Intervention de Marielle de Sarnez

Réunion du mercredi 6 mai 2020 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarielle de Sarnez, présidente :

Je vous remercie beaucoup. Nous avons pu, collectivement, réfléchir, ensemble, grâce à vous, à ces grandes questions. Je veux, avec beaucoup d'humilité, essayer de vous dire quelles sont les intuitions qui sont les miennes et les pistes auxquelles je pense. La première chose, vous avez dit qu'on a le choix un système multilatéral et le repli sur soi. À la vérité, nous n'avons pas le choix. Il n'y a pas de choix possible. Nous savons que, dans l'avenir, les crises seront, je suppose, pour la majorité d'entre elles, de plus en plus globales. Nous aurons donc de plus en plus besoin de réponses globales, c'est-à-dire d'une coopération internationale pertinente. Je pense que c'est une certitude pour nous tous.

La deuxième chose que je veux dire, c'est que j'ai été très frappée pendant cette période par les injonctions contradictoires sur les questions d'outils pour la santé. Cela n'est pas possible. On ne peut pas entendre un jour « il faut des masques, il faut des tests » et l'autre « il ne faut pas de masques, il ne faut pas de tests ». De ce point de vue, je trouve qu'il y a eu quelque chose comme une faiblesse de l'OMS. Imaginer au fond qu'il y ait obligation d'une forme de consensus scientifique dans un GIEC santé me semble indispensable. On sait bien que le consensus scientifique, on le voit en France, n'est pas facile à trouver, mais il est absolument vital. On doit avoir au niveau mondial, en phase de pandémie, un consensus scientifique sur les outils et les instruments à utiliser. Du temps a été perdu, probablement à l'OMS, ensuite dans l'ensemble des États membres. Nous avons donc besoin d'un consensus scientifique. Un GIEC pourrait y contribuer à l'intérieur, ou à côté, mais on a besoin de recommandations scientifiques. C'est la deuxième chose que je crois.

Troisièmement, on a besoin d'avancer sur l'harmonisation des données, tous mes collègues l'ont dit, sur les études épidémiologiques qui peuvent être menées en commun, sur la question de la coopération et de la coordination en matière de recherche et en matière de matériel médical. Il y a là un champ qui n'a pas été optimal et qu'il conviendra probablement d'améliorer.

Est-ce que cela passera par une réforme de l'OMS ? Sûrement, mais je crois d'abord que nous devons préciser le rôle que nous entendons faire jouer à cette organisation. L'OMS ne peut pas tout faire, être partout et pallier tous les autres manques. Il faut préciser ce rôle, remettre à plat ses missions essentielles, bien se mettre d'accord sur les objectifs de ces missions. Est-ce que c'est la question de la gestion des urgences, celle de la gestion de l'ensemble des épidémies, celle de la gestion des normes ou celle de l'accompagnement des pays en voie de développement ? On voit bien qu'il y a de nombreuses directions d'actions. On voit bien qu'il y aura besoin d'une réforme de la gouvernance. Je pense, en particulier, qu'il faudra la doter un pouvoir d'investigation dans les pays, sous réserve d'inventaire. Spontanément j'aurais plutôt cette intuition-là, qui rejoint celle de mes collègues qui se sont exprimés sur la question. Je pense que cette réforme de l'OMS ne peut pas se faire sans une clarification. Les États membres, les partenaires de la société civile et les acteurs globaux de la santé doivent tous se mettre d'accord sur le rôle de cette institution. Cela ne sera pas simple mais il n'y a pas d'autres chemins que celui-là. Il faudra aussi que les États membres prennent leur part de responsabilité. L'OMS n'est pas une organisation hors sol. Elle est en fait, pour partie, ce que les États membres en font. Il faudra vraiment une volonté politique et une coopération de tous pour, à la lumière de la pandémie que nous venons de vivre, améliorer la gouvernance mondiale de la santé, ce qui, je crois, est attendu de l'ensemble de nos concitoyens et dans le monde. Voilà les quelques pistes que je voulais tracer et qui ne sont évidemment pas suffisantes en elles-mêmes. Je vous laisse la parole à pour conclure.

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