Nous sommes heureux, comme à chaque fois, d'écouter Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
Alors que l'épidémie de coronavirus est pour l'heure maîtrisée – mais pas encore vaincue – dans une Europe qui se déconfine, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) lance une alerte quant à l'aggravation de l'épidémie dans le monde, particulièrement virulente sur le continent américain et dans certains pays qui avaient contenu la pandémie, mais font face aujourd'hui à de nouvelles vagues. C'est le cas notamment de la Chine, la Corée du Sud, l'Allemagne ou encore du Portugal. Les frontières extérieures de l'Union européenne (UE) ont été rouvertes, dès aujourd'hui, avec quatorze pays et, sous réserve de confirmation de réciprocité, avec la Chine. Elles ne le sont toujours pas avec les États-Unis, la Russie, la Turquie notamment. Nous aimerions que vous fassiez un point sur cette situation.
Toujours en matière de santé publique, la France collabore – et c'est tout à son honneur – avec l'OMS pour accélérer la production et l'accès universel aux thérapies et vaccins. Nous aimerions là aussi vous entendre sur ce sujet et sur l'initiative ACT A, Access to Covid-19 Tools Accelerator. La France a encore récemment réaffirmé son soutien à l'OMS, mais nous pensons que ce soutien doit être exigeant. Des réformes devront être conduites, pour que la collaboration internationale en matière sanitaire soit plus forte, plus efficace. Merci de nous préciser quelle sera, de ce point de vue, la feuille de route de la France.
Cette crise sanitaire aura, et a déjà, des conséquences très lourdes sur le plan économique et social dans le monde et en Europe. Le 22e sommet Union européenne-Chine s'est déroulé il y a quelques jours. Nous considérons comme absolument essentiel que l'Europe parle d'une seule voix avec la Chine. Merci de nous en dire davantage sur la stratégie défendue par la France et par l'Europe sur cette grande question de notre équilibre avec la Chine.
Un Conseil européen extraordinaire aura lieu les 17 et 18 juillet prochains, en vue de trouver un accord sur le plan de relance doté de 750 milliards d'euros. Nous aimerions savoir quelles sont les chances, selon vous, de parvenir à une convergence des points de vue sur ce sujet important. J'ajoute une question connexe : quel est l'agenda européen pour parvenir à ce que nous nommons l'indépendance ou l'autonomie stratégique européenne, s'agissant bien sûr des produits de santé, mais pas uniquement ? Où en sommes-nous et quel calendrier entendons-nous suivre pour que cela se concrétise ?
Toujours en Europe, les négociations ont repris sur le Brexit mais elles butent encore sur les mêmes problèmes : accès au marché intérieur sans droits de douane d'un côté ; en contrepartie, alignement dynamique sur les normes européennes demandé par l'UE ; et question de la pêche, dossier sensible pour les pêcheurs français. Nous aimerions savoir quelles sont, selon vous, les chances d'aboutir à un accord, fut-il a minima. Ne devons-nous pas également nous préparer à un no deal ?
Dans le monde, les crises perdurent et s'aggravent. La dégradation sans précédent en Libye, – à tout point de vue : militaire, humanitaire, économique, sanitaire – nous inquiète. L'internationalisation du conflit, illustrée par les soutiens extérieurs aux deux camps rivaux du maréchal Khalifa Haftar et du gouvernement de Fayez al-Sarraj, fait craindre un peu plus chaque jour une « syrianisation » de la Libye comme vous l'avez vous-même dit. De surcroît, les tensions créées par la Turquie en Méditerranée orientale, illustrées par la récente agression d'un navire français assurant une mission de surveillance sous commandement de l'OTAN (Organisation du traité de l'Atlantique nord) au large des côtes libyennes, aggrave encore les inquiétudes. Comment la France entend-elle agir face à cette situation complexe et difficile ?
Au Proche-Orient, notre préoccupation est grande vis-à-vis des menaces d'annexion qui pèsent sur une partie de la Cisjordanie. Comment la France et l'Europe entendent-elles œuvrer pour conserver intacte une possibilité de paix ? Dans la même région, le Liban traverse depuis plusieurs mois une crise économique, politique et sociale très lourde, aggravée par la pandémie. Que peut et que va faire la France pour continuer d'être aux côtés du peuple libanais dans un moment particulièrement difficile pour lui ?
La situation en Syrie continue de nous préoccuper fortement. Comment la France entend-elle répondre aux demandes, en particulier humanitaires, de l'ONU ? En Iran, l'entrée en fonction d'un nouveau parlement largement dominé par les conservateurs se traduit par un isolement de plus en plus marqué du président Hassan Rohani. Ce risque de radicalisation, avec les conséquences qu'elle pourrait avoir dans la région, nous préoccupe fortement également.
En Afghanistan, une vingtaine de civils dont une majorité d'enfants ont été tués lors d'une explosion dans un marché du sud, lundi 29 juin, dans un contexte où le président Ashraf Ghani et les insurgés essaient de gagner des positions ou d'en conserver le maximum dans l'optique des négociations qui se profilent. Nous aimerions vous entendre sur cette situation difficile.
Un sommet du G5 Sahel s'est déroulé le 30 juin à Nouakchott en présence du Président de la République, avec la participation de nos partenaires européens. Vous nous direz quels en sont les résultats concrets. Un mot enfin, sur la situation au Cameroun : nous avons entendu ce matin le compte rendu de la mission parlementaire conduite en janvier dernier par les députés Rodrigue Kokouendo et Didier Quentin. Nous sommes inquiets de la situation d'un certain nombre de prisonniers, notamment celle d'Amadou Vamoulké, âgé de soixante-diz ans, journaliste, ex-directeur général de la CRTV (Cameroon Radio Television), emprisonné. Nous serons donc particulièrement attentifs à ce que vous pourrez nous en dire.
Voilà quelques-unes des grandes questions qui se posent à nous, en Europe et dans le monde.