Commission des affaires étrangères

Réunion du mercredi 1er juillet 2020 à 15h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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Audition de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères

La séance est ouverte à 15 heures.

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Nous sommes heureux, comme à chaque fois, d'écouter Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

Alors que l'épidémie de coronavirus est pour l'heure maîtrisée – mais pas encore vaincue – dans une Europe qui se déconfine, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) lance une alerte quant à l'aggravation de l'épidémie dans le monde, particulièrement virulente sur le continent américain et dans certains pays qui avaient contenu la pandémie, mais font face aujourd'hui à de nouvelles vagues. C'est le cas notamment de la Chine, la Corée du Sud, l'Allemagne ou encore du Portugal. Les frontières extérieures de l'Union européenne (UE) ont été rouvertes, dès aujourd'hui, avec quatorze pays et, sous réserve de confirmation de réciprocité, avec la Chine. Elles ne le sont toujours pas avec les États-Unis, la Russie, la Turquie notamment. Nous aimerions que vous fassiez un point sur cette situation.

Toujours en matière de santé publique, la France collabore – et c'est tout à son honneur – avec l'OMS pour accélérer la production et l'accès universel aux thérapies et vaccins. Nous aimerions là aussi vous entendre sur ce sujet et sur l'initiative ACT A, Access to Covid-19 Tools Accelerator. La France a encore récemment réaffirmé son soutien à l'OMS, mais nous pensons que ce soutien doit être exigeant. Des réformes devront être conduites, pour que la collaboration internationale en matière sanitaire soit plus forte, plus efficace. Merci de nous préciser quelle sera, de ce point de vue, la feuille de route de la France.

Cette crise sanitaire aura, et a déjà, des conséquences très lourdes sur le plan économique et social dans le monde et en Europe. Le 22e sommet Union européenne-Chine s'est déroulé il y a quelques jours. Nous considérons comme absolument essentiel que l'Europe parle d'une seule voix avec la Chine. Merci de nous en dire davantage sur la stratégie défendue par la France et par l'Europe sur cette grande question de notre équilibre avec la Chine.

Un Conseil européen extraordinaire aura lieu les 17 et 18 juillet prochains, en vue de trouver un accord sur le plan de relance doté de 750 milliards d'euros. Nous aimerions savoir quelles sont les chances, selon vous, de parvenir à une convergence des points de vue sur ce sujet important. J'ajoute une question connexe : quel est l'agenda européen pour parvenir à ce que nous nommons l'indépendance ou l'autonomie stratégique européenne, s'agissant bien sûr des produits de santé, mais pas uniquement ? Où en sommes-nous et quel calendrier entendons-nous suivre pour que cela se concrétise ?

Toujours en Europe, les négociations ont repris sur le Brexit mais elles butent encore sur les mêmes problèmes : accès au marché intérieur sans droits de douane d'un côté ; en contrepartie, alignement dynamique sur les normes européennes demandé par l'UE ; et question de la pêche, dossier sensible pour les pêcheurs français. Nous aimerions savoir quelles sont, selon vous, les chances d'aboutir à un accord, fut-il a minima. Ne devons-nous pas également nous préparer à un no deal ?

Dans le monde, les crises perdurent et s'aggravent. La dégradation sans précédent en Libye, – à tout point de vue : militaire, humanitaire, économique, sanitaire – nous inquiète. L'internationalisation du conflit, illustrée par les soutiens extérieurs aux deux camps rivaux du maréchal Khalifa Haftar et du gouvernement de Fayez al-Sarraj, fait craindre un peu plus chaque jour une « syrianisation » de la Libye comme vous l'avez vous-même dit. De surcroît, les tensions créées par la Turquie en Méditerranée orientale, illustrées par la récente agression d'un navire français assurant une mission de surveillance sous commandement de l'OTAN (Organisation du traité de l'Atlantique nord) au large des côtes libyennes, aggrave encore les inquiétudes. Comment la France entend-elle agir face à cette situation complexe et difficile ?

Au Proche-Orient, notre préoccupation est grande vis-à-vis des menaces d'annexion qui pèsent sur une partie de la Cisjordanie. Comment la France et l'Europe entendent-elles œuvrer pour conserver intacte une possibilité de paix ? Dans la même région, le Liban traverse depuis plusieurs mois une crise économique, politique et sociale très lourde, aggravée par la pandémie. Que peut et que va faire la France pour continuer d'être aux côtés du peuple libanais dans un moment particulièrement difficile pour lui ?

La situation en Syrie continue de nous préoccuper fortement. Comment la France entend-elle répondre aux demandes, en particulier humanitaires, de l'ONU ? En Iran, l'entrée en fonction d'un nouveau parlement largement dominé par les conservateurs se traduit par un isolement de plus en plus marqué du président Hassan Rohani. Ce risque de radicalisation, avec les conséquences qu'elle pourrait avoir dans la région, nous préoccupe fortement également.

En Afghanistan, une vingtaine de civils dont une majorité d'enfants ont été tués lors d'une explosion dans un marché du sud, lundi 29 juin, dans un contexte où le président Ashraf Ghani et les insurgés essaient de gagner des positions ou d'en conserver le maximum dans l'optique des négociations qui se profilent. Nous aimerions vous entendre sur cette situation difficile.

Un sommet du G5 Sahel s'est déroulé le 30 juin à Nouakchott en présence du Président de la République, avec la participation de nos partenaires européens. Vous nous direz quels en sont les résultats concrets. Un mot enfin, sur la situation au Cameroun : nous avons entendu ce matin le compte rendu de la mission parlementaire conduite en janvier dernier par les députés Rodrigue Kokouendo et Didier Quentin. Nous sommes inquiets de la situation d'un certain nombre de prisonniers, notamment celle d'Amadou Vamoulké, âgé de soixante-diz ans, journaliste, ex-directeur général de la CRTV (Cameroon Radio Television), emprisonné. Nous serons donc particulièrement attentifs à ce que vous pourrez nous en dire.

Voilà quelques-unes des grandes questions qui se posent à nous, en Europe et dans le monde.

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Jean-Yves le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères

Merci madame la présidente. Vous l'avez dit, la pandémie de covid-19 est loin d'être derrière nous, même si progressivement la vie reprend son cours en Europe. Dans plusieurs régions du monde, la situation sanitaire demeure très préoccupante et partout, la prudence doit rester de mise. Pour nous l'enjeu est désormais de réussir la sortie de crise. Cela passe par une gestion coordonnée et réfléchie de nos frontières, afin d'éviter une deuxième vague, importée pendant l'été et par des actions de solidarité en direction des pays les plus fragiles, car il est désormais clair pour tous que la santé des uns dépend de la santé des autres. Par ailleurs, il importe que nous puissions engager un plan de relance au niveau européen qui tire tous les enseignements de ce que nous venons de vivre, en termes de souveraineté et d'indépendance.

Il y a environ un mois, lors de ma précédente audition, je vous avais dit qu'au début de cette crise, nous n'avions ni homogénéité ni cohérence au niveau européen, en grande partie parce que la compétence en matière de frontières est une compétence nationale. Nous sommes désormais parvenus à une bonne coordination. Le 15 juin dernier, nous avons levé tous ensemble les restrictions aux frontières intérieures. La liberté de circulation a été rétablie dans une très grande partie de l'espace européen. Subsistaient quelques restrictions dans les pays nordiques et en Europe centrale, mais elles ont progressivement disparu. Et aujourd'hui même, 1er juillet, nous franchissons une deuxième étape avec la réouverture des frontières extérieures à des pays tiers présentant un faible risque épidémiologique. Nous avons sélectionné quatorze pays sur des critères d'abord sanitaires après un examen du taux d'incidence – le nombre de nouvelles infections pour 100 000 personnes sur une période de quatorze jours en comparaison de la moyenne européenne qui se situe à 16 sur 100 000 – mais également en tenant compte de la solidité et de la résilience de leurs systèmes de santé, des mesures de protection qu'ils ont adoptées et de la fiabilité de leurs données. Le dernier critère retenu est celui de la réciprocité : l'objectif est d'initier un cercle vertueux en amenant ces pays tiers – pour ceux qui ne l'auraient pas encore fait – à rouvrir en retour leurs frontières aux personnes en provenance d'Europe. Nous n'avons donc pas procédé à l'ouverture de nos frontières avec la Chine, car la réciprocité n'a pas été annoncée. L'examen de ces critères n'a pas été un exercice facile, car nous partions de loin. Néanmoins, une vraie coordination européenne s'est mise en place, en grande partie sous l'impulsion de la France et de mon ministère. Elle est aujourd'hui effective.

Cette liste commune sera réactualisée tous les quinze jours, dans un sens ou dans l'autre, avec des ajouts ou des retraits de pays avec lesquels nous pouvons avoir une capacité de réciprocité et d'ouverture des frontières, Nous avons également intégré dans ce dispositif des exemptions pour certaines catégories de personnes en provenance de pays tiers avec lesquels nous n'avons pas encore rouvert nos frontières. Ce sont des personnes dont nous considérons qu'elles peuvent venir en Europe, singulièrement en France, sous réserve de se plier à un protocole sanitaire particulièrement exigeant. Je pense notamment à des étudiants, afin qu'ils puissent poursuivre leurs études.

Nous sommes donc entrés dans une nouvelle phase, plus positive que lorsque nous nous étions vus, fin mai. Mais il convient encore de faire preuve d'une grande vigilance et de poursuivre cette bonne collaboration avec nos partenaires européens.

Cette réouverture des frontières constitue aussi un enjeu majeur pour le tourisme en France, pour nos professionnels et pour nos territoires touristiques, avec un redémarrage coordonné du tourisme en Europe. Je vous rappelle que deux tiers des déplacements internationaux des Européens se font à l'intérieur de l'UE, et nous souhaitons cet été que notre pays soit particulièrement attractif. L'agence de développement touristique Atout France a lancé sous ma responsabilité une campagne de communication intitulée « Cet été je visite la France » pour favoriser l'offre nationale de proximité pendant la saison estivale 2020 mais aussi pour rendre notre pays plus attractif encore pour nos amis européens.

Les Européens sont aussi particulièrement mobilisés pour soutenir les efforts des pays les plus fragiles. Compte tenu de la mondialisation des risques sanitaires, il ne saurait en effet y avoir d'Europe de la santé cohérente sans une Europe de la solidarité déterminée à agir concrètement. Cette solidarité concrète s'exprime d'abord sur le terrain, avec l'établissement d'un pont aérien humanitaire entre l'Europe et des pays tels que la République centrafricaine, la République démocratique du Congo, le Burkina Faso et d'autres. Les deux secrétaires d'État, Amélie de Montchalin et Jean-Baptiste Lemoyne, et moi-même nous sommes récemment rendus sur place constater que – sous la responsabilité du commissaire européen à la gestion de crises, Janez Lenarčič – ce pont aérien humanitaire européen se mettait effectivement en place pour apporter à la fois du matériel médical, des médicaments, mais aussi pour permettre aux ONG de continuer à fournir aux populations l'aide dont elles ont besoin. Ce mouvement va se poursuivre puisqu'une trentaine d'opérations du même type sont déjà menées ou le seront dans les prochains jours par l'équipe Europe de solidarité, notamment en direction de l'Afrique.

