Intervention de Marielle de Sarnez

Réunion du mardi 16 juin 2020 à 18h00
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarielle de Sarnez, présidente :

Cher Bruno Latour, nous sommes très heureux de vous accueillir aujourd'hui. Vous êtes agrégé de philosophie, anthropologue et sociologue. Vous avez enseigné à l'École des Mines et à Sciences Po, où vous intervenez encore occasionnellement. Vous vous êtes naturellement intéressé aux conséquences de la crise que nous vivons et au modèle de société que nous pourrions souhaiter pour l'avenir. À l'évidence, et c'est un constat que nous partageons tous : nos sociétés n'ont pas réagi de la même manière. Les cultures du risque et de la prévention ne sont pas identiques dans toutes les régions et dans tous les pays du monde. En disant cela je pense évidemment à certains pays d'Asie, comme la Corée du Sud. Certains de ces pays ont eu à faire face, dans un passé assez récent, à de graves épidémies. Ils sont donc parvenus à créer ce que nous pourrions appeler un continuum entre évaluation des risques et gestion des risques, avec une acceptation par le public qui connaissait les mesures proposées. Ils sont parvenus à dessiner ce que l'on pourrait décrire comme un cercle vertueux entre évaluation, décision et confiance. Nos sociétés européennes, et plus largement les sociétés occidentales puisque j'y inclus les États-Unis, n'ont pas cette culture du risque sanitaire et y étaient donc moins bien préparées.

Le virus est un phénomène qui n'est pas purement exogène, comme pourrait l'être un tremblement de terre. Selon vous, ce virus viendrait de l'intérieur, en nous imposant un changement brutal dans nos modes de vies. Vous y reviendrez. C'est aussi l'illustration de la société du risque, ce qui ne signifie pas qu'il n'y a plus de risques. En fait, aujourd'hui les risques sont devenus plus globaux qu'ils ne l'étaient avant. Il y a vingt ans vous aviez écrit ceci : « Nous sommes tous devenus solidaires par les liens aussi imprévus qu'innombrables que tracent autour d'eux les objets industriels et les innovations technologiques que l'on pensait jusque-là maîtrisables et limités. Cette nouvelle solidarité a pour caractéristique d'être fondée sur une incertitude commune. Personne ne peut prévoir les conséquences de nos actions, ni les experts, ni les politiques, ni les citoyens. » Vous pensez que cette crise sanitaire doit être mise à profit pour faire évoluer notre façon de vivre collectivement et nous préparer aux futurs bouleversements écologiques. Sur toutes ces grandes questions, je voulais vous remercier d'être avec nous. Je crois que c'est très important d'éclairer les réflexions de notre commission des affaires étrangères sur des questions qui interrogent tous nos concitoyens et qui nous concernent tous. Je suis très heureuse, cher Bruno Latour, de vous passer la parole pour un préambule. Nous aurons ensuite un dialogue avec les parlementaires présents.

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