Intervention de Jean-Yves le Drian

Réunion du mercredi 1er juillet 2020 à 15h00
Commission des affaires étrangères

Jean-Yves le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères :

Merci madame la présidente. Vous l'avez dit, la pandémie de covid-19 est loin d'être derrière nous, même si progressivement la vie reprend son cours en Europe. Dans plusieurs régions du monde, la situation sanitaire demeure très préoccupante et partout, la prudence doit rester de mise. Pour nous l'enjeu est désormais de réussir la sortie de crise. Cela passe par une gestion coordonnée et réfléchie de nos frontières, afin d'éviter une deuxième vague, importée pendant l'été et par des actions de solidarité en direction des pays les plus fragiles, car il est désormais clair pour tous que la santé des uns dépend de la santé des autres. Par ailleurs, il importe que nous puissions engager un plan de relance au niveau européen qui tire tous les enseignements de ce que nous venons de vivre, en termes de souveraineté et d'indépendance.

Il y a environ un mois, lors de ma précédente audition, je vous avais dit qu'au début de cette crise, nous n'avions ni homogénéité ni cohérence au niveau européen, en grande partie parce que la compétence en matière de frontières est une compétence nationale. Nous sommes désormais parvenus à une bonne coordination. Le 15 juin dernier, nous avons levé tous ensemble les restrictions aux frontières intérieures. La liberté de circulation a été rétablie dans une très grande partie de l'espace européen. Subsistaient quelques restrictions dans les pays nordiques et en Europe centrale, mais elles ont progressivement disparu. Et aujourd'hui même, 1er juillet, nous franchissons une deuxième étape avec la réouverture des frontières extérieures à des pays tiers présentant un faible risque épidémiologique. Nous avons sélectionné quatorze pays sur des critères d'abord sanitaires après un examen du taux d'incidence – le nombre de nouvelles infections pour 100 000 personnes sur une période de quatorze jours en comparaison de la moyenne européenne qui se situe à 16 sur 100 000 – mais également en tenant compte de la solidité et de la résilience de leurs systèmes de santé, des mesures de protection qu'ils ont adoptées et de la fiabilité de leurs données. Le dernier critère retenu est celui de la réciprocité : l'objectif est d'initier un cercle vertueux en amenant ces pays tiers – pour ceux qui ne l'auraient pas encore fait – à rouvrir en retour leurs frontières aux personnes en provenance d'Europe. Nous n'avons donc pas procédé à l'ouverture de nos frontières avec la Chine, car la réciprocité n'a pas été annoncée. L'examen de ces critères n'a pas été un exercice facile, car nous partions de loin. Néanmoins, une vraie coordination européenne s'est mise en place, en grande partie sous l'impulsion de la France et de mon ministère. Elle est aujourd'hui effective.

Cette liste commune sera réactualisée tous les quinze jours, dans un sens ou dans l'autre, avec des ajouts ou des retraits de pays avec lesquels nous pouvons avoir une capacité de réciprocité et d'ouverture des frontières, Nous avons également intégré dans ce dispositif des exemptions pour certaines catégories de personnes en provenance de pays tiers avec lesquels nous n'avons pas encore rouvert nos frontières. Ce sont des personnes dont nous considérons qu'elles peuvent venir en Europe, singulièrement en France, sous réserve de se plier à un protocole sanitaire particulièrement exigeant. Je pense notamment à des étudiants, afin qu'ils puissent poursuivre leurs études.

Nous sommes donc entrés dans une nouvelle phase, plus positive que lorsque nous nous étions vus, fin mai. Mais il convient encore de faire preuve d'une grande vigilance et de poursuivre cette bonne collaboration avec nos partenaires européens.