Cette solidarité se joue aussi sur la scène internationale avec les conséquences de l'appel lancé par le Président de la République aux côtés de dix-huit dirigeants européens et africains en faveur d'une mobilisation multilatérale afin d'aider l'Afrique à affronter la crise dans toutes ses dimensions. La France évidemment prend toute sa part dans cette démarche, et attache une importance toute particulière à ce que nos annonces de soutien à l'Afrique – 1,2 milliard d'euros en dons et en prêts –, soient concrètement mises en œuvre. J'ai pu constater en me rendant en République démocratique du Congo que c'était le cas. Il faut que ce le soit partout. Ce sont des opérations ponctuelles, immédiates, efficaces qui permettent d'aider les pays africains en particulier à se protéger contre les risques de la pandémie. Même si à ce jour, elle ne s'est pas étendue sur ce continent autant qu'on pouvait le redouter, il importe d'être très vigilants.

Enfin, la solidarité européenne s'exprime aussi – vous y avez fait référence – dans le cadre de l'initiative ACT A, lancée par le Président de la République avec le directeur général de l'OMS et de nombreux partenaires. Il s'agit de coordonner l'action de tous les acteurs de la recherche, de l'industrie pharmaceutique et des institutions internationales autour de quatre piliers : diagnostic – sécurité et diffusion des diagnostics, amélioration de l'ensemble des informations –, traitements, vaccins, et soutien aux systèmes de santé. Pour que ces traitements et vaccins deviennent des biens publics mondiaux, c'est-à-dire des biens accessibles à tous sans exception et soustraits aux logiques de marché, il fallait cette initiative forte.

Une dynamique a été lancée et nous avançons vers ce concept de bien public mondial, porteur de quatre exigences très simples. Il faudra que les résultats de la recherche soient publiés très largement ; que l'accès universel à un prix raisonnable des vaccins, traitements et tests de diagnostic soit garanti ; que la production, dès que l'on aura identifié le vaccin ou le traitement, soit de quantité suffisante et que les stocks soient alloués en fonction de choix prioritaires et non pas en fonction du jeu des marchés ; enfin, que soit garantie l'utilisation transparente et optimale des ressources privées et publiques qui sont engagées dans cette dynamique de recherche de remèdes et de vaccins. C'est un point très important, que vous avez souligné. C'est un point de diplomatie sanitaire et c'est aussi l'affirmation du principe, que nous avons mis en avant depuis longtemps, de bien public mondial s'agissant de la sécurité sanitaire.

Vous avez parlé de l'OMS : nous sommes attachés à son maintien. Nous savons qu'elle doit se réformer, à la fois pour être plus performante dans le recueil d'informations ; pour être plus indépendante financièrement ; pour être plus exigeante à l'égard des États qui l'ont quittée. Il faut certes apporter les modifications nécessaires à sa gouvernance, mais cela ne signifie pas renoncer à l'OMS. C'est un outil essentiel auquel nous apportons un soutien réel.

Troisième réflexion concernant l'Europe et la crise sanitaire : nous devons maintenant préparer le jour d'après. Vous l'avez indiqué, le Conseil européen s'est réuni pour évoquer le plan de relance proposé par la Commission suite à une initiative franco-allemande. Il est doté de 750 milliards d'euros, largement financés par l'emprunt, ce qui constitue une nouveauté. Les chefs d'État et de gouvernement ont essayé de tout faire pour parvenir à un accord avant la pause estivale. Il y a eu un premier tour de table et une réunion en présentiel – comme on dit maintenant – se déroulera mi-juillet pour tenter d'aboutir à un accord.

Dès à présent, on peut identifier des points de convergences entre les États membres : le principe d'un emprunt européen est désormais admis par la quasi-totalité des membres, de même que la nécessité de concentrer nos efforts sur les secteurs et les régions les plus affectées. Il subsiste un débat sur les critères d'allocation, les conditionnalités postérieures aux dons ou aux prêts, mais je suis plutôt optimiste quant à la possibilité d'aboutir à un accord mi-juillet, d'autant plus que les échanges entre la Chancelière allemande – qui depuis aujourd'hui assure la présidence de l'Union – et le Président Macron, avant-hier en Allemagne, ont été positifs. Il faudra intégrer l'ensemble de ces données dans le futur cadre financier pluriannuel (CFP), qui doit lui-même faire l'objet d'un arbitrage définitif lors de la réunion des 18 et 19 juillet.

Ce prochain CFP ne doit pas être uniquement consacré aux effets de la crise actuelle, mais – c'est un point majeur – constituer l'occasion d'accompagner la transition verte et numérique de nos économies et de nos sociétés. Il doit également être un levier au service de nos priorités à long terme et permettre de renforcer la souveraineté de l'Europe. Ce renforcement est la meilleure articulation des enjeux financiers avec les engagements en matière de développement durable. L'initiative prise par l'Union d'engager une revue de la politique commerciale européenne, lancée le 16 juin par la Commission sur ces questions de souveraineté stratégique de l'Europe, doit aboutir à de nouvelles orientations d'ici la fin de l'année. Cet objectif me paraît tout à fait atteignable. L'heure est maintenant à la négociation pour que le plan de relance permette à l'Union européenne de sortir positivement et unie de la crise, avec la volonté – et les moyens nécessaires – d'assurer sa souveraineté.

Vous avez évoqué les relations avec la Chine. Un sommet Union européenne-Chine s'est déroulé le 22 juin et il a permis à l'Union d'affirmer une position ferme, beaucoup plus manifeste qu'auparavant, sur ses priorités. Les Européens ont montré une exigence commune de faire en sorte qu'avec la Chine, on puisse arriver à des résultats concrets, avant le sommet des chefs d'États et de gouvernements européens et chinois à la fin de l'année à Leipzig. Résultats concrets en matière économique : je pense à la lutte contre les pratiques non concurrentielles chinoises sur le plan commercial ; aux aides d'État ; à la nécessité de réciprocité dans l'accès aux marchés publics ; à la nécessité de trouver un accord sur les indications géographiques, d'avoir des critères très clairs pour les investissements que ce soit de la Chine en Europe ou inversement, avec la nécessité de maintenir la protection de la propriété industrielle. Tout cela a fait l'objet d'affirmations européennes exprimées avec beaucoup de force et c'est une grande nouveauté. La Chine est à la fois un partenaire, un concurrent et un rival systémique. Il faut tenir compte de ces trois aspects pour instaurer une relation saine, qui soit à la fois respectueuse de nos partenaires mais également de nous et de notre propre souveraineté.

Nous attendons également des résultats concrets dans le domaine du climat et de la biodiversité pour engager davantage la Chine qui prépare la COP15 sur la biodiversité – qui devait se tenir à Kunming en octobre et se déroulera en 2021 – et, avec nous, la COP26 qui aura lieu à Glasgow du 1er au 12 novembre 2021. Nous attendons des résultats concrets dans le domaine de la santé afin que la contribution chinoise à l'OMS soit orientée vers les initiatives multilatérales. Et des résultats concrets pour la mise en œuvre des engagements chinois dans le cadre du G20 sur la dette. Nous souhaitons vivement que la Chine participe à l'effort que nous avons engagé pour aboutir à des moratoires sur les intérêts de la dette de différents pays particulièrement endettés. Cela concerne aussi les Chinois, même s'ils ne sont pas membres du Club de Paris.

Puisque nous parlons de la Chine, nous avons tenu aujourd'hui même à manifester notre indignation et notre fermeté à l'égard de ce qui est en train de se passer à Hong Kong : l'adoption de la loi sur la sécurité nationale, les atteintes à la démocratie, aux accords de 1997 et à la loi fondamentale qui donnait une autonomie démocratique à Hong Kong. C'est une préoccupation majeure sur laquelle les Européens ont été unis, alors qu'on pouvait redouter des fractures entre eux. Le communiqué publié tout à l'heure est l'expression de notre fermeté et notre union.

J'aimerais maintenant apporter des éclairages sur quelques-uns des sujets que vous avez abordés. S'agissant de la crise au Proche-Orient, vous connaissez la position de la France : une annexion du territoire palestinien, quel qu'en soit le périmètre, remettrait en cause de façon grave et irrémédiable les paramètres essentiels au règlement du conflit, en plus de constituer une violation du droit international. Elle rendrait quasiment impossible d'atteindre la solution que nous préconisons, celle des deux États, et nous éloignerait irréversiblement de la création d'un État palestinien viable. Elle remettrait également en cause la méthode jusqu'à présent privilégiée, c'est-à-dire la négociation directe entre Israéliens et Palestiniens. Par ailleurs, elle aurait des conséquences négatives sur la stabilité dans la région et la sécurité d'Israël.

C'est pourquoi nous sommes actuellement très actifs afin de dissuader les autorités israéliennes d'avancer dans cette voie. Nous avons dit avec beaucoup de fermeté qu'une décision d'annexion ne pourrait rester sans conséquences pour la relation entre l'Union européenne et Israël. Nous imaginons différentes options sur le plan national comme en coordination avec nos principaux partenaires européens. Toutes les interventions possibles sont opportunes pour montrer aux autorités israéliennes tous les risques d'une telle initiative et la gravité des conséquences qu'elle ne manquerait pas de provoquer. Dans cette perspective de dissuasion, nous sommes en relation très étroite avec certains pays arabes : je pense en particulier à la Jordanie, directement concernée, mais également à l'Égypte qui est liée par un accord de paix avec Israël.

Quelques mots sur la Libye, pour réaffirmer qu'il n'y aura pas de solution militaire à la situation actuelle. J'ai parlé de « syrianisation » du conflit libyen, et je le redis également. À la faveur des ingérences étrangères, de l'afflux de mercenaires et des violations régulières de l'embargo, nous assistons à un changement de nature de ce conflit qui est en train de devenir de type syrien. La Turquie n'a cessé de renforcer son ingérence et son emprise sur le camp de l'Ouest, alimentant en retour l'ingérence tout aussi inacceptable de la Russie. Cette évolution est très grave. La dégradation de la situation en Libye renforce les menaces qui pèsent sur notre sécurité et notre souveraineté : menaces terroristes, risques d'aggravation des flux migratoires irréguliers notamment. Simultanément, cette situation réduit nos marges de manœuvre stratégiques en Méditerranée et place dans les mains d'autres acteurs – la Turquie et la Russie – les clés de nos intérêts en termes de sécurité dans cet ensemble méditerranéen.

Il existe une réponse à cette situation : c'est la mise en application des accords de Berlin, auxquels tout le monde a souscrit, c'est-à-dire le respect de l'embargo, la cessation des hostilités sur le terrain, la consolidation de la trêve et la conclusion d'un cessez-le-feu. Tout cela doit être mis en œuvre, et nous sommes très actifs pour essayer d'aboutir à cette solution. Au sein de l'Union européenne, nous parlons les uns avec les autres : je recevrai tout à l'heure mon collègue italien, et nous avons avec la présidence allemande de l'Union des relations très étroites à ce sujet. Il faut agir et agir vite avant qu'on arrive à une aggravation de ce que j'ai appelé « syrianisation ».

