. J'ai trouvé que vous étiez fort aimable à notre égard en disant que nous avions bien de la chance d'être à la commission des affaires étrangères. Je suis tout à fait d'accord avec vous, nous vivons sous l'autorité d'une présidente éclairée, chaleureuse et rassembleuse qui nous permet d'avoir accès à toutes les sources de connaissance nécessaires et notamment à des auditions comme la vôtre qui sont extrêmement précieuses. Cela dit, je trouve que votre propos est quand même assez optimiste pour nous. Que sommes-nous au sein de cette commission ? Nous sommes un rouage relativement secondaire mais très clairement identifié comme un des rouages de l'État westphalien qui depuis le milieu du XVIIe siècle caractérise la vie internationale. On a démocratisé les États westphaliens, nous sommes des émanations de cette démocratisation, nous surveillons et nous essayons de contrôler ce que fait le gouvernement. Quand on vous écoute, on a quand même l'impression que la réalité que vous observez est une réalité largement métajuridique. Vous décrivez très bien les distinctions entre l'État dont on vit et l'État où l'on vit, tout cela passe par des réalités sociales, économiques et culturelles extrêmement diverses et qui échappent à une sorte d'embrigadement juridique et administratif. Nous ne pouvons pas ne pas ressentir le sentiment d'un décalage entre ce monde westphalien dont nous sommes les héritiers modestes et cette réalité tout à fait différente. Selon mon analyse, nous sommes sortis assez récemment de l'univers « néolithique » dans lequel il y avait une identification entre le territoire, la souveraineté et des intérêts, tout se passait ensemble dans le cadre d'un territoire déterminé. Curieusement nous n'en sommes pas sortis avec la révolution industrielle mais plus tard, parce que les industries extractives ont prolongé la dépendance territoriale de l'industrie. Nous en sommes plutôt sortis au cours des trente dernières années. Nous en sommes désormais totalement sortis, nous sommes dans un univers où il y a des conflits et où les frontières sont incertaines. Je vais vous demander de nous aider. Lorsque l'on est raisonnablement démocrate, ce qui est votre cas et notre cas, comment peut- on envisager une cartographie des pouvoirs qui permette à des acteurs qui essaient d'être représentatifs de ceux qui les ont élus, les gouvernements, les assemblées, directement ou indirectement, à travers un État ou des institutions multilatérales ? Comment voyez-vous la possibilité, comme dirait Houellebecq, d'une cartographie démocratique des pouvoirs ? Nous sommes devant cette covid-19 comme un lapin devant les phares d'une voiture et on aimerait bien essayer participer à cette cartographie, ne serait-ce que pour honorer le mandat que nous avons reçu de nos concitoyens. C'est une question impossible bien entendu. Je ne vous demande pas d'apporter une réponse claire et définitive mais de nous faire un commentaire sur la manière dont vous percevez cette difficulté.