l'on prend en compte les besoins de tous les pays en développement et qu'on a un canal de coopération avec eux.

Une dernière chose pour terminer sur cette question du financement et sur les leçons que l'on pourra tirer de cette crise. Marie-Paule Kieny l'a mentionné tout à l'heure. Après la grippe H1N1 à l'occasion de laquelle l'OMS avait été critiquée pour avoir réagi trop rapidement, s'était fait jour un désengagement des programmes d'urgence. Une certaine « fatigue pandémique » s'était répandue parmi les donateurs de l'OMS. Il faut bien voir que cette évolution s'était combinée avec les effets de la crise économique et financière de 2008. Leurs effets étaient conjugués. Je signale ce fait, parce que la pandémie actuelle provoque une crise économique importante. Il faut donc faire attention, dans la manière dont on va essayer d'améliorer la coopération sanitaire internationale, à ne pas se retrouver dans une situation où l'on combine d'un côté un coup de projecteur sur ce qui a marché et sur ce qui n'a pas marché et de l'autre un moment de crise dans lequel on se dit que l'on n'a pas suffisamment d'argent pour investir dans la coopération sanitaire internationale.

Je terminerai assez rapidement sur la crise du multilatéralisme et l'occasion de réformer l'OMS. Évidemment, tout cela dépendra de la volonté des États. Une question très intéressante a été posée sur la perception que l'on peut avoir de l'OMS dans la crise actuelle. Pour évaluer la réaction de l'OMS, il faut déterminer à quoi on la compare. On doit bien comprendre qu'il y a eu un choix stratégique qui a été effectué de la part de la direction de l'OMS, notamment dans sa coopération avec la Chine. C'est la manière dont je l'analyse de l'extérieur avec toutes les précautions d'usage qui s'imposent. Il y a eu un choix stratégique effectué sur la question de savoir comment réagir et quoi faire. Est-ce qu'on décide d'aller à la confrontation au risque ensuite de ne pas pouvoir se rendre dans le pays et de manquer d'informations ou est-ce qu'on essaye de jouer le jeu diplomatique de la coopération ? C'est le choix qui a été fait. La capacité de l'OMS à réaliser ce genre d'arbitrage et à faire en sorte que les États soient investis dans ces choix stratégiques qui sont faits va dépendre du choix que les États vont faire dans la refonte du multilatéralisme.

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Marie-Paule Kieny, directrice de recherche à l'INSERM, membre du think tank Santé mondiale 2030

Je vais m'efforcer de répondre aux questions un peu plus techniques qui ont été posées.

Est-ce qu'il y avait d'autres options que le confinement ? Des pays ont essayé. La Suède a essayé mais elle a vu la mortalité dans ses établissements pour personnes âgées exploser. Le Royaume-Uni a affirmé, au début de la crise, qu'il fallait simplement laisser grandir l'immunité naturelle mais a vite été obligé de revenir en arrière au vu de l'augmentation de la mortalité. On sait très peu de choses sur cette maladie. Il faut quand même se souvenir qu'on n'en connaissait rien il y a encore cinq mois. On commence à savoir que ce n'est pas seulement une maladie pulmonaire mais aussi une maladie qui attaque les cerveaux, qui peut attaquer les enfants, ce qu'on ne le pensait pas au début. Nous pourrons voir peut-être plus tard que nous aurions, peut-être, pu faire autrement. Mais, dans la réalité de l'action, c'était la seule solution ouverte aux États membres. C'est vrai que pour le moment 85 % des victimes sont en Europe, mais quand on voit la rapidité de la diffusion de la pandémie au Brésil, qui ne fait pas de confinement, c'est très inquiétant. Sur les chiffres, comme l'a dit Auriane Guilbaud, nous avons-nous-mêmes réajusté nos chiffres de mortalité pendant la canicule. Dans la crise actuelle, la Chine a réajusté les siens en les doublant. Les chiffres dépendent du nombre de tests. Je ne peux pas comparer le nombre de cas en France, qui, jusqu'à présent, testait peu, avec ceux d'autres pays dans lesquels on testait tout le monde. Les chiffres dépendent des stratégies de chacun des pays. Des rumeurs ont circulé, par exemple, autour de la Chine, rumeurs selon lesquelles le pays aurait enregistré dix fois plus de morts que ce qu'elle avait déclaré, et ce au vu des files d'attentes constituées à Wuhan par les gens qui venaient chercher des urnes funéraires à la sortie du confinement. À cette époque-là, les Chinois avaient déclaré 3 000 morts. Maintenant, il y en a sûrement 4 000. Il faut dire que, traditionnellement, dans une ville comme Wuhan, de 11 millions d'habitants, à cette période-là de l'année, pendant ces trois mois, la mortalité normale touche 20 000 personnes. Ce n'est donc pas étonnant qu'il y ait eu une commande de très nombreuses urnes. Cela ne prouve pas que les Chinois aient menti. Il faut quand même être raisonnable sur ce que l'on interprète et sur ce que disent les médias et les réseaux sociaux.