Nous devons aussi renforcer la mise en œuvre de l'embargo sur les armes, imposé par les Nations unies contre la Libye, notamment grâce à l'opération européenne IRINI. Je tiens à le redire ici : les manœuvres de la Turquie en Méditerranée pour, en fait, autoriser la poursuite des violations de l'embargo et qui ont occasionné des épisodes de tensions avec nos propres forces, sont inacceptables, a fortiori entre membres de la même alliance. Des clarifications sur l'articulation indispensable entre les missions de l'OTAN et celles de l'Union européenne en Méditerranée sont indispensables pour faire respecter cet embargo et préserver la sécurité de la région.

Au Sahel, le Président de la République a participé hier à Nouakchott à un sommet des chefs d'État et de gouvernement qui a permis de dresser un bilan six mois après le sommet de Pau. Y ont pris part les chefs d'États du G5 Sahel, mais également le président du gouvernement espagnol Pedro Sánchez, le président du Conseil européen Charles Michel, la chancelière fédérale allemande Angela Merkel, et le président du Conseil des ministres italien Giuseppe Conte. Ce sommet a mis en valeur la nouvelle dynamique enclenchée depuis janvier. Elle a d'abord été une dynamique de terrain, qui a produit quelques succès militaires – en particulier la neutralisation de l'émir d'Al-Qaïda au Maghreb islamique, Abdelmalek Droukdel, le 3 juin dernier – et qui a permis de clarifier et d'affirmer le bon fonctionnement du mécanisme de commandement conjoint auquel participent la force de l'opération Barkhane et la force conjointe du G5 Sahel. Un mécanisme permet l'articulation des opérations dans la zone des trois frontières. Des secteurs y ont été effectivement repris aux groupes terroristes et les armées s'y redéploient. Nous sommes dans une dynamique positive et il convient désormais de la consolider et l'amplifier.

Les chefs d'État ont convergé hier sur quatre objectifs prioritaires. Le premier est de poursuivre une action militaire déterminée, je viens d'en évoquer différents aspects. J'ajoute que les forces spéciales européennes Takuba vont permettre un renforcement de cette dynamique positive et que la mission européenne EUCAP Sahel Niger va reprendre ses actions de formation : tout cela est utile et nécessaire

Le deuxième objectif est d'assurer la présence de l'État sur l'ensemble du territoire. Car au-delà de l'effort militaire, c'est le retour de l'État, des administrations, des services aux populations, qu'il importe de poursuivre. C'est le sens de l'Alliance pour le Sahel dont j'ai présidé l'assemblée générale au mois de février dernier. Il faut qu'il y ait des policiers, des juges certes, mais aussi que puissent être entreprises des initiatives de développement concrètes sur le terrain et en particulier dans les zones qui ont été longtemps occupées par les groupes terroristes.

Le troisième objectif est de renforcer la chaîne pénale et de lutter contre l'impunité. On a assisté à des évènements dramatiques insupportables et nous souhaitons que soient menées des enquêtes sur les exactions commises par quelque force que ce soit. Cela a été acté par les chefs d'États réunis hier.

Et enfin, et c'est sans doute plus nouveau, le quatrième objectif est de poursuivre l'internationalisation de la coalition. À Pau, à la demande des pays du G5 Sahel, il avait été souhaité une coalition internationale pour le Sahel, afin que s'exprime un soutien politique majeur à la poursuite de leurs opérations, et que se manifeste une solidarité active. C'est bien le cas, puisque la réunion de la coalition que j'ai coprésidée avec mon homologue mauritanien le 12 juin dernier a réuni quarante-cinq ministres des affaires étrangères européens et mondiaux. Cela conforte la dynamique et apporte le soutien de la communauté internationale à l'action entreprise sur la base de l'accord de Pau. C'est une bonne nouvelle : chacun se sent concerné par ce qui se passe au Sahel.

Je voudrais terminer mon propos par le Liban, car c'est un sujet difficile actuellement – je le dis avec solennité – sur lequel j'ai rarement eu l'occasion de m'exprimer devant vous. D'abord parce que tout ce qui touche au Liban touche directement la France : nous avons une longue histoire commune. Et parce que la situation est alarmante avec une crise économique et financière, une crise sociale et une crise humanitaire, auxquelles se sont ajoutés les risques liés au coronavirus. À mesure que la crise sociale s'aggrave, et que les réformes tardent à se concrétiser, les risques de violence augmentent. Au cours des dernières semaines, nous avons vu à Beyrouth se dérouler des affrontements à caractère confessionnel, alors que le mouvement de mobilisation auquel nous avions pu assister depuis l'automne dernier réunissait jusqu'à présent des Libanais de tous bords autour d'aspirations légitimes d'ordre économique et sociale. Le thème des revendications était « moins de corruption » ; « davantage de transparence » ; une meilleure gestion économique ; une réforme des secteurs clés tels que l'électricité ou le secteur bancaire – trop souvent considéré comme étant la chasse gardée de quelques-uns – ; une présence protectrice de l'État ; le dépassement du confessionnalisme… Tout cela était porté par une mobilisation pacifique. Aujourd'hui, malheureusement, on constate une évolution vers des affrontements à caractère confessionnel. Cette dérive est très préoccupante.

Nous disons aux autorités libanaises – je l'ai moi-même dit au Premier ministre Hassane Diab et à mon collègue Nassif Hitti avec qui je m'entretiens régulièrement – qu'il faut que les réformes sur lesquelles le gouvernement de M. Diab s'est engagé soient mises en œuvre de manière concrète. Pour que nous puissions nous-mêmes nous mobiliser financièrement, il faut que les réformes se traduisent dans les faits. Nous avons apporté au Liban l'aide humanitaire et sanitaire dont il a besoin. Pour un accompagnement plus fort, le pays bénéficie du soutien du Fonds monétaire international et celui du Groupe international de soutien au Liban (GIS) que nous avons mis en place à Paris en décembre dernier. Il faut que les réformes se fassent, et je vais me rendre prochainement au Liban pour le dire avec force. Le Président de la République est très préoccupé par la situation. Nous souhaitons que les autorités libanaises prennent vraiment la situation en mains pour faire aboutir les réformes nécessaires et parvenir à une pacification progressive du Liban.

Les écoles chrétiennes du Liban et de la région sont des vecteurs de pluralisme, des relais d'influence et des foyers de francophonie au Proche et au Moyen-Orient. Rien qu'au Liban il y a 333 écoles chrétiennes francophones dont 21 homologuées par le ministère français de l'éducation nationale. Il importe que nous puissions nous mobiliser pour les aider, et nous allons agir de manière très significative, pour leur permettre de tenir le coup à la rentrée prochaine. C'est un axe de notre présence au Liban et nous allons mettre en œuvre, au-delà du Liban, un fonds – le fonds Personnaz – de soutien aux écoles chrétiennes du Proche et du Moyen-Orient. Le Président de la République s'y est engagé. Il sera opérationnel très rapidement et les premiers projets seront engagés dès cet été. Le soutien à la présence du français dans cette région est essentiel pour l'avenir.

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Je me permets de revenir sur ma question concernant le Cameroun et le sort d'Amadou Vamoulké.

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Jean-Yves le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères

Je peux y répondre tout de suite. Je sais que votre commission a envoyé une mission au Cameroun.

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Jean-Yves le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères

Nous sommes préoccupés par les violences commises en zone anglophone et avons appelé à plusieurs reprises à une solution pacifique à la crise. Quand des exactions sont commises, nous appelons à des enquêtes et le cas échéant à des sanctions : c'est le message que j'ai délivré lors de ma visite au Cameroun en octobre dernier. Le Président de la République s'est également entretenu plusieurs fois avec le Président camerounais Paul Biya à ce sujet. Je constate qu'une commission d'enquête a été installée par les autorités camerounaises, suite à des violences particulièrement odieuses perpétrées en février à l'encontre de la population du village de Ngarbuh dans la province du Nord-Ouest. Les conclusions de cette commission ont permis de dégager des responsabilités et d'ouvrir des procédures judiciaires. C'est essentiel, car je pense partager l'avis de votre commission : la lutte contre l'impunité est indispensable à une paix durable.

Nous soutenons tous les gestes d'ouverture qui sont ou doivent être faits pour rétablir la confiance entre les acteurs de la politique au Cameroun. Des opposants ont été libérés, les poursuites ont été arrêtées contre plusieurs dizaines de personnes dont Maurice Kamto, mais il faut aller au-delà pour aboutir à une situation sereine et pacifiée, sans doute par une décentralisation, sans doute par un statut spécial pour les zones anglophones. Ce sont des sujets dont je m'étais entretenu avec le Président Biya, et nous souhaitons que tout cela soit fait. Nous sommes bien informés de la situation de M. Amadou Vamoulké et nous avons fait valoir à plusieurs reprises que l'indépendance de la justice comme le droit doivent être respectés. M. Vamoulké a droit à un procès équitable. Dans chacun de nos échanges avec les autorités camerounaises, nous rappelons ces principes.

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Mon intervention s'articule autour de l'actualité très fournie et d'une approche droits humains, lutte contre le terrorisme et respect du droit international. Mon premier sujet est la situation à Hong Kong, avec cette loi liberticide entrée en vigueur hier 30 juin, des manifestations pro démocratie et une réaction internationale dont celle – et c'est heureux – de la France. Sachant que de nouvelles relations ont été établies entre l'Europe et la Chine, quel levier l'Europe peut-elle apporter à la France ?

Deuxième sujet, le Sahel, avec une amélioration très nette de la situation depuis le sommet de Pau. La réunion qui s'est tenue hier a fait état d'importants succès et d'objectifs partagés. Vous avez dit que la préoccupation autour du Sahel était désormais internationale, et donc là aussi, quel rôle peut jouer l'Europe ? Et – j'emprunte l'expression à l'un de nos récents groupes de travail – comment gagner la bataille du narratif ? Comment éviter que les fake news, les sentiments vaguement anti-français et anti-européens prennent le dessus alors que, dans la réalité, nous voyons bien combien notre action est positive ?

Le dernier sujet nous est également amené par le calendrier : aujourd'hui 1er juillet, nous attendons hélas le projet d'annexion de Benyamin Netanyahou d'une partie des colonies israéliennes et de la vallée du Jourdain. Vous l'avez dit de façon très claire et sans ambages : ce serait une violation du droit international, une remise en cause de l'ensemble du processus de paix, une menace directe pour la stabilité de la région. Que peut, plus concrètement, faire la France ?

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J'avais l'intention de poser à monsieur le ministre une question sur le Cameroun – en y associant ma collègue Bérengère Poletti qui s'intéresse beaucoup à la situation – mais vous m'avez devancé, madame la présidente. Nous sommes effectivement très attentifs à la situation au Cameroun. Le Président de la République, je crois après avoir été interpellé au Salon de l'agriculture, avait pris contact avec le Président Biya, et l'on a pu noter certains progrès, me semble-t-il. Il demeure néanmoins une attente très forte de la part de nos amis camerounais, qui souhaitent beaucoup plus d'exigence de notre part sur les valeurs de liberté et de démocratie. Il a été question de la libération du journaliste Amadou Vamoulké. Je signale d'ailleurs à monsieur le ministre – j'ignore s'il l'a vue – qu'une petite manifestation se déroule en ce moment même sous les fenêtres du Quai d'Orsay. Il semble toutefois qu'il y ait plus de policiers que de manifestants. Néanmoins, le Cameroun est un sujet auquel nous sommes très sensibles, et nous continuerons à le suivre attentivement.

