C'est une question très importante. On a beaucoup parlé du deuil impossible des personnes mortes dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) par exemple. Si l'on parle maintenant de l'effet du virus, de l'ensemble des réactions face au virus, j'ai tout de même l'impression à l'inverse qu'il y a un retour assez positif de la notion de mortalité qui va d'ailleurs dans le sens de la question de Mme Poletti sur l'économie. On sort d'une définition très économique des relations, qui en donne, ainsi que l'a noté M. Girardin, une définition individuelle. Ce n'est pas que l'on est spontanément « un individu », nous sommes au contraire individualisés par un ensemble d'opérations, une économisation des relations qui crée des individus. C'est donc une opération de formatage et non ce que les personnes elles-mêmes aimeraient faire. Encore une fois, la covid-19 a révélé que, dès que vous laissez les gens se reconnecter latéralement, les exemples de solidarité se multiplient. Contrairement à ce que croient parfois certains idéologues, on ne naît pas individu, on peut vous pousser vers une existence individuelle. Je pense que la covid-19 a, au contraire ramené, au premier plan des questions qui sont des questions de mortalité, très douloureuses, tragiques parfois et qui, dans un même temps, nous rappellent au monde dans lequel on vit. Dans l'atterrissage, ce mouvement de décalage à 90 degrés que j'essaie de préciser depuis des années, qui remplace l'opposition entre progrès et régression, est aussi un rappel des conditions de mortalité, pour des tas de raisons qui sont notamment écologiques.