Je confirme que Taïwan contribue techniquement aux travaux de l'OMS. Pour ce qui est des normes, l'OMS a des normes qui s'appliquent pour tous et pas seulement pour les Européens. Pour certaines normes qui sont très particulières en Europe, c'est vrai que les institutions européennes sont mieux placées mais rappelez-vous que l'OMS a un rôle universel c'est-à-dire que tout le monde doit équilibrer ce qu'il demande à l'OMS. Lorsque l'on parle de réforme, on se cristallise sur le rôle de l'OMS dans les urgences mais l'OMS fait beaucoup plus que cela. Comme je l'ai dit tout à l'heure, l'OMS c'est d'abord l'élaboration de normes : les normes sanitaires, les normes dans le médicament, les normes de pollution, les normes de sucre, les normes de gras. Ce qu'il ne faut pas oublier non plus, c'est que l'OMS joue auprès des pays pauvres un rôle très important de soutien. Elle les aide à définir leurs politiques de santé, à voir comment prélever l'impôt pour pouvoir financer la santé. Elle joue aussi un rôle pour mettre en place des actions de ripostes au tabac et aux accidents de la route. Toutes ces actions qui sont menées par l'OMS ne pourraient pas être menées par une forme GIEC. On peut, pourquoi pas, imaginer un GIEC qui discuterait des questions de santé d'un point de vue scientifique et obtenir un consensus scientifique sur des missions précises. Mais, toutes les autres missions de l'OMS, le normatif et l'assistance aux pays qui en ont besoin, n'entreraient pas dans le cadre d'un GIEC.

Sur les points plus techniques, je peux apporter quelques précisions. L'anticipation d'actions de recherche avait déjà été faite à l'OMS. À la sortie de la crise d'Ebola de 2014-2016, j'avais commencé à mettre en place ce qui s'appelle le « R&D Blueprint » qui est un plan d'anticipation des urgences par la recherche. C'est ce plan qui a déjà permis de faire évoluer les pratiques. Vous avez pu constater que, dès le début de la pandémie, les données de séquences ont été partagées. Des plans d'actions avaient été faits pour répondre à une épidémie qui serait causée par un agent inconnu. Ce sont ces plans qui ont permis, dès début février, à l'OMS d'organiser un forum sur la recherche et l'innovation. Tout cela c'est grâce à un plan d'anticipation sur la recherche dans les crises qui avait été mis en place à partir de 2015.

Sur la question des masques. Je ne suis pas une spécialiste. J'ai lu la littérature scientifique. Comme vous le savez, les meilleurs éléments de recherche et de preuves scientifiques sont le fruit d'essai randomisés et contrôlés. Il existe des données dans la littérature scientifique qui ont été obtenu à l'occasion de la grippe. Le virus de la grippe n'est pas un coronavirus mais la littérature scientifique est ambivalente, ou plutôt bivalente, sur la valeur du port des masques par la population qui n'est pas malade et qui n'est pas sujette aux mêmes risques que les soignants. La question est encore ouverte. On en saura beaucoup plus à la fin de la pandémie. On est toujours plus intelligents après. Cependant, dans le cas précis où l'on manquait de masques, il est clair que ces masques devaient absolument être réservés en priorité aux malades pour que ceux-ci évitent de contaminer les autres et encore plus, en priorité, aux soignants. La population générale non malade venait après. Alors quelle est la raison pour laquelle il faudrait sans doute porter des masques quand on est en milieu confiné ? Ce que l'on sait maintenant, et on ne le savait pas il y a encore deux mois, c'est qu'il y a des porteurs asymptomatiques et que les gens sont asymptomatiques pendant deux jours avant de déclarer les symptômes. Cela veut dire que l'on peut être en bonne santé, se promener à l'extérieur et transmettre la maladie. Dans ces cas, il y a bien lieu, surtout dans des endroits confinés, de porter un masque. Mais ce sont des données récentes. Jusqu'à il y a peu, la doctrine disait que les masques sont utiles pour les personnels de santé et pour les gens malades. On commence maintenant à l'élargir au vu des nouvelles informations scientifiques qui n'étaient pas étayées dans la littérature scientifique jusqu'à présent.