En ce qui concerne Hong Kong, où la Chine vient d'imposer sa loi sécuritaire, nous prenons acte avec satisfaction de l'indignation exprimée par les Européens. Et nous notons qu'elle l'a été à l'unanimité : c'est important. J'aimerais savoir si la France entend prendre des initiatives avec nos amis britanniques qui ont des engagements particuliers à l'égard de Hong Kong pour garantir un respect effectif des droits humains par les autorités chinoises.

Enfin, j'aimerais savoir comment le ministre explique que, parmi les quinze pays pour lesquels l'Union européenne rouvre ses frontières extérieures, ne figure pas Taïwan alors même que la situation épidémiologique de cet État est l'une des plus sûres au monde ?

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Le sommet du G5 Sahel qui s'est tenu hier et auquel a participé le Président Emmanuel Macron a effectivement permis de dresser un bilan des engagements pris il y a six mois lors du sommet de Pau. Ce sommet de janvier avait pour objectif de recentrer et renforcer l'action militaire conjointe entre la France et les pays du G5 Sahel, tout en plaidant pour un renforcement de la présence internationale à leurs côtés. Il avait permis de redéfinir le cadre opérationnel et stratégique de l'action au Sahel, illustré par les quatre piliers suivants : recentrage de l'action militaire au niveau des trois frontières, renforcement des capacités militaires des états sahéliens, appui au retour des États et de leurs administrations sur les territoires et renforcement de l'aide au développement.

Le sommet d'hier à Nouakchott a permis, comme vous l'avez expliqué, de souligner plusieurs résultats encourageants : la neutralisation du chef d'Al-Qaïda au Maghreb islamique qui, au-delà de sa valeur symbolique a porté un coup majeur à l'organisation, comme celles de plus de cinq cents djihadistes ces derniers mois ; le renforcement des capacités militaires, avec sur le terrain un engagement accru des Européens qui sera d'autant plus fort après le déploiement de la force Takuba cet été ; un redéploiement progressif des administrations et le retour de certains déplacés dans leurs localités d'origine, ce qui constitue un signe encourageant et démontre une amélioration des opérations de sécurisation… Je tiens d'ailleurs à souligner que la tenue de ce sommet en ces temps troublés, où la pandémie de covid-19 est loin d'être derrière nous, est un signe fort de résilience des pays du G5 Sahel qui doivent résoudre les problèmes sécuritaires, humains et sanitaires dans la région.

Ma question porte sur trois sujets : comment la France et ses partenaires du G5 Sahel comptent-ils impliquer davantage les pays européens à leurs côtés ? Le déploiement de la force Takuba aura lieu cet été : avez-vous des précisions à nous donner sur ce sujet crucial ? Concernant le développement, l'appel à l'annulation de la dette des États du G5 Sahel a été renouvelé à l'occasion de ce sommet : pouvez-vous nous dire quelles sont les chances que cet appel soit entendu ? De même, selon vous, y a-t-il une possibilité d'accélérer la mise en œuvre des programmes, notamment dans le cadre de l'Alliance Sahel ? Enfin, je désire vous faire part sans langue de bois des retours que j'ai eus du terrain. Certains États ne semblent pas faire autant d'efforts que d'autres au sein du G5 Sahel, tout en percevant de nombreuses aides. Au Mali et au Burkina Faso, la situation est catastrophique à cause de l'absence d'État. À l'inverse, la Mauritanie a consacré une part de son budget militaire à la surveillance de ses frontières, et l'on constate que depuis dix ans le pays n'a plus aucun attentat. En fait, certains sur place ont le sentiment que les bons élèves sont punis. Quelle est votre opinion sur ce point ? L'avez-vous abordé de manière franche lors de vos échanges ? Et avez-vous également abordé les massacres ethniques, comme celui des Peuls au Mali ?

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L'actualité internationale est riche. Pour autant, je souhaiterais vous interroger sur un sujet qui concentre moins l'attention médiatique et sur lequel nous avions déjà échangé. Le 27 novembre dernier, je vous avais interpellé sur les soupçons d'installation d'une prison dans les locaux d'une usine ayant appartenu à l'entreprise Total au Yémen. Vous m'aviez alors répondu que vous alliez mener des investigations afin de comprendre ce qui avait pu se passer sur place. Apparemment, depuis le 2 juin, l'Association des victimes de la torture aux Émirats arabes unis, l'organisation genevoise des droits de l'homme et Yemeni Human Rights Group ont saisi les instances de l'ONU concernant une victime qui dit y avoir été enfermée et torturée. Notre diplomatie a-t-elle pu avancer sur ce sujet et avez-vous des éléments complémentaires à nous communiquer ?

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Vous avez abordé, madame la présidente, un grand nombre de questions. Je me permets de vous faire part de mon inquiétude en ce qui concerne la Palestine. Je suis inquiet tout d'abord pour les Palestiniens, mais inquiet aussi parce qu'on voit de plus en plus que des évènements dans certains pays du monde peuvent avoir des retentissements mondiaux. On l'a vu avec la mort de George Floyd qui en France a été relayée, en quelque sorte incarnée, dans celle d'Amada Traoré. Si la voix officielle de la France n'est pas assez puissante, si les actes ne sont pas assez concrets, le peuple français peut se mettre en colère en disant qu'on n'a pas le droit de laisser faire ce genre de choses. Votre réponse en termes diplomatiques me convient, monsieur le ministre, mais on juge les gens aussi à leurs actes, et je pense qu'il faut vraiment que la France se prépare à agir sur cette question d'annexion.

J'aimerais aussi vous entendre sur un autre thème. On voit les tensions, la partie engagée entre l'Iran et les États-Unis avec des surenchères successives, sur la question du nucléaire iranien : j'aimerais que vous nous disiez où en est le JCPoA (Joint Comprehensive Plan of Action) ? Par ailleurs, quand les négociations reprennent-elles sur le TNP, le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires. La France modifie-t-elle son positionnement ? Compte-t-elle jouer un rôle important ? Ne pourrait-elle, par exemple, jouer un rôle de médiation entre l'Inde et le Pakistan ?

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J'aimerais revenir sur la réouverture des frontières, puisque les ressortissants d'une quinzaine de pays sont à nouveau autorisés à voyager dans l'espace Schengen. Je suis moi aussi étonnée que Taïwan, pourtant salué pour sa gestion exemplaire de la crise sanitaire, ne figure pas dans la liste. Au-delà de ce cas particulier, j'aimerais connaître les critères pris en compte pour valider cette liste de pays. S'agit-il de l'état sanitaire du pays, du pouvoir d'achat du touriste ou du principe de réciprocité ? Dans cette liste on trouve l'Algérie et le Japon qui n'ont pas ouvert leurs frontières aux Européens.

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Je voudrais tout d'abord saluer le plan de relance européen, en particulier l'action du Président de la République qui en a d'abord proposé l'idée, puis l'a défendue, et qui a réussi à convaincre. Je sais que vous avez été une cheville ouvrière très importante dans l'aboutissement de ce plan, et je voudrais vous dire combien les députés La République en marche saluent cette initiative, qui relance l'Europe sur les plans non seulement économique, mais également politique.

S'agissant de la réouverture des frontières de l'espace Schengen aux pays tiers, je signale que, dans la liste qui a été donnée, figurent des pays pour lesquels il n'y a pas de réciprocité. Vous avez dit que c'est en cours de négociation, mais pour l'heure le Japon n'applique aucune réciprocité et l'Australie et la Nouvelle-Zélande ont une attitude assez proche. J'aimerais savoir comment a été établie cette liste ? Je comprends qu'un compromis est difficile à trouver, mais j'attire votre attention sur le fait que les pays de l'ASEAN, l'Association des nations d'Asie du Sud-Est, que sont Singapour, la Birmanie, le Laos, le Cambodge ou le Vietnam, ont une situation sanitaire plutôt meilleure que chez nous, sur la foi de données tout à fait fiables – bien que cela puisse vous étonner, leurs données sont fiables. J'aimerais aussi que vous puissiez nous dire la nature des exemptions, au-delà de la simple situation des étudiants : je suis très sollicitée sur des cas de rapprochements familiaux, pour des personnes mariées ou non, pacsées ou non, dans des situations très douloureuses.

Je me permets de vous transmettre deux petites questions de mon collègue Jean François Mbaye sur le conflit libyen : pourriez-vous nous fournir davantage d'éléments s'agissant des relations entre les parties en présence, qu'elles soient impliquées directement ou indirectement dans ce conflit ? Et, de votre point de vue, s'agissant de nos relations avec la Turquie, quelles peuvent être les conséquences à moyen et long termes de ces tensions sur les autres dossiers impliquant nos deux pays, compte tenu notamment des prises de position de plus en plus fortes de notre président à l'égard du Président Erdoğan ?

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Tout d'abord, bravo pour votre initiative pour garantir l'accès universel aux tests de dépistage, traitements et vaccins contre le covid-19 et à en faire des biens publics mondiaux. Vous avez évoqué l'initiative covid-19 – Santé en commun, lancée le 9 avril dernier, pour laquelle l'Agence française du développement (AFD) a dégagé 1,2 milliard d'euros afin d'aider les pays africains à faire face à l'épidémie. S'agit-il d'un redéploiement, comme lorsque des priorités surgissent, ou peut-on compter sur des crédits additionnels ? Beaucoup d'argent a été mis dans le soutien à notre propre économie, ce qui est évidemment essentiel, mais le Président de la République et l'exécutif s'étaient toutefois engagés à renforcer notre aide publique au développement.

Tout le monde connaît l'objectif de 0,55 % de notre revenu national brut (RNB) consacré à l'aide publique au développement en 2022. Mais comme notre RNB va probablement baisser de 11 % en 2020, mathématiquement, l'enveloppe va dépasser cette année l'objectif qui était de 0,47 %. L'objectif de 0,55 % pour 2022 signifierait sans doute ne plus augmenter notre aide publique d'ici-là. Est-il envisagé de revoir cette trajectoire et peut-être de fixer des objectifs en valeur absolue plutôt qu'en pourcentage du RNB ? Certains de nos collègues de la commission des finances l'ont proposé, afin de continuer à accroître notre aide publique au développement.

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Le 26 juin dernier, Madagascar fêtait les soixante ans de la fin de la colonisation. L'année dernière, le Président de la République avait donné rendez-vous à cette date, pour que les deux pays parviennent à un accord sur la gestion des îles Éparses de l'océan Indien. La crise sanitaire a vraisemblablement suspendu les négociations Je rappelle que ces îles ont été retirées de l'accord d'indépendance de 1960, deux jours seulement avant sa proclamation. Alors que la Communauté de développement de l'Afrique australe vient de réaffirmer son soutien à Madagascar, et que le sujet prend une dimension régionale, quelle est la position du gouvernement sur le devenir des îles Éparses ? Des négociations sont-elles en cours ? Le cas échéant, y a-t-il un calendrier ? Et de manière plus large, comment le Quai d'Orsay compte-t-il renforcer notre diplomatie maritime et polaire, alors que le Président de la République a rappelé dans son adresse à la Nation, le 14 juin dernier, la nécessité, je cite, « d'accélérer notre stratégie maritime, nous qui sommes la deuxième puissance océanique mondiale. » ?