Cette réouverture des frontières constitue aussi un enjeu majeur pour le tourisme en France, pour nos professionnels et pour nos territoires touristiques, avec un redémarrage coordonné du tourisme en Europe. Je vous rappelle que deux tiers des déplacements internationaux des Européens se font à l'intérieur de l'UE, et nous souhaitons cet été que notre pays soit particulièrement attractif. L'agence de développement touristique Atout France a lancé sous ma responsabilité une campagne de communication intitulée « Cet été je visite la France » pour favoriser l'offre nationale de proximité pendant la saison estivale 2020 mais aussi pour rendre notre pays plus attractif encore pour nos amis européens.

Les Européens sont aussi particulièrement mobilisés pour soutenir les efforts des pays les plus fragiles. Compte tenu de la mondialisation des risques sanitaires, il ne saurait en effet y avoir d'Europe de la santé cohérente sans une Europe de la solidarité déterminée à agir concrètement. Cette solidarité concrète s'exprime d'abord sur le terrain, avec l'établissement d'un pont aérien humanitaire entre l'Europe et des pays tels que la République centrafricaine, la République démocratique du Congo, le Burkina Faso et d'autres. Les deux secrétaires d'État, Amélie de Montchalin et Jean-Baptiste Lemoyne, et moi-même nous sommes récemment rendus sur place constater que – sous la responsabilité du commissaire européen à la gestion de crises, Janez Lenarčič – ce pont aérien humanitaire européen se mettait effectivement en place pour apporter à la fois du matériel médical, des médicaments, mais aussi pour permettre aux ONG de continuer à fournir aux populations l'aide dont elles ont besoin. Ce mouvement va se poursuivre puisqu'une trentaine d'opérations du même type sont déjà menées ou le seront dans les prochains jours par l'équipe Europe de solidarité, notamment en direction de l'Afrique.

Cette solidarité se joue aussi sur la scène internationale avec les conséquences de l'appel lancé par le Président de la République aux côtés de dix-huit dirigeants européens et africains en faveur d'une mobilisation multilatérale afin d'aider l'Afrique à affronter la crise dans toutes ses dimensions. La France évidemment prend toute sa part dans cette démarche, et attache une importance toute particulière à ce que nos annonces de soutien à l'Afrique – 1,2 milliard d'euros en dons et en prêts –, soient concrètement mises en œuvre. J'ai pu constater en me rendant en République démocratique du Congo que c'était le cas. Il faut que ce le soit partout. Ce sont des opérations ponctuelles, immédiates, efficaces qui permettent d'aider les pays africains en particulier à se protéger contre les risques de la pandémie. Même si à ce jour, elle ne s'est pas étendue sur ce continent autant qu'on pouvait le redouter, il importe d'être très vigilants.

Enfin, la solidarité européenne s'exprime aussi – vous y avez fait référence – dans le cadre de l'initiative ACT A, lancée par le Président de la République avec le directeur général de l'OMS et de nombreux partenaires. Il s'agit de coordonner l'action de tous les acteurs de la recherche, de l'industrie pharmaceutique et des institutions internationales autour de quatre piliers : diagnostic – sécurité et diffusion des diagnostics, amélioration de l'ensemble des informations –, traitements, vaccins, et soutien aux systèmes de santé. Pour que ces traitements et vaccins deviennent des biens publics mondiaux, c'est-à-dire des biens accessibles à tous sans exception et soustraits aux logiques de marché, il fallait cette initiative forte.

Une dynamique a été lancée et nous avançons vers ce concept de bien public mondial, porteur de quatre exigences très simples. Il faudra que les résultats de la recherche soient publiés très largement ; que l'accès universel à un prix raisonnable des vaccins, traitements et tests de diagnostic soit garanti ; que la production, dès que l'on aura identifié le vaccin ou le traitement, soit de quantité suffisante et que les stocks soient alloués en fonction de choix prioritaires et non pas en fonction du jeu des marchés ; enfin, que soit garantie l'utilisation transparente et optimale des ressources privées et publiques qui sont engagées dans cette dynamique de recherche de remèdes et de vaccins. C'est un point très important, que vous avez souligné. C'est un point de diplomatie sanitaire et c'est aussi l'affirmation du principe, que nous avons mis en avant depuis longtemps, de bien public mondial s'agissant de la sécurité sanitaire.

