Si je peux me permettre, je suis d'accord avec vous sur la plupart des choses mais il faut quand même se souvenir que les urgences ne se ressemblent pas. Ce qu'il faut faire avec Ebola n'est pas la même chose que ce qu'il faudra faire avec la crise suivante. Vous connaissez la ligne Maginot, on se prépare toujours pour la guerre d'avant. C'est difficile aussi d'avoir un consensus scientifique sur quelque chose que l'on ne connaît pas encore. C'est pour cela que la connaissance avance. Il y a des choses sur lesquelles on peut se mettre d'accord. Par exemple, un masque pour Ebola, cela ne sert à rien. Il faut essayer d'avoir un consensus scientifique, en amont, autant que possible sur ce qui est commun. Pour tout ce qui n'est pas commun, il faudra gérer au moment où cela se passe.
Pour le GIEC il y a une autre chose à laquelle j'ai pensé. Vous savez, lorsque c'est pour le climat, si tous les pays n'en font pas partie, c'est ennuyeux, mais on peut faire sans. Mais pour les questions de santé, il n'est pas possible que tous les pays ne soient pas intégrés. Si c'est pour se forger un consensus scientifique, pourquoi pas, mais pas si c'est pour aller du consensus scientifique à l'action. Si vous n'avez pas tout le monde, en fait, vous n'avez personne. C'est là que l'OMS a un avantage. Il va falloir que tout le monde soit d'accord et cela va être la même chose pour la définition du mandat.
Je pense qu'il ne faut pas oublier non plus le rôle normatif. Les normes n'amusent que les régulateurs mais, sans normes, nous sommes soumis aux pouvoirs des lobbies. Je me souviens que nous avions eu tout une dispute à l'OMS à propos du sucre, parce qu'un des États membre était sous l'influence du lobby des industries du sucre, qui essayait de pilonner les normes de l'OMS. Ce n'est pas possible de laisser des partenariats public-privé gérer l'action normative. Je suis donc d'accord avec vous sur la plupart des analyses, avec quelques réticences sur l'idée du GIEC.