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Je voudrais faire ici écho à l'enquête du journaliste d'investigation indépendant Thierry Gadault, publiée récemment sur lemediatv.fr concernant l'éventuel financement indirect de Daesh par une société française cotée en bourse, la société Rubis, propriétaire d'importantes infrastructures portuaires et de stockage de pétrole, dans les ports de Dörtyol et de Ceyhan en Turquie. Cette enquête à propos de laquelle, le 2 septembre 2014, questionnée sur les mesures à prendre contre Daesh, l'ambassadrice de l'Union européenne en Irak, Jana Hybášková, avait répondu : « La question essentielle pour l'État islamique, c'est le pétrole. J'en suis convaincue, si ce n'est pas la question clé, alors c'est la première des questions clés. Tout ce que nous pouvons faire et tout ce que vous pouvez faire en tant que parlementaires pour apporter des solutions juridiques intelligentes en matière de sanctions contre tous ceux qui font le commerce de ce pétrole illicite est d'une importance capitale », ajoutant : « Malheureusement, certains États membres européens achètent ce pétrole ».

Quatre mois plus tard, Federica Mogherini, alors Haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, précisait : « Le trafic de pétrole par l'État islamique en Irak et au Levant et, ensuite, son éventuel achat non-intentionnel par des États membres de l'UE est dû au fait que le pétrole brut fourni aux raffineries provient de différentes zones, dont certaines peuvent être contrôlées par l'État islamique. Il existe un vaste réseau d'intermédiaires et d'entreprises privées à travers l'Irak qui achètent et revendent du pétrole brut de contrebande. Ce pétrole étant mélangé, on ne connaît pas exactement sa provenance ». En 2016, le gouvernement russe informait le Conseil de sécurité de l'éventuelle implication de la Turquie dans le transport et la vente de pétrole. Comme tous les grands pays dotés de moyens de renseignements performants, la France a donc dû enquêter sur les moyens mis en œuvre pas Daesh pour vendre son pétrole. Interrogé vous-même en tant que ministre de la défense, par la députée Laurence Arribagé durant l'été 2015, vous avez pourtant affirmé que les services de renseignement du ministère de la défense n'avaient recueilli à ce jour aucun élément permettant d'établir l'existence de ces liens. L'enquête de Thierry Gadault montre pourtant que les services de renseignement français ont bel et bien enquêté sur Rubis, et qu'une note sur cette entreprise a été produite.

Interrogé il y a quelques jours par ce journaliste, vous n'avez pas souhaité répondre à ses questions. La mienne est donc la suivante : comment est-il possible que la société Rubis n'ait même pas été identifiée comme ayant – ne serait-ce qu'indirectement voire passivement – pu profiter de ce système très bien organisé de blanchiment du pétrole, alors qu'on assiste à partir de 2014 à une miraculeuse hausse du volume pétrolier provenant de l'Irak, et une hausse importante de l'activité de cette société comme en témoignent ses rapports annuels accessibles à tous et ses propres documents de référence ? L'année 2014 étant l'année de l'instauration du califat de l'État islamique en Irak et en Syrie. Pouvez-vous nous indiquer, dans l'hypothèse où une note des services de renseignement a bien été remontée à l'époque – comme certaines sources l'indiquent et l'affirment – concernant cette société, pourquoi aucune suite ne lui a été donnée ? Et êtes-vous prêt, monsieur le ministre, à soulever cette question au sein du gouvernement, ne serait-ce que pour y apporter des réponses ?

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Jean-Yves le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères

Vous avez repris, madame Clapot, l'essentiel de mes propos sur la question de Hong Kong concernant le respect du droit. Nous sommes extrêmement fermes sur le refus de cette loi qui contredit à la fois le principe « un pays-deux systèmes » et la loi fondamentale de Hong Kong. Les Européens ont été unis pour dénoncer cette situation, et nous serons extrêmement attentifs au respect du haut degré d'autonomie et de liberté fondamentale ainsi que de l'indépendance du système judiciaire de Hong Kong. Nous allons discuter entre Européens des mesures à prendre face à cette législation nouvelle que nous condamnons.

M. Quentin s'est réjoui de cette unanimité européenne. Et, puisqu'il l'évoquait, nous avons aussi avec la Grande-Bretagne une collaboration et des échanges réguliers sur des positions qui sont tout à fait proches, voire quasiment identiques. Au sein des ministres des affaires étrangères du G7, nous avions pris position sur la situation à Hong Kong avant même que la loi ne soit adoptée par l'Assemblée nationale chinoise.

Vous avez évoqué le narratif. Il est vrai, madame Clapot, qu'il nous faut trouver les moyens de développer le mieux possible un narratif autour de la sécurisation de l'ensemble des populations. Nous travaillons beaucoup avec les journaux de ces régions pour faire en sorte qu'il y ait une véritable information : cela fait aussi partie de notre manière de lutter contre le terrorisme. Un narratif neutre, exhaustif et indépendant peut éviter la manipulation à laquelle vous faites référence, particulièrement présente dans certains des pays du G5 Sahel.

Les Européens, madame Lakrafi, sont très engagés au Sahel, y compris sur le terrain militaire avec la force Takuba qui va se déployer cet été et qui regroupera treize États européens : l'Estonie est déjà présente, s'y ajouteront la Suède, la République tchèque, etc. Je vous rappelle qu'il y a aussi des Européens – Britanniques et Estoniens – dans la force Barkhane ; dans la mission de formation de l'Union européenne au Mali, EUTM ; dans la mission EUCAP Sahel Niger, pour la formation des forces de sécurité intérieure ; dans la force de la MINUSMA (Mission des Nations Unies au Mali) dont le mandat vient d'être reconduit par l'ONU. Enfin, les Européens sont très présents dans le programme Alliance Sahel, qui n'est pas un système parallèle de différents organismes autonomes : nous nous attachons à une coordination et une synergie au plus près du terrain de tous les acteurs.

Vous avez souligné que certains pays, tel le Mali ou le Burkina Faso, étaient plus fragiles que d'autres et je partage votre sentiment. L'un des piliers du sommet de Pau est bien de renforcer la solidité des États pour éviter que certaines parties du territoire ne fassent l'objet d'une préemption par des groupes terroristes ou affiliés.

Pour le Proche-Orient, nous avons fait part de notre position. Nous agissons auprès de tous ceux qui peuvent avoir une influence auprès des autorités israéliennes pour les dissuader d'appliquer ces mesures d'annexion, quelle qu'en soit l'ampleur. Nous portons une grande attention à ce que les pressions soient exercées afin qu'un dialogue puisse être renoué entre les autorités palestiniennes et israéliennes. Renoncer aux annexions est aussi l'intérêt d'Israël : nous sommes tout à fait intransigeants sur la sécurité d'Israël, et le fait d'avoir deux États cohabitant dans le respect mutuel lui assurerait justement une sécurité beaucoup plus forte. La logique d'annexion est à mon avis une logique d'insécurité pour l'État israélien. C'est ce que nous disons à tous nos interlocuteurs, y compris à M. Gabi Ashkenazi, le nouveau ministre des affaires étrangères israélien, à qui j'ai fait part à plusieurs reprises de ces observations.

« Qu'allons-nous faire ? » monsieur Lecoq, je vous réponds simplement que ces annexions n'ont pas encore été faites et que, si elles l'étaient, de tels actes ne pourraient pas rester sans conséquences, à la fois sur la coopération entre l'Union européenne et Israël et sur les relations bilatérales. Nous ne pouvons pas laisser sans riposte ce type de violation du droit international. Mais j'espère que les autorités israéliennes prendront en considération la pression internationale qui se fait de plus en plus forte, et ne conduiront pas cette annexion qui était autorisée à partir du 1er juillet.

Vous m'avez demandé des compléments d'information sur le Liban. J'ai exprimé toutes nos préoccupations mais je n'ai effectivement pas précisé que nous sommes aussi soucieux que soit conservé le principe de dissociation, que les autorités libanaises ont préservé jusqu'à présent. Ce principe – la dissociation des conflits se déroulant autour du pays et le respect de l'intégrité du Liban – est essentiel. J'espère que les efforts que nous entreprenons seront couronnés de succès, mais la situation est très préoccupante.

La liste des pays aux ressortissants desquels nous rouvrirons les frontières a été établie au niveau européen, et nous ne reconnaissons pas Taïwan comme un état indépendant. Mais un traitement spécifique peut être envisagé pour ce territoire. Mme Trisse et Mme Genetet m'ont posé d'autres questions au sujet de la réouverture de nos frontières. Je croyais avoir été clair dans mon propos introductif : il s'agit d'une liste de quatorze pays plus un, puisque la Chine y figure sous condition et j'ai expliqué pourquoi. Je répète que nous avons pris en considération le taux d'incidence, la solidité et la résilience des systèmes de santé, les mesures de protection adoptées dans ces pays, la fiabilité des données et les critères de réciprocité. Voilà l'ensemble des critères pris en considération par la Commission pour établir cette liste, qui sera révisée tous les quinze jours. C'est une liste plafond d'engagements que nous pouvons tenir, mais que les pays membres ne sont pas obligés d'appliquer intégralement. Vous dites, Mme Genetet, que le Japon n'a pas encore mis en œuvre de réciprocité : c'est vrai. Mais si nous lui ouvrons nos frontières, c'est justement pour qu'il fasse de même à notre égard. C'est une démarche d'impulsion et de pression.

Je suis tout à fait disposé à regarder les exemptions qui pourraient être prises en compte. Il en existe déjà pour les professionnels de santé, les travailleurs saisonniers, les étudiants, mais s'il y a d'autres cas particuliers, nous pouvons les examiner et éventuellement les prendre en considération. Depuis le mois de mars dernier, nous n'avons pas lésiné sur le soutien à ces prises en compte, et nous allons poursuivre. J'espère que, progressivement, dans les jours ou le mois qui viennent, les mesures d'assouplissement pourront se multiplier. Mais il faut rester très vigilant.

Je connais, monsieur David, votre préoccupation concernant le site gazier de Balhaf au Yémen. Je vous rappelle qu'en 2017, le gouvernement officiel du Yémen a réquisitionné le site de la société Yemen LNG, dont Total est actionnaire. C'était une réquisition officielle par un gouvernement en temps de guerre et il n'y a plus de personnel de Total sur le site. Les équipes locales ont décidé de scinder le site en deux. Ils ont construit un mur entre cette usine, qui produit encore un peu d'électricité pour les villages environnants, et l'autre partie du site entre les mains de la coalition en dehors de tout contrôle effectif de l'entreprise. Voilà les informations en ma possession.

