Cela fait le lien avec la conclusion de Michel Herbillon qui est la bonne conclusion : quels sont les moyens qu'on se donne pour atteindre les objectifs que l'on vient collectivement de définir ? C'est la question d'abord de la gouvernance, la question d'un plancher et d'un plafond. Le Gouvernement, au début, pour faire travailler les deux maisons ensemble, a fixé un objectif de 25 %, si je ne m'abuse, de projets en commun. Il ne faut pas, en tout état de cause, instituer une dépendance financière totale, que ce soit à l'égard de l'Union européenne, de l'AFD, ou de tout autre acteur. Est-ce qu'on ne peut pas prévoir une commande d'État plancher qui soit solide et forte que nous, nous pourrions être en capacité de garantir, pour justement qu'il n'y ait pas cette absorption de l'énergie, du temps et des projets sur des sujets qui sont alignés avec les objectifs de l'AFD ? Je dis cela, c'est peut-être totalement impossible, mais les questions de plancher, de plafond, d'objectifs communs, sont importantes.
Pour rebondir sur ce que disait Michel Herbillon, se pose la question de la gouvernance bien évidemment : qui donne la lettre de mission à Expertise France ? Est-ce que ce sont les ministres ou est-ce le directeur de l'AFD ? À quel moment le cadrage politique est donné, par qui, comment ? Par ailleurs, comment vont évoluer les COM ? La question de la nomination du directeur général, la question de désignation du président du conseil d'administration, ce sont des questions de forme mais aussi de fond qui vont avoir une influence sur la capacité d'Expertise France à agir.
Et puis, pour rebondir sur ce que disait Jean-Louis Bourlanges – comme d'habitude, il pose les bonnes questions –, quels sont les objectifs qu'on s'assigne à ces agences ? Je ne sais pas s'ils sont contradictoires mais en tout cas ils sont multiples et divers, comme beaucoup d'objectifs des politiques publiques. C'est bien, parce qu'on a de l'ambition, nous sommes français. Mais parfois la temporalité de leur mise en œuvre n'est pas la même. Nous avons voulu le rapprochement des opérateurs pour donner au groupe AFD une taille critique. Rappelez-vous, il y a cinq, dix ans, ont déjà été fusionnés différents petits acteurs éparpillés. Il fallait doter la France d'une agence de coopération technique avec une taille suffisamment critique pour peser au sein de l'Union européenne. Maintenant, il faut la rapprocher d'un grand groupe pour lui donner une taille suffisamment critique au niveau international. La question qu'on se pose est : est-ce que rattacher un acteur moyen à un gros acteur va permettre de lui donner une taille suffisamment critique ? C'est la question qui se pose.
Je suis tout à fait d'accord avec Frédéric Petit sur le fait que des éléments d'Expertise France ne sont pas intégrables dans l'AFD par construction, par le fait de normes définies d'ailleurs par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). La question – je n'ai pas la réponse parce que c'est le futur qui nous le dira – est la suivante : est-ce que ces éléments non intégrables dans l'AFD vont petit à petit « se décalcifier », disparaître, parce que, encore une fois, toute l'énergie, tout le temps seront dépensés à opérer l'alignement avec les objectifs de l'AFD et des projets d'aide au développement. Ou alors, est-ce que, à l'inverse, les objectifs qui n'étaient pas intégrables ou solubles dans l'AFD peuvent le devenir, en faisant en sorte que l'AFD soit en capacité d'agir dans des domaines qui lui étaient interdits pour l'instant et faire de cette agence non pas simplement une agence de développement mais, de manière plus large, une banque de financement de la coopération extérieure de la France. Pour moi, l'élément essentiel qu'il faut pas qu'on perde de vue en tout cas, c'est l'objectif qui a été assigné par le Président de la République, par les différents ministres : dans Expertise France, il y a des éléments qui sont majeurs pour la stratégie française de coopération internationale. Je ne parle pas d'aide au développement, mais de coopération internationale. Les questions de paix, de stabilité, de sécurité, de lutte contre la criminalité organisée ne doivent pas être perdues de vue. On ne doit pas simplement les préserver, on doit les traiter de manière beaucoup plus puissante grâce à Expertise France.