Sur les fonds verticaux. Depuis 2000, les fonds verticaux étaient ce qu'il fallait faire. La pandémie de sida, de paludisme, de tuberculose, la baisse de couverture des vaccins pour le Gavi étaient des problèmes de santé mondiale qu'il fallait absolument prendre en compte et les fonds verticaux ont rempli leurs missions. Cependant, on est maintenant sorti de cette vision très verticale de la santé. La France est un pays qui pousse pour la couverture de santé universelle. Dans ce cadre, il faudrait arriver à remettre en question, en France, le financement des grands fonds mondiaux, qui sont des « vaches sacrées » réservées à l'Élysée, et essayer de voir comment l'on pourrait « horizontaliser » les actions de la France dans la santé. Ainsi, les dons sur les fonds verticaux n'auront pas leurs effets actuels, c'est-à-dire appauvrir les systèmes de santé dans les pays les plus pauvres. C'est mon opinion, et elle n'est pas partagée par tout le monde.

Pourquoi est-ce que l'on ne croit pas l'OMS ? Vous le savez, les conspirations vont bon train. J'avais été auditionnée par le Conseil de l'Europe il y a quelques années pour témoigner du fait que l'OMS n'avait pas été infiltrée par l'industrie du vaccin et que ce n'était pas à cause de cela que l'on avait déclaré une pandémie de H1N1. J'ai parlé pendant deux heures mais on ne m'a pas crue parce que le complotisme est plus fort que tout. Je peux vous répéter, à vous aussi, que l'OMS fait du bon travail et que la Chine a été transparente mais si vous ne voulez pas me croire, alors vous n'allez pas me croire.

Du point de vue des normes sur les médicaments, l'OMS a un rôle très important et pas seulement pour les pandémies. Elle développe une procédure importante qui s'appelle la « préqualification ». C'est une revue réglementaire qui permet à l'OMS de signaler aux grands fonds, au Fonds mondial qui achète des médicaments pour le sida ou à Gavi qui achète des vaccins, les produits qui ont le bon niveau de qualité. Pour le cas des pandémies et des manifestations qui mettent en cause la santé publique sur le plan mondial, l'OMS a une procédure plus rapide de qualification des médicaments, des tests et des vaccins en urgence Elle est déjà en train, avec d'autres acteurs comme Fine, d'évaluer les tests de diagnostics. Elle fera une liste de ceux qu'elle aura évalués comme étant fiables.

Sur la vaccination, l'OMS coordonne tant qu'elle peut. Elle fait des inventaires des tests qui sont en cours. Elle possède des comités d'experts composés de spécialistes mis à disposition par les États membres. Elle fait appel directement aux experts des États membres pour arriver à définir des normes, définir ce qui est prioritaire et les types de réponse. Ce sont des comités qui siègent chacun chez eux en ce moment et leurs rapports sont rendus publics. L'OMS fait ce travail de coordination mais il est très technique et tout le monde ne le voit pas. Elle ne peut pas imposer à un pays comme les États-Unis l'obligation selon laquelle tous les vaccins qui seront produits sur le sol américain serviront à vacciner toute la population américaine jusqu'à ce que tout le monde soit vacciné. L'OMS essaye, avec l'appui de la France et l'appui de la Commission européenne, de dire qu'il faut un partage équitable. On ne peut pas forcer un pays qui ne veut pas jouer le jeu, surtout s'il est puissant comme les États-Unis. Rappelez-vous que le président Trump a essayé, il n'y a pas longtemps, d'acheter une société allemande qui avait un vaccin prometteur. C'est l'intervention du gouvernement allemand qui a empêché que cette technologie ne parte aux États-Unis et fasse partie des 300 millions de vaccins que M. Trump veut produire avant les élections de novembre. Favoriser l'accès au matériel médical, c'est ce que l'OMS fait au profit des plus pauvres. L'Iran n'a pu tester ses cas que parce que l'OMS lui a donné des réactifs. On peut donc difficilement demander à l'OMS de fournir du matériel à la France, alors qu'elle doit s'assurer que les pays aient accès au matériel médical de façon équitable. Dans ce cas, ce sont les pays les plus pauvres qu'il faut privilégier.