Monsieur Lecoq, la position du groupe E3, c'est-à-dire la Grande-Bretagne, l'Allemagne et la France, sur le JCPoA demeure bien de rester unis, d'œuvrer à la préservation de l'accord de Vienne sur le nucléaire iranien, et si possible en concertation avec la Russie et la Chine. Nous nous sommes réunis il y a quelques jours à Berlin, pour constater notre accord pour poursuivre en ce sens et faire en sorte que l'accord de Vienne perdure. Ce n'est pas facile puisque les activités nucléaires iraniennes se poursuivent en violation du JCPoA, mais nous sommes déterminés à faire passer nos messages le plus efficacement possible pour que l'Iran accède aux demandes formulées par l'Agence internationale de l'énergie atomique. Il s'agit de vérifier sur son territoire la mise en œuvre des engagements pris par l'Iran. Nous restons convaincus que c'est la seule bonne solution pour éviter tout accès de l'Iran à l'arme nucléaire. Il importe d'être vigilant mais aussi très déterminé, et nous souhaitons que les Iraniens nous entendent.

Quant à la conférence d'examen du TNP, elle a été reportée en raison de la crise liée au covid-19. Nous souhaitons qu'elle soit reprogrammée car les enjeux sont très importants : la non-prolifération dans le cadre notamment de la préservation du JCPoA, l'usage pacifique du nucléaire, ensuite le désarmement nucléaire. Dans son discours du 7 février dernier à l'École de guerre, le Président de la République a parfaitement exprimé la position de la France à ce sujet.

Je répondrai à M. Mbaye qu'une clarification est nécessaire avec la Turquie, je l'ai déjà dit à plusieurs reprises. Le fait en particulier que lors d'une mission menée dans le cadre de l'OTAN et de l'opération Sea Guardian, un navire français ait fait l'objet d'une manœuvre hostile de la part d'un navire de guerre turc, est tout à fait préoccupant. Le navire français répondait aux ordres de l'état-major de l'OTAN et le navire turc fait également partie des forces de l'OTAN. Il n'est pas possible de rester dans cette situation. Par ailleurs, il y a cette présence très forte et renouvelée de la Turquie en Libye, sans tenir aucun compte de l'embargo. J'ajoute, en Méditerranée orientale, des interventions de forage dans des secteurs qui ne correspondent pas à la zone économique exclusive de la Turquie, mais à celles de la Grèce et de Chypre. Tout cela nous pose question, et nécessite une clarification le plus rapidement possible avec la Turquie. On ne peut pas rester dans ce statu quo, avec une multiplication des situations conflictuelles.

Je me suis rendu à Madagascar en février dernier, madame Kuric, où j'ai rencontré longuement le Président Andry Rajoelina avec qui nous avons abordé l'ensemble des questions maritimes et des questions bilatérales. Nous avons notamment décidé de créer une commission mixte franco-malgache pour avancer sur le dossier des îles Éparses. Nous avons certes un point de désaccord, mais aussi une volonté commune de trouver des solutions dans un cadre respectueux et amical, dans un esprit de dialogue et de confiance. La confiance est là, puisque les échanges que j'ai eus avec les autorités malgaches au plus haut niveau ont été très fructueux. Nous avions prévu une deuxième séance de travail pour cette commission mixte et elle aurait dû se tenir pendant la période de pandémie. Elle sera reprogrammée lorsque les frontières seront ouvertes. Je suis bien évidemment au courant la déclaration de la Communauté de développement de l'Afrique australe. Mais elle n'empêche pas la qualité des discussions que nous pouvons avoir avec les autorités malgaches.

Il n'y a pas, monsieur Julien-Laferrière, de nouveaux crédits concernant Santé en commun, cette opération devant permettre au continent africain de surmonter les difficultés liées à la pandémie. Il s'agit de réaffectations dictées par cette priorité du moment pour un montant d'1,2 milliard d'euros, sous réserve que l'AFD en particulier se mobilise pour que ces crédits soient dépensés rapidement, soit en donnant aux États un peu plus de facilités financières pour renforcer leur système de santé, soit en menant des opérations de soutien et d'appui aux autorités sanitaires sur des cas précis. Je pense notamment à la nécessité d'améliorer les diagnostics et de développer les tests, avec par exemple. l'Institut Pasteur ou un certain nombre d'hôpitaux. C'est la destination de ce 1,2 milliard réaffecté.

En revanche, il y a des crédits nouveaux pour d'autres sujets liés à la situation, en particulier l'engagement annoncé par le Président de la République dans l'initiative ACT A à hauteur des 510 millions. Cela ne concerne pas uniquement l'Afrique ; le périmètre est plus large. Mais il s'agit bien de la lutte contre les effets de la pandémie. L'engagement français est également présent dans le Gavi, l'Alliance du Vaccin, qui œuvre pour la diffusion des vaccins et qui permettra, lorsque le vaccin sera trouvé, d'en faire une distribution active. Car vous savez ce qu'on dit souvent : « les molécules sont au Nord et les malades sont au Sud ». Nous avons donc renforcé nos financements dans ces deux domaines, et activé les financements spécifiques à l'Afrique pour Santé en commun.

La trajectoire de l'aide publique au développement est maintenue avec un objectif de 0,55 % du RNB en 2022. Le texte de loi sera examiné en Conseil des ministres normalement au mois de septembre. Mais je veille comme vous – et je sais que votre commission y sera sensible – à ce que nous ayons aussi des cibles en valeur absolue afin d'éviter que la baisse du RNB ne se traduise par une baisse du financement de l'aide au développement.

Enfin, madame Dumas, je suis ouvert à tout examen du dossier que vous évoquez. Je n'ai pas d'informations particulières, alors que vous semblez en avoir beaucoup. Je vous remercie donc de m'en faire part, car je souhaite que toute la lumière soit faite.

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Je suis le député des Français qui habitent la Turquie. Les tensions entre Paris et Ankara s'aggravent de plus en plus : nous avons connu le chantage migratoire, les ingérences dans l'islam de France, les provocations d'Erdoğan contre le Président de la République, les agressions contre les Kurdes dans le Nord syrien, les violations des principes de souverainetés grecque et chypriote. Maintenant, c'est la Libye qui cristallise nos différends. Le Président de la République a parlé de « la responsabilité historique et criminelle » de la Turquie, après l'incident en Méditerranée. Jusqu'où va-t-on ?

Je rappelle – et cela introduit mon deuxième sujet – que l'Union européenne tolère depuis quarante-cinq ans l'occupation de Chypre du Nord alors qu'elle est déchaînée face à l'extension de la souveraineté du peuple juif en Judée. Le 20 mai dernier, monsieur le ministre, je vous ai fait part de mes convictions intimes sur la position française concernant le plan d'extension de souveraineté d'Israël en Judée et Samarie. Vous m'avez répondu que mes propos n'étaient pas acceptables. Je ne veux pas polémiquer avec vous : j'éprouve du respect et de l'amitié pour vous, mais je revendique ma liberté de parole, précisément en tant que parlementaire. J'ai bien conscience d'être à contre-courant sur le conflit israélien et ce n'est pas toujours facile. La France et Israël, selon moi, doivent quoi qu'il arrive renforcer leur alliance : c'est leur intérêt mutuel. Vous avez affirmé que la décision israélienne ne pourrait rester sans réponse, vous avez parlé de riposte ; j'en prends acte. Mais cette extension de souveraineté est une décision démocratique en cohérence avec la vérité historique et aussi avec la réalité du terrain.

La doctrine traditionnelle d'une solution à deux États dans les frontières de 1967, avec Jérusalem divisée, ne fonctionne pas et ne fonctionnera pas : c'est mon sentiment. Elle n'a jamais permis de faire avancer la paix que tout le monde souhaite. Les Palestiniens ont rejeté tous les plans de paix. Entre parenthèses, l'Autorité palestinienne détient toujours Hicham Harb, qui est directement responsable de l'attentat de la rue des Rosiers et qui a tué des Français : j'en ai parlé avec le Président de la République en Israël. Je crois, monsieur le ministre, qu'il faut donner une chance au plan Trump. Le Président de la République, qui doit s'entretenir dans les prochains jours avec Benyamin Netanyahou, a lui-même montré en janvier dernier que la France pouvait casser certaines barrières : il s'est rendu à Jérusalem, il s'est rendu au Mur occidental, et il a montré que notre pays était capable de faire bouger les lignes. Je ne voudrais pas qu'il y ait de tension avec Israël, vous l'imaginez bien. Aussi, pensez-vous que la France pourra enfin un jour changer ce logiciel qui me semble périmé et faire évoluer sa position ?

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Je reviens sur la loi controversée concernant la sécurité nationale à Hong Kong. Des consulats, comme celui du Canada, ont déjà pris le parti d'avertir leurs ressortissants à Hong Kong des nouveaux risques auxquels ils s'exposent, incluant l'extradition vers la Chine pour y être jugés. Une première arrestation vient d'être effectuée ce jour sur le fondement de cette nouvelle loi. Pour autant, la France ne semble pas avoir pour l'heure relevé son seuil de vigilance sur son site consulaire. Pouvez-vous nous rassurer sur le contenu de cette loi ? À votre connaissance, existe-t-il un niveau minimal de garantie visant à assurer un traitement différencié lorsque ces faits sont reprochés à des ressortissants en provenance des pays tiers, touristes ou expatriés ?

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Vous l'avez dit, la crise sanitaire du covid-19 n'a pas de frontières. Elle meurtrit à des degrés divers tous les continents. L'Amérique latine constitue à l'heure actuelle le principal foyer de progression de la maladie. Mais face à ce constat, les prises de position de certains des principaux dirigeants de cette partie du globe nous laissent perplexes et nous inquiètent. Le 1er juin dernier, j'ai partagé avec vous la lecture d'un courrier émanant d'une ressortissante argentine Estela Isabel Bini, docteure en sciences médicales, qui a fait une partie de ses études en France et officie actuellement au Mexique dans un hôpital classé covid, dans le cadre d'un contrat négocié avec l'ONU. Elle agit à titre bénévole, ne pouvant retourner en Argentine puisque le pays est confiné. Elle y décrit une situation catastrophique, où la pauvreté, le manque d'hygiène et la malnutrition ne permettent évidemment pas de gérer la pandémie. Elle indique aussi que les gens sont obligés d'aller travailler, tout simplement pour gagner l'argent nécessaire à leur alimentation. Elle explique qu'en termes d'hébergement, la situation est catastrophique avec des cas où douze personnes vivent dans une même pièce, au sol en terre battue, sans eau, sont abusées sexuellement à plusieurs reprises, et ainsi de suite. La description est précise et glaçante.

Je sais que les réseaux diplomatiques que vous animez savent tout cela et réalisent un travail extraordinaire, tout particulièrement en cette période de crise. Mais il me semble que la pertinence et l'authenticité du témoignage de Mme Bini doivent nous amener, collectivement, à agir avec force et détermination en direction des peuples qui souffrent, évidemment dans la limite de notre action diplomatique. Vous l'avez dit, il nous faut mener une action de solidarité en direction des pays les plus fragiles. Je pense qu'évidemment l'Amérique du Sud, l'Amérique latine, en font partie. Il y a sans doute un certain nombre de dispositions à prendre par voie diplomatique. Comment pouvons-nous mieux aider cette partie du monde ? Comment dénoncer les faits et presser les gouvernants à agir ? Peut-être pouvons-nous aussi nous mobiliser, dans le cadre de nos travaux : tout simplement analyser, comprendre et intervenir avec précision et efficacité dans cette partie du monde. J'aimerais connaître votre vision de ce sujet.

