. Monsieur Morin, ou monsieur Nahoum devrais-je dire, je suis désolé mais je serai un peu moins dithyrambique que mes collègues. Bruno Joncour a mis les pieds dans le plat, je vais continuer. Vous revendiquez, depuis des années, être un ennemi juré du sionisme. Vous n'hésitez pas, pour servir cette cause – qui est selon moi une cause douteuse – à utiliser de multiples sophismes. Vous avez prétendu ainsi que l'existence de l'État d'Israël découlerait de la culpabilité de l'Occident après la Shoah, ce qui est une honteuse contre-vérité. Une autre contre-vérité : vous avez soutenu qu'en revenant en Terre sainte, les Juifs se rendaient coupables d'ingratitudes à l'égard des musulmans, qui les auraient toujours protégés. Inutile d'être un grand historien comme vous pour savoir qu'il y a eu des périodes de coexistence heureuse, c'est vrai, mais telle ne fut pas la règle. Israël n'est en aucune manière la cause première d'un antisémitisme arabo-musulman pluriséculaire. On a évidemment le droit de critiquer Israël, comme n'importe quel État, mais pour un intellectuel de votre trempe, un tel enchaînement d'idées fausses ne peut-être, pour moi en tous cas, que le fruit d'une malveillance viscérale à l'égard d'Israël et du peuple juif, une sorte de rejet de soi. Vous avez écrit : « Je romps avec le peuple élu mais je demeure dans le peuple maudit ». Je trouve cela très ingrat.
En somme, Edgar Morin, pour vous les juifs ne sont tolérables qu'à condition de se renier eux-mêmes. Persécutés, ils sont très sympathiques. Dès lors qu'ils s'assument et qu'ils s'organisent à l'instar des Israéliens, ils deviennent haïssables. Vous êtes allé jusqu'à dénoncer « un cancer israélo-palestinien ». Est-ce que c'est vraiment une formule digne d'un intellectuel qui dit servir la cause du progrès ou la cause de la paix ? Vous avez parlé avec la phraséologie nazie quand vous parlez de peuple juif, peuple élu qui agit comme la race suprême. Ça c'est la phraséologie nazie, excusez-moi monsieur Edgar Morin. Entre parenthèses, les nazis ont été vaincus. Est-ce que vous avez soutenu les nazis ? J'imagine que non. Est-ce que vous pensez que c'est le rôle d'un intellectuel plutôt que d'éclairer, de pacifier, de nuancer le débat et non de de diviser et d'inciter à la haine ?