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Je vous remercie beaucoup. Nous avons pu, collectivement, réfléchir, ensemble, grâce à vous, à ces grandes questions. Je veux, avec beaucoup d'humilité, essayer de vous dire quelles sont les intuitions qui sont les miennes et les pistes auxquelles je pense. La première chose, vous avez dit qu'on a le choix un système multilatéral et le repli sur soi. À la vérité, nous n'avons pas le choix. Il n'y a pas de choix possible. Nous savons que, dans l'avenir, les crises seront, je suppose, pour la majorité d'entre elles, de plus en plus globales. Nous aurons donc de plus en plus besoin de réponses globales, c'est-à-dire d'une coopération internationale pertinente. Je pense que c'est une certitude pour nous tous.

La deuxième chose que je veux dire, c'est que j'ai été très frappée pendant cette période par les injonctions contradictoires sur les questions d'outils pour la santé. Cela n'est pas possible. On ne peut pas entendre un jour « il faut des masques, il faut des tests » et l'autre « il ne faut pas de masques, il ne faut pas de tests ». De ce point de vue, je trouve qu'il y a eu quelque chose comme une faiblesse de l'OMS. Imaginer au fond qu'il y ait obligation d'une forme de consensus scientifique dans un GIEC santé me semble indispensable. On sait bien que le consensus scientifique, on le voit en France, n'est pas facile à trouver, mais il est absolument vital. On doit avoir au niveau mondial, en phase de pandémie, un consensus scientifique sur les outils et les instruments à utiliser. Du temps a été perdu, probablement à l'OMS, ensuite dans l'ensemble des États membres. Nous avons donc besoin d'un consensus scientifique. Un GIEC pourrait y contribuer à l'intérieur, ou à côté, mais on a besoin de recommandations scientifiques. C'est la deuxième chose que je crois.

Troisièmement, on a besoin d'avancer sur l'harmonisation des données, tous mes collègues l'ont dit, sur les études épidémiologiques qui peuvent être menées en commun, sur la question de la coopération et de la coordination en matière de recherche et en matière de matériel médical. Il y a là un champ qui n'a pas été optimal et qu'il conviendra probablement d'améliorer.

Est-ce que cela passera par une réforme de l'OMS ? Sûrement, mais je crois d'abord que nous devons préciser le rôle que nous entendons faire jouer à cette organisation. L'OMS ne peut pas tout faire, être partout et pallier tous les autres manques. Il faut préciser ce rôle, remettre à plat ses missions essentielles, bien se mettre d'accord sur les objectifs de ces missions. Est-ce que c'est la question de la gestion des urgences, celle de la gestion de l'ensemble des épidémies, celle de la gestion des normes ou celle de l'accompagnement des pays en voie de développement ? On voit bien qu'il y a de nombreuses directions d'actions. On voit bien qu'il y aura besoin d'une réforme de la gouvernance. Je pense, en particulier, qu'il faudra la doter un pouvoir d'investigation dans les pays, sous réserve d'inventaire. Spontanément j'aurais plutôt cette intuition-là, qui rejoint celle de mes collègues qui se sont exprimés sur la question. Je pense que cette réforme de l'OMS ne peut pas se faire sans une clarification. Les États membres, les partenaires de la société civile et les acteurs globaux de la santé doivent tous se mettre d'accord sur le rôle de cette institution. Cela ne sera pas simple mais il n'y a pas d'autres chemins que celui-là. Il faudra aussi que les États membres prennent leur part de responsabilité. L'OMS n'est pas une organisation hors sol. Elle est en fait, pour partie, ce que les États membres en font. Il faudra vraiment une volonté politique et une coopération de tous pour, à la lumière de la pandémie que nous venons de vivre, améliorer la gouvernance mondiale de la santé, ce qui, je crois, est attendu de l'ensemble de nos concitoyens et dans le monde. Voilà les quelques pistes que je voulais tracer et qui ne sont évidemment pas suffisantes en elles-mêmes. Je vous laisse la parole à pour conclure.

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Marie-Paule Kieny, directrice de recherche à l'INSERM, membre du think tank Santé mondiale 2030

Si je peux me permettre, je suis d'accord avec vous sur la plupart des choses mais il faut quand même se souvenir que les urgences ne se ressemblent pas. Ce qu'il faut faire avec Ebola n'est pas la même chose que ce qu'il faudra faire avec la crise suivante. Vous connaissez la ligne Maginot, on se prépare toujours pour la guerre d'avant. C'est difficile aussi d'avoir un consensus scientifique sur quelque chose que l'on ne connaît pas encore. C'est pour cela que la connaissance avance. Il y a des choses sur lesquelles on peut se mettre d'accord. Par exemple, un masque pour Ebola, cela ne sert à rien. Il faut essayer d'avoir un consensus scientifique, en amont, autant que possible sur ce qui est commun. Pour tout ce qui n'est pas commun, il faudra gérer au moment où cela se passe.