Vous avez parlé de l'OMS : nous sommes attachés à son maintien. Nous savons qu'elle doit se réformer, à la fois pour être plus performante dans le recueil d'informations ; pour être plus indépendante financièrement ; pour être plus exigeante à l'égard des États qui l'ont quittée. Il faut certes apporter les modifications nécessaires à sa gouvernance, mais cela ne signifie pas renoncer à l'OMS. C'est un outil essentiel auquel nous apportons un soutien réel.

Troisième réflexion concernant l'Europe et la crise sanitaire : nous devons maintenant préparer le jour d'après. Vous l'avez indiqué, le Conseil européen s'est réuni pour évoquer le plan de relance proposé par la Commission suite à une initiative franco-allemande. Il est doté de 750 milliards d'euros, largement financés par l'emprunt, ce qui constitue une nouveauté. Les chefs d'État et de gouvernement ont essayé de tout faire pour parvenir à un accord avant la pause estivale. Il y a eu un premier tour de table et une réunion en présentiel – comme on dit maintenant – se déroulera mi-juillet pour tenter d'aboutir à un accord.

Dès à présent, on peut identifier des points de convergences entre les États membres : le principe d'un emprunt européen est désormais admis par la quasi-totalité des membres, de même que la nécessité de concentrer nos efforts sur les secteurs et les régions les plus affectées. Il subsiste un débat sur les critères d'allocation, les conditionnalités postérieures aux dons ou aux prêts, mais je suis plutôt optimiste quant à la possibilité d'aboutir à un accord mi-juillet, d'autant plus que les échanges entre la Chancelière allemande – qui depuis aujourd'hui assure la présidence de l'Union – et le Président Macron, avant-hier en Allemagne, ont été positifs. Il faudra intégrer l'ensemble de ces données dans le futur cadre financier pluriannuel (CFP), qui doit lui-même faire l'objet d'un arbitrage définitif lors de la réunion des 18 et 19 juillet.

Ce prochain CFP ne doit pas être uniquement consacré aux effets de la crise actuelle, mais – c'est un point majeur – constituer l'occasion d'accompagner la transition verte et numérique de nos économies et de nos sociétés. Il doit également être un levier au service de nos priorités à long terme et permettre de renforcer la souveraineté de l'Europe. Ce renforcement est la meilleure articulation des enjeux financiers avec les engagements en matière de développement durable. L'initiative prise par l'Union d'engager une revue de la politique commerciale européenne, lancée le 16 juin par la Commission sur ces questions de souveraineté stratégique de l'Europe, doit aboutir à de nouvelles orientations d'ici la fin de l'année. Cet objectif me paraît tout à fait atteignable. L'heure est maintenant à la négociation pour que le plan de relance permette à l'Union européenne de sortir positivement et unie de la crise, avec la volonté – et les moyens nécessaires – d'assurer sa souveraineté.

Vous avez évoqué les relations avec la Chine. Un sommet Union européenne-Chine s'est déroulé le 22 juin et il a permis à l'Union d'affirmer une position ferme, beaucoup plus manifeste qu'auparavant, sur ses priorités. Les Européens ont montré une exigence commune de faire en sorte qu'avec la Chine, on puisse arriver à des résultats concrets, avant le sommet des chefs d'États et de gouvernements européens et chinois à la fin de l'année à Leipzig. Résultats concrets en matière économique : je pense à la lutte contre les pratiques non concurrentielles chinoises sur le plan commercial ; aux aides d'État ; à la nécessité de réciprocité dans l'accès aux marchés publics ; à la nécessité de trouver un accord sur les indications géographiques, d'avoir des critères très clairs pour les investissements que ce soit de la Chine en Europe ou inversement, avec la nécessité de maintenir la protection de la propriété industrielle. Tout cela a fait l'objet d'affirmations européennes exprimées avec beaucoup de force et c'est une grande nouveauté. La Chine est à la fois un partenaire, un concurrent et un rival systémique. Il faut tenir compte de ces trois aspects pour instaurer une relation saine, qui soit à la fois respectueuse de nos partenaires mais également de nous et de notre propre souveraineté.