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Le premier point que je souhaitais aborder l'a déjà été, mais je veux relayer une nouvelle fois ma préoccupation parce qu'elle relève de ma conviction intime. Il s'agit du projet d'annexion de territoires palestiniens par le gouvernement israélien qui entre en fonction aujourd'hui, projet qui a, chacun peut le constater, soulevé beaucoup d'inquiétude et beaucoup d'oppositions. Il faut d'ailleurs se féliciter des prises de position à la fois du secrétaire général de l'ONU, du représentant de l'Union européenne pour la politique étrangère, de vous-même, monsieur le ministre, et de vos partenaires allemand, espagnol, italien, mais aussi d'éminentes personnalités israéliennes comme l'ancien président de la Knesset Avraham Burg, et l'ancien ambassadeur d'Israël en France Élie Barnavi.

Vous avez déjà donné des éléments de réponse sur la position française mais, comme quelques autres de nos collègues, j'aimerais que vous nous donniez plus de précisions sur les dispositions conjointes qui pourraient être envisagées pour contraindre les dirigeants israéliens à renoncer à ce projet qui compromettrait toute reprise d'un processus de paix sur les bases du respect du droit international.

Ma deuxième question porte sur le Burkina Faso, mais vous avez abordé cette situation préoccupante dans votre analyse globale du Sahel. Chacun convient que la réponse militaire n'est pas la solution à terme, et que la contribution militaire de la France est temporaire. Il s'agit bien de décisions politiques d'application des accords de paix déjà conclus et d'aide au développement. Puisqu'une nouvelle politique doit voir le jour dans ce dernier domaine pour renforcer l'aide de notre pays, la France a-t-elle déjà une stratégie générale, et pour ce pays, de partenariat d'aide au développement ?

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J'entends les paroles sur la Turquie, et je me félicite d'ailleurs des déclarations du Président de la République, mais le problème de la crédibilité de notre politique étrangère et de celle de l'Union européenne, c'est que les paroles ne sont jamais suivies d'actes. Erdoğan n'a que mépris pour la faiblesse de la France et de l'Union européenne : il monte toujours d'un cran. Il a occupé une partie de la Libye ; il y implante des djihadistes qu'il avait soutenus en Syrie, avec des conséquences dévastatrices pour le Maghreb et la Tunisie voisine qui est déjà très fragile ; il prend à revers l'engagement de nos troupes très sévère et très courageux au Mali. Bref, il se moque intégralement de nous, menace notre marine, et je n'entends de votre part que le mot « clarification ». Je suis inquiet.

Nous avons des armes : les droits de douane sont à zéro pour les produits turcs, et nous pouvons mettre à genoux l'économie turque ; les visas ; la saisie des avoirs bancaires des dirigeants turcs ; les milliards de subventions… Pour l'heure, nous subventionnons un dictateur qui humilie l'Europe, qui met en danger notre arrière-cour, et nous parlons de clarification. Pardonnez-moi de vous le dire, avec beaucoup de respect : l'histoire a montré que les gouvernements faibles le payaient très cher. Erdoğan ne s'arrêtera que quand une limite ferme lui sera fixée. Et j'attends la limite. Je ne comprends pas pourquoi la France, sauf à être sous la domination complète de l'Allemagne, ne réagit pas. Cela montre d'ailleurs qu'il n'y a pas de politique étrangère française : il y a une politique étrangère européenne, car en vérité, ce sont nos partenaires qui ne veulent pas chatouiller Erdoğan.

Quant à l'OTAN, on nous avait dit que la réintégration dans son commandement militaire intégré allait nous permettre d'être influent ; on voit que c'est tout l'inverse.

Enfin, pouvez-vous nous confirmer que le Mali achète des armes à la Russie ? Et que le sacrifice de nos soldats qui tombent sur le sol malien sert à renforcer la Russie ? Je l'ai lu : ce n'est peut-être pas vrai, c'est pourquoi je vous pose la question.

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Le Président de la République a parlé du monde d'après, et je pense que la question de la réindustrialisation doit être abordée d'une manière plus large, plus globale. Les mesures incitatives de Bercy à la relocalisation ne suffisent plus. Je pense que le ministère des affaires étrangères a pleinement un rôle à jouer, pour protéger nos fleurons nationaux mais aussi pour inciter à répartir partout les usines de toute nature et dans tous les domaines. Je pense que vous êtes d'accord avec moi : il est temps que les pays développés en général arrêtent de sous-traiter la pollution et d'exporter la misère. Il est important que ce ne soit pas au détriment des pays en voie de développement, afin que nous ne soyons pas les artisans de la désertification industrielle ailleurs. Faites-vous un travail précis en ce sens avec Bercy ? Quels sont les jalons, les principes, le budget alloué ?

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Je voudrais tout d'abord vous remercier, et à travers vous l'ensemble de notre diplomatie. Cela fait plusieurs semaines que je vous sollicitais à propos des Français bloqués à l'étranger, notamment au Maghreb et en Afrique. Un travail exceptionnel a été réalisé, notamment au Maroc et en Algérie, et tous les cas que je vous avais soumis sont débloqués. Derrière vous, il y a des gens qui vivent leur passion de diplomates, leur engagement avec beaucoup d'implication. Je tenais à vous le dire.

Ma question concerne la déclaration faite par le roi des Belges, les excuses qu'il a présentées au Président de la République démocratique du Congo. Dans cette déclaration, beaucoup y ont vu un acte non pas de repentance, mais de reconnaissance historique à l'égard de ce que la Belgique a pu faire à l'Afrique. Qu'en pensez-vous ? Et quand la France fera-t-elle, elle aussi, ces déclarations qui sont attendues. Le Président Emmanuel Macron l'a annoncé, a dit qu'il le ferait, qu'il ferait des actes symboliques forts, et ils sont attendus.

Pour finir, je reviens sur le cas des Français bloqués à l'étranger. Sur la liste de pays que vous avez annoncée, beaucoup de Français se posent des questions : des enseignants, des agents diplomatiques… Toute la communauté française qui se trouve actuellement en Afrique dans des pays dont les noms ne figurent pas sur cette liste, est très inquiète. Que peut-on leur dire pour les rassurer ? Peut-on imaginer des dispositifs particuliers pour leur permettre de revenir en France et d'envisager aussi leur retour ?

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J'ai une question très rapide à propos du multilatéralisme d'après-covid. Vous aviez dit qu'il fallait qu'il se base sur l'architecture multilatérale de santé et je sais que vous avez coprésidé avec votre homologue allemand le 26 juin dernier une réunion de l'Alliance pour le multilatéralisme, consacrée justement à un multilatéralisme de santé. J'aimerais savoir quelles sont les pistes concrètes de réforme et de modernisation du système sanitaire international qui ont été évoquées lors de cette réunion. Et de quelle manière pensez-vous que la France pourrait y contribuer et faire en sorte que ce multilatéralisme soit doté d'un dispositif ayant autorité sur le plan scientifique et dans lequel l'Europe de la santé mise en avant par le Président de la République pourrait jouer un rôle important ?

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. Je tenais d'abord à vous remercier, monsieur le ministre, pour le soutien que le gouvernement et votre ministère apporteront aux établissements scolaires français du Liban. Nous vous avions d'ailleurs sollicité, ces dernières semaines avec des collègues parlementaires – dont Loïc Kervran, président du groupe d'amitié France-Liban, et Amélia Lakrafi, députée de la dixième circonscription des Français établis hors de France et un certain nombre d'autres – en faveur d'un soutien fort de la France. Nous l'avions estimé, suite aux remontées des établissements, à près de 10 millions d'euros. Pouvez-vous me dire si ce montant sera bien celui que vous retiendrez, et si l'engagement sera donc à la hauteur des enjeux pour soutenir et témoigner une nouvelle fois notre amitié au Liban. ?

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Je reviens sur le Cameroun : nous avons eu un débat assez passionné ce matin, qui témoigne de notre grand intérêt pour ce pays ami. La France est candidate pour être membre du Conseil des droits de l'homme pour la période 2021 à 2023. À ce titre, une enquête des Nations unies sur les massacres des civils à Ngarbuh n'aurait-elle pas permis de mettre un temps d'arrêt au phénomène des violences montantes dans le nord-ouest et le sud-ouest du Cameroun ? Et pourquoi la France n'a-t-elle pas demandé cette enquête auprès des Nations unies ?

Ma deuxième question concerne la situation d'Amadou Vamoulké, car j'aimerais apporter une précision : un très récent rapport du groupe de travail sur les détentions arbitraires des Nations Unies change la donne. Cette fois, ce sont les Nations Unies qui demandent la libération immédiate d'Amadou Vamoulké. Ma question est très simple : la France va-t-elle ou peut-elle agir auprès des Nations unies pour demander à Paul Biya la libération d'Amadou Vamoulké ? Cela nous permettrait de ne pas marcher sur des œufs avec le risque d'être présentés comme faisant de l'ingérence directe dans les affaires du Cameroun.

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Jean-Yves le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères

Monsieur Habib, j'ai aussi du respect et de l'amitié pour vous. Cela ne m'empêche pas d'être en désaccord avec ce que vous aviez dit en mai dernier, qui m'avait amené à faire preuve d'une grande fermeté à votre égard. Vous aviez dit que je menais une croisade diplomatique contre Israël. Et là, ça ne va pas ! Autant pour le reste, on peut discuter, avoir des appréciations et des positions différentes, mais là, ce n'est pas possible. C'est la raison pour laquelle j'ai été ferme avec vous, lorsque vous m'avez interpellé de cette façon.

Moi, je parle avec M. Gabi Ashkenazi, le nouveau ministre des affaires étrangères israélien. Je lui dis ce que je pense. Je ne peux pas encore le rencontrer à cause du covid-19 mais nous échangeons et nous faisons part de nos observations. Tous les arguments que j'ai développés concernant le règlement de la paix au Proche-Orient sont connus, ses arguments à lui sont connus : nous avons un différend, constatons-le, mais continuons à échanger.

Vous avez également évoqué la Turquie, et j'en profite pour répondre également à M. Dupont-Aignan. À notre demande, il y aura le 13 juillet une réunion des ministres des affaires étrangères de l'Union européenne consacrée uniquement à la question turque. Je précise également à M. Dupont-Aignan que des sanctions ont déjà été prises à l'encontre de la Turquie par l'Union européenne, en particulier pour les forages que la Turquie menait dans la zone économique maritime de Chypre. Pour marquer notre posture, d'autres sanctions peuvent être envisagées, mais cela a déjà été le cas. Nous faisons preuve également d'une très grande fermeté sur le dossier migratoire. Aujourd'hui même, la France a décidé de retirer la frégate Courbet de l'opération de l'OTAN Sea Guardian, tant qu'aucune clarification n'aura été fournie sur la coordination de la mission IRINI de l'Union européenne – qui est destinée à empêcher la rupture de l'embargo sur les armes – et de la mission Sea Guardian de l'OTAN de dimension proche mais pas identique. Il nous faut impérativement clarifier les rôles des uns et des autres, et les règles de comportement. Notre comportement n'est pas inactif, nous faisons preuve de fermeté et nous agissons.