Pour le GIEC il y a une autre chose à laquelle j'ai pensé. Vous savez, lorsque c'est pour le climat, si tous les pays n'en font pas partie, c'est ennuyeux, mais on peut faire sans. Mais pour les questions de santé, il n'est pas possible que tous les pays ne soient pas intégrés. Si c'est pour se forger un consensus scientifique, pourquoi pas, mais pas si c'est pour aller du consensus scientifique à l'action. Si vous n'avez pas tout le monde, en fait, vous n'avez personne. C'est là que l'OMS a un avantage. Il va falloir que tout le monde soit d'accord et cela va être la même chose pour la définition du mandat.

Je pense qu'il ne faut pas oublier non plus le rôle normatif. Les normes n'amusent que les régulateurs mais, sans normes, nous sommes soumis aux pouvoirs des lobbies. Je me souviens que nous avions eu tout une dispute à l'OMS à propos du sucre, parce qu'un des États membre était sous l'influence du lobby des industries du sucre, qui essayait de pilonner les normes de l'OMS. Ce n'est pas possible de laisser des partenariats public-privé gérer l'action normative. Je suis donc d'accord avec vous sur la plupart des analyses, avec quelques réticences sur l'idée du GIEC.

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Auriane Guilbaud, maîtresse de conférences en science politique à l'Institut d'études européennes, Université Paris 8

Je voudrais revenir sur deux choses très rapidement. Je crois, effectivement, que notre discussion a montré qu'il va falloir tirer les leçons de cette crise et des crises précédentes pour vraiment avoir une vision globale des choses. La deuxième c'est qu'il faut bien comprendre que l'on a besoin d'universalité et que la coopération internationale universelle, à 194 États, c'est compliqué, c'est parfois frustrant, c'est le jeu diplomatique, mais c'est indispensable. Même quand cela ne se voit pas, lorsque ce sont des activités faites en coulisse sur des années, c'est néanmoins important d'investir dedans. C'est tout ce travail de construction de la confiance qui va permettre de pouvoir réagir de manière plus satisfaisante en cas de crise. Je voulais bien insister sur ce point. Construire la confiance entre partenaires, avoir des canaux de communication, pouvoir se parler, ce qui est crucial en cas de crise, cela se construit dans le temps. On a besoin donc aussi d'un investissement à long terme et parfois peu visible.

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Je vous remercie vraiment beaucoup et je remercie également l'ensemble des parlementaires, car, grâce à vous, une réflexion collective s'est vraiment ouverte. Nous allons la prolonger sur toutes ces questions, qui sont des questions cruciales. Je veux reprendre le mot que vous avez utilisé vous-même car il est absolument vital en matière de santé, c'est la question de la confiance. La question de la confiance des citoyens du monde vis-à-vis de ces instances de coopération et de coordination internationales est extrêmement importante pour la gestion des pandémies.

La séance est levée à 11 heures 45.

Membres présents ou excusés

Présents. – Mme Ramlati Ali, Mme Aude Amadou, M. Frédéric Barbier, M. Hervé Berville, M. Jean-Claude Bouchet, M. Jean-Louis Bourlanges, Mme Valérie Boyer, M. Pierre Cabaré, Mme Samantha Cazebonne, Mme Annie Chapelier, Mme Mireille Clapot, M. Pierre Cordier, M. Alain David, M. Christophe Di Pompeo, Mme Frédérique Dumas, M. Pierre-Henri Dumont, M. M'jid El Guerrab, M. Michel Fanget, Mme Anne Genetet, M. Éric Girardin, Mme Olga Givernet, M. Michel Herbillon, M. Alexandre Holroyd, M. Bruno Joncour, M. Hubert Julien-Laferrière, M. Rodrigue Kokouendo, Mme Sonia Krimi, Mme Aina Kuric, Mme Amélia Lakrafi, Mme Martine Leguille-Balloy, Mme Marion Lenne, Mme Nicole Le Peih, Mme Brigitte Liso, M. Jacques Maire, M. Denis Masséglia, M. Jean François Mbaye, M. Frédéric Petit, Mme Bérengère Poletti, M. Jean-François Portarrieu, Mme Isabelle Rauch, Mme Laetitia Saint-Paul, Mme Marielle de Sarnez, Mme Sira Sylla, Mme Michèle Tabarot, M. Buon Tan, Mme Liliana Tanguy, Mme Valérie Thomas, Mme Nicole Trisse, M. Sylvain Waserman

Excusés. – M. Claude Goasguen, M. Jean-Paul Lecoq, M. Jean-Luc Reitzer