Nous attendons également des résultats concrets dans le domaine du climat et de la biodiversité pour engager davantage la Chine qui prépare la COP15 sur la biodiversité – qui devait se tenir à Kunming en octobre et se déroulera en 2021 – et, avec nous, la COP26 qui aura lieu à Glasgow du 1er au 12 novembre 2021. Nous attendons des résultats concrets dans le domaine de la santé afin que la contribution chinoise à l'OMS soit orientée vers les initiatives multilatérales. Et des résultats concrets pour la mise en œuvre des engagements chinois dans le cadre du G20 sur la dette. Nous souhaitons vivement que la Chine participe à l'effort que nous avons engagé pour aboutir à des moratoires sur les intérêts de la dette de différents pays particulièrement endettés. Cela concerne aussi les Chinois, même s'ils ne sont pas membres du Club de Paris.

Puisque nous parlons de la Chine, nous avons tenu aujourd'hui même à manifester notre indignation et notre fermeté à l'égard de ce qui est en train de se passer à Hong Kong : l'adoption de la loi sur la sécurité nationale, les atteintes à la démocratie, aux accords de 1997 et à la loi fondamentale qui donnait une autonomie démocratique à Hong Kong. C'est une préoccupation majeure sur laquelle les Européens ont été unis, alors qu'on pouvait redouter des fractures entre eux. Le communiqué publié tout à l'heure est l'expression de notre fermeté et notre union.

J'aimerais maintenant apporter des éclairages sur quelques-uns des sujets que vous avez abordés. S'agissant de la crise au Proche-Orient, vous connaissez la position de la France : une annexion du territoire palestinien, quel qu'en soit le périmètre, remettrait en cause de façon grave et irrémédiable les paramètres essentiels au règlement du conflit, en plus de constituer une violation du droit international. Elle rendrait quasiment impossible d'atteindre la solution que nous préconisons, celle des deux États, et nous éloignerait irréversiblement de la création d'un État palestinien viable. Elle remettrait également en cause la méthode jusqu'à présent privilégiée, c'est-à-dire la négociation directe entre Israéliens et Palestiniens. Par ailleurs, elle aurait des conséquences négatives sur la stabilité dans la région et la sécurité d'Israël.

C'est pourquoi nous sommes actuellement très actifs afin de dissuader les autorités israéliennes d'avancer dans cette voie. Nous avons dit avec beaucoup de fermeté qu'une décision d'annexion ne pourrait rester sans conséquences pour la relation entre l'Union européenne et Israël. Nous imaginons différentes options sur le plan national comme en coordination avec nos principaux partenaires européens. Toutes les interventions possibles sont opportunes pour montrer aux autorités israéliennes tous les risques d'une telle initiative et la gravité des conséquences qu'elle ne manquerait pas de provoquer. Dans cette perspective de dissuasion, nous sommes en relation très étroite avec certains pays arabes : je pense en particulier à la Jordanie, directement concernée, mais également à l'Égypte qui est liée par un accord de paix avec Israël.

Quelques mots sur la Libye, pour réaffirmer qu'il n'y aura pas de solution militaire à la situation actuelle. J'ai parlé de « syrianisation » du conflit libyen, et je le redis également. À la faveur des ingérences étrangères, de l'afflux de mercenaires et des violations régulières de l'embargo, nous assistons à un changement de nature de ce conflit qui est en train de devenir de type syrien. La Turquie n'a cessé de renforcer son ingérence et son emprise sur le camp de l'Ouest, alimentant en retour l'ingérence tout aussi inacceptable de la Russie. Cette évolution est très grave. La dégradation de la situation en Libye renforce les menaces qui pèsent sur notre sécurité et notre souveraineté : menaces terroristes, risques d'aggravation des flux migratoires irréguliers notamment. Simultanément, cette situation réduit nos marges de manœuvre stratégiques en Méditerranée et place dans les mains d'autres acteurs – la Turquie et la Russie – les clés de nos intérêts en termes de sécurité dans cet ensemble méditerranéen.