Madame Ali, oui, à Hong Kong il y a des risques pour nos ressortissants, qui peuvent être soumis à un certain nombre de dispositions liées à la loi qui vient d'être adoptée. La définition des infractions est très large et nous veillons à tenir informés nos compatriotes qui vivent à Hong Kong des menaces que présente l'application de ce texte.

Monsieur Girardin, il est vrai que la situation en Amérique du Sud est très préoccupante, puisqu'elle est devenue aujourd'hui l'axe central du développement de cette pandémie. C'est une région très importante pour nous, parce que nous partageons avec elle des valeurs de démocratie, de coopération internationale, de multilatéralisme. La France est aussi un pays d'Amérique du Sud et sa plus longue frontière terrestre est d'ailleurs entre le Brésil et la Guyane. La situation est très préoccupante à la fois sur le plan social, sur le plan sanitaire et sur le plan écologique avec les risques pour les forêts tropicales. Vous avez raison de souligner la nécessité d'un partenariat renforcé avec les pays d'Amérique latine.

Nous avons remobilisé l'AFD sur les pays d'Amérique latine. Je m'y suis rendu quatre fois. Nous souhaitons agir en direction des sociétés civiles pour éviter que les crises ne se transforment en situations plus dramatiques et pour que des mesures soient prises au niveau international contre la récession, mesures auxquelles nous pourrons contribuer.

Vous avez raison, monsieur Joncour, de signaler le côté très inquiétant de la situation au Burkina Faso, à la fois, sur la faiblesse de l'État, sur les risques terroristes et sur les conflits de communautés notamment autour des populations peules et de quelques autres ethnies. Nous avons considéré qu'il y avait une priorité à donner à ce pays dans les aides que nous avons apportées : nous sommes passés d'1,9 million en 2019 à plus de 5 millions cette année. Je précise par ailleurs que nous avons organisé avec nos partenaires danois un vol du pont aérien humanitaire que j'ai évoqué, ce qui montre combien nous jugeons ce pays prioritaire. Le Président de la République s'est entretenu avec le Président Kaboré, hier à Nouakchott, car le pays est dans une situation difficile. Il y a près de 850 000 déplacés dans ce pays et la détérioration de la situation sanitaire est considérable. L'élection présidentielle se tiendra au mois de décembre au Burkina Faso et nous souhaitons qu'elle puisse se dérouler dans les meilleures conditions.

Sur le Mali, je n'ai pas l'information que vous me demandez, monsieur Dupont-Aignan et je ne peux pas vous répondre avant de me renseigner.

Madame Krimi, vous abordez un sujet qui concerne plutôt Bruno Le Maire. Nous sommes dans le même gouvernement, nous travaillons beaucoup et nous nous battons beaucoup ensemble sur ce sujet. L'enjeu est double : relocaliser les activités productrices stratégiques – je pense aux médicaments mais aussi à des activités lourdes liées à notre autonomie stratégique – et réussir la transition écologique et la transition numérique en toute souveraineté. Il faut parvenir à un changement en profondeur de notre outil industriel. C'est aussi une préoccupation européenne : le plan de relance que j'évoquais est essentiel pour réussir cette réindustrialisation indispensable.

Merci, monsieur El Guerrab d'avoir exprimé votre gratitude pour l'action que les services que je dirige ont menée pour permettre aux Français, autant qu'on pouvait le faire, de retourner en France par des moyens appropriés. Je vous précise d'ailleurs que les Français de l'étranger peuvent revenir en France : la frontière n'est pas fermée aux Français qui sont à l'étranger, sous réserve d'un protocole sanitaire à suivre et sous réserve, évidemment, de trouver un moyen de transport. On ne peut pas mettre en œuvre un moyen de transport adapté à chaque personne. Il y a une contrainte mondiale, c'est ce coronavirus, et cela pose des problèmes à tout le monde, y compris à nos concitoyens à l'étranger. Quant à pouvoir retourner à l'étranger, cela peut effectivement leur être moins simple.

Je n'ai pas à me prononcer sur la position du roi des Belges sur les enjeux mémoriels. Je pense qu'il importe que nous ayons sur ces enjeux un dialogue apaisé des mémoires. Dans son allocution du 14 juin, le Président de la République avait déclaré : « Nous devons regarder lucidement ensemble toute notre histoire, toutes nos mémoires, notre rapport à l'Afrique en particulier pour bâtir un avenir possible d'une rive à l'autre de la Méditerranée avec une volonté de vérité. » C'est également ma propre conviction. Et dans cet état d'esprit, symboliquement, je suis très heureux que certaines œuvres du patrimoine culturel africain qui se trouvaient exposées dans les musées français puissent retourner en Afrique. Cette restitution est importante, significative et symbolique de notre volonté d'être contributeurs des enjeux mémoriels liés à l'époque coloniale.

Je me suis déjà beaucoup exprimé sur les sujets de santé mais je vais ajouter un point pour Mme Tanguy, qui m'interroge sur la gestion des enjeux mondiaux de santé, sur l'OMS. Je l'ai dit, nous pensons que l'OMS est l'outil de l'action collective, du multilatéralisme dans le domaine de la santé – de toute façon, il n'y a pas d'autre instrument –, mais il faut que cet outil se réforme. Le lancement d'une mission d'évaluation de la gestion de la pandémie a été décidé lors de l'Assemblée mondiale de la santé qui s'est tenue mi-mai à Genève. C'est une bonne chose. L'Assemblée mondiale de la santé doit se réunir à nouveau à la fin de l'année pour aborder les mutations indispensables de l'OMS.

Par ailleurs, il nous faut agir dans plusieurs directions. Le règlement sanitaire international existe mais il n'est pas suffisamment appliqué et pas suffisamment contraignant. Il faut également établir une gradation du niveau d'alerte. Il faut définir un mécanisme de réaction rapide de vérification. Et la France souhaite qu'on puisse créer au sein de l'OMS un Haut conseil de la santé humaine et animale qui pourrait jouer le même rôle que le GIEC, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, c'est-à-dire un outil indépendant qui puisse à la fois établir des diagnostics et faire des préconisations. Enfin, il faut améliorer le mode de financement de l'OMS, pour qu'elle bénéficie d'une vraie autonomie et d'une vraie indépendance.

L'OMS est un vrai enjeu de bonne coopération internationale, de multilatéralisme, elle ne doit pas être un enjeu de politique intérieure ni d'un affrontement entre les États-Unis et la Chine.

J'ai pris le temps de beaucoup parler du Liban parce que je pense que c'est essentiel pour la France. Et il s'agit aussi d'un sujet lié à l'éducation et à la formation. Je vous confirme, madame Cazebonne, le soutien fort que nous voulons apporter aux écoles de ce pays qui sont des éléments clés de notre influence et de la poursuite de l'enseignement de la langue française dans ce pays. Vous avez annoncé un chiffre : je ne suis pas loin du vôtre, mais je préférerais faire une évaluation plus précise. De mémoire, il y a 61 000 élèves dans les écoles françaises au Liban, ce qui correspond à 15 % des 370 000 élèves qui sont scolarisés dans les écoles françaises dans l'ensemble du monde. Vous avez eu raison d'appeler mon attention sur ce sujet. Nous nous en occupons.

Enfin, monsieur Nadot, merci de votre contribution sur le Cameroun. J'ai rappelé tout à l'heure qu'une commission avait été créée après les drames de Ngarbuh et qu'elle avait permis de dégager des responsabilités et d'ouvrir des procédures judiciaires. Il importe qu'elles se poursuivent et nous affirmons notre volonté de les voir aller à leur terme. Nous sommes par ailleurs choqués du décès en prison du journaliste Samuel Wazizi, le 2 juin dernier, et nous souhaitons que les autorités camerounaises mènent une enquête indépendante sur les circonstances de sa mort. Quant au cas de M. Amadou Vamoulké, je répète que nous sommes tout à fait attentifs au fait qu'il puisse avoir un procès équitable et nous menons les actions partout où nous le pouvons pour que ce soit le cas.

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L'Union européenne a souvent profité des crises pour se renforcer. Cette fois encore, la crise sanitaire et économique que nous vivons l'a conduite à prendre des décisions inédites. Et au total, pour répondre aux besoins de nos États et de nos entreprises, les annonces sont considérables. Mais ces annonces s'accumulent et il est parfois difficile de s'y retrouver. C'est pourquoi je m'interroge sur la lisibilité de ce plan de relance, car l'Union européenne avance et nous en savons l'enjeu politique. D'où ma question : comment pensez-vous parvenir à faire de la relance économique un moment de relance politique et citoyenne ?

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Jean-Yves le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères

Je répète ce que j'ai dit dans mon propos initial. L'engagement qui a été pris est historique. Le plan de relance qui est proposée à la Commission, à la suite de l'initiative franco-allemande, est déterminant. C'est une étape qualitative de la solidarité européenne qui se déroule. Les discussions qui se tiendront mi-juillet devraient normalement aboutir à un accord : c'est ce que nous souhaitons. Ensuite, il s'agira que la traduction de l'accord dans les faits soit lisible. Il faudra montrer qu'il s'agit d'une nouvelle période de l'Union européenne, plus proche des citoyens et au rendez-vous de la relance post-covid avec les citoyens. Nous vivons une période très grave, très dramatique dans un certain nombre de cas, et l'Europe doit mener à bien sa mission de protection. Ce plan de relance y contribuera.

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Merci monsieur le ministre.

Sur la question du rapatriement des Français à l'étranger pendant la crise, merci aussi de la collaboration entre votre ministère et la commission des affaires étrangères, qui a été extrêmement fructueuse. Vos services et la cellule d'urgence ont effectué un travail remarquable.

Un dernier remerciement pour avoir pris en compte l'ensemble des recommandations que nos groupes de travail ont faites sur nos réseaux d'influence et nos réseaux diplomatiques. Nous vous avions envoyé une lettre avec énormément de questions et de recommandations, résultats d'un travail très fructueux que les parlementaires avaient conduit. Un grand merci pour la qualité des réponses et pour l'engagement qui est le vôtre et celui de votre ministère.

La séance est levée à 17 heures 05.

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Ramlati Ali, Mme Clémentine Autain, M. Jean-Louis Bourlanges, Mme Samantha Cazebonne, Mme Mireille Clapot, M. Jean-Michel Clément, M. Alain David, M. Bernard Deflesselles, Mme Frédérique Dumas, M. Nicolas Dupont-Aignan, M. M'jid El Guerrab, M. Michel Fanget, Mme Anne Genetet, M. Éric Girardin, M. Meyer Habib, M. Alexandre Holroyd, M. Bruno Joncour, M. Hubert Julien-Laferrière, M. Rodrigue Kokouendo, Mme Sonia Krimi, Mme Aina Kuric, Mme Amélia Lakrafi, M. Jean-Paul Lecoq, Mme Martine Leguille-Balloy, Mme Marion Lenne, Mme Nicole Le Peih, M. Denis Masséglia, M. Jean François Mbaye, M. Didier Quentin, M. François de Rugy, Mme Marielle de Sarnez, M. Buon Tan, Mme Liliana Tanguy, Mme Valérie Thomas, Mme Nicole Trisse

Excusés. - M. Jean-Claude Bouchet, Mme Isabelle Rauch, M. Jean-Luc Reitzer

Assistait également à la réunion. - M. Sébastien Nadot