Il existe une réponse à cette situation : c'est la mise en application des accords de Berlin, auxquels tout le monde a souscrit, c'est-à-dire le respect de l'embargo, la cessation des hostilités sur le terrain, la consolidation de la trêve et la conclusion d'un cessez-le-feu. Tout cela doit être mis en œuvre, et nous sommes très actifs pour essayer d'aboutir à cette solution. Au sein de l'Union européenne, nous parlons les uns avec les autres : je recevrai tout à l'heure mon collègue italien, et nous avons avec la présidence allemande de l'Union des relations très étroites à ce sujet. Il faut agir et agir vite avant qu'on arrive à une aggravation de ce que j'ai appelé « syrianisation ».

Nous devons aussi renforcer la mise en œuvre de l'embargo sur les armes, imposé par les Nations unies contre la Libye, notamment grâce à l'opération européenne IRINI. Je tiens à le redire ici : les manœuvres de la Turquie en Méditerranée pour, en fait, autoriser la poursuite des violations de l'embargo et qui ont occasionné des épisodes de tensions avec nos propres forces, sont inacceptables, a fortiori entre membres de la même alliance. Des clarifications sur l'articulation indispensable entre les missions de l'OTAN et celles de l'Union européenne en Méditerranée sont indispensables pour faire respecter cet embargo et préserver la sécurité de la région.

Au Sahel, le Président de la République a participé hier à Nouakchott à un sommet des chefs d'État et de gouvernement qui a permis de dresser un bilan six mois après le sommet de Pau. Y ont pris part les chefs d'États du G5 Sahel, mais également le président du gouvernement espagnol Pedro Sánchez, le président du Conseil européen Charles Michel, la chancelière fédérale allemande Angela Merkel, et le président du Conseil des ministres italien Giuseppe Conte. Ce sommet a mis en valeur la nouvelle dynamique enclenchée depuis janvier. Elle a d'abord été une dynamique de terrain, qui a produit quelques succès militaires – en particulier la neutralisation de l'émir d'Al-Qaïda au Maghreb islamique, Abdelmalek Droukdel, le 3 juin dernier – et qui a permis de clarifier et d'affirmer le bon fonctionnement du mécanisme de commandement conjoint auquel participent la force de l'opération Barkhane et la force conjointe du G5 Sahel. Un mécanisme permet l'articulation des opérations dans la zone des trois frontières. Des secteurs y ont été effectivement repris aux groupes terroristes et les armées s'y redéploient. Nous sommes dans une dynamique positive et il convient désormais de la consolider et l'amplifier.

Les chefs d'État ont convergé hier sur quatre objectifs prioritaires. Le premier est de poursuivre une action militaire déterminée, je viens d'en évoquer différents aspects. J'ajoute que les forces spéciales européennes Takuba vont permettre un renforcement de cette dynamique positive et que la mission européenne EUCAP Sahel Niger va reprendre ses actions de formation : tout cela est utile et nécessaire

Le deuxième objectif est d'assurer la présence de l'État sur l'ensemble du territoire. Car au-delà de l'effort militaire, c'est le retour de l'État, des administrations, des services aux populations, qu'il importe de poursuivre. C'est le sens de l'Alliance pour le Sahel dont j'ai présidé l'assemblée générale au mois de février dernier. Il faut qu'il y ait des policiers, des juges certes, mais aussi que puissent être entreprises des initiatives de développement concrètes sur le terrain et en particulier dans les zones qui ont été longtemps occupées par les groupes terroristes.

Le troisième objectif est de renforcer la chaîne pénale et de lutter contre l'impunité. On a assisté à des évènements dramatiques insupportables et nous souhaitons que soient menées des enquêtes sur les exactions commises par quelque force que ce soit. Cela a été acté par les chefs d'États réunis hier.

Et enfin, et c'est sans doute plus nouveau, le quatrième objectif est de poursuivre l'internationalisation de la coalition. À Pau, à la demande des pays du G5 Sahel, il avait été souhaité une coalition internationale pour le Sahel, afin que s'exprime un soutien politique majeur à la poursuite de leurs opérations, et que se manifeste une solidarité active. C'est bien le cas, puisque la réunion de la coalition que j'ai coprésidée avec mon homologue mauritanien le 12 juin dernier a réuni quarante-cinq ministres des affaires étrangères européens et mondiaux. Cela conforte la dynamique et apporte le soutien de la communauté internationale à l'action entreprise sur la base de l'accord de Pau. C'est une bonne nouvelle : chacun se sent concerné par ce qui se passe au Sahel.

Je voudrais terminer mon propos par le Liban, car c'est un sujet difficile actuellement – je le dis avec solennité – sur lequel j'ai rarement eu l'occasion de m'exprimer devant vous. D'abord parce que tout ce qui touche au Liban touche directement la France : nous avons une longue histoire commune. Et parce que la situation est alarmante avec une crise économique et financière, une crise sociale et une crise humanitaire, auxquelles se sont ajoutés les risques liés au coronavirus. À mesure que la crise sociale s'aggrave, et que les réformes tardent à se concrétiser, les risques de violence augmentent. Au cours des dernières semaines, nous avons vu à Beyrouth se dérouler des affrontements à caractère confessionnel, alors que le mouvement de mobilisation auquel nous avions pu assister depuis l'automne dernier réunissait jusqu'à présent des Libanais de tous bords autour d'aspirations légitimes d'ordre économique et sociale. Le thème des revendications était « moins de corruption » ; « davantage de transparence » ; une meilleure gestion économique ; une réforme des secteurs clés tels que l'électricité ou le secteur bancaire – trop souvent considéré comme étant la chasse gardée de quelques-uns – ; une présence protectrice de l'État ; le dépassement du confessionnalisme… Tout cela était porté par une mobilisation pacifique. Aujourd'hui, malheureusement, on constate une évolution vers des affrontements à caractère confessionnel. Cette dérive est très préoccupante.

Nous disons aux autorités libanaises – je l'ai moi-même dit au Premier ministre Hassane Diab et à mon collègue Nassif Hitti avec qui je m'entretiens régulièrement – qu'il faut que les réformes sur lesquelles le gouvernement de M. Diab s'est engagé soient mises en œuvre de manière concrète. Pour que nous puissions nous-mêmes nous mobiliser financièrement, il faut que les réformes se traduisent dans les faits. Nous avons apporté au Liban l'aide humanitaire et sanitaire dont il a besoin. Pour un accompagnement plus fort, le pays bénéficie du soutien du Fonds monétaire international et celui du Groupe international de soutien au Liban (GIS) que nous avons mis en place à Paris en décembre dernier. Il faut que les réformes se fassent, et je vais me rendre prochainement au Liban pour le dire avec force. Le Président de la République est très préoccupé par la situation. Nous souhaitons que les autorités libanaises prennent vraiment la situation en mains pour faire aboutir les réformes nécessaires et parvenir à une pacification progressive du Liban.

Les écoles chrétiennes du Liban et de la région sont des vecteurs de pluralisme, des relais d'influence et des foyers de francophonie au Proche et au Moyen-Orient. Rien qu'au Liban il y a 333 écoles chrétiennes francophones dont 21 homologuées par le ministère français de l'éducation nationale. Il importe que nous puissions nous mobiliser pour les aider, et nous allons agir de manière très significative, pour leur permettre de tenir le coup à la rentrée prochaine. C'est un axe de notre présence au Liban et nous allons mettre en œuvre, au-delà du Liban, un fonds – le fonds Personnaz – de soutien aux écoles chrétiennes du Proche et du Moyen-Orient. Le Président de la République s'y est engagé. Il sera opérationnel très rapidement et les premiers projets seront engagés dès cet été. Le soutien à la présence du français dans cette région est essentiel pour l'